Legs et Donations 2023

14 - Avec ce second exemple, on se rend compte que la discordance entre les deux évaluations a des conséquences importantes, puisque l’attributaire de l’immeuble va devoir régler une indemnité de réduction, alors pourtant que la donation-partage était économiquement égalitaire et qu’elle bénéficie de la stabilité attachée au respect des conditions de l’article 1078 du Code civil. B. - Les solutions envisageables 15 - A priori, on pourrait se dire qu’il suffit de concevoir la donation-partage en anticipant sur les « valeurs liquidatives » pour éviter tout risque de remise en cause de l’acte au jour du décès. Sauf qu’en réalité, la solution est, le plus souvent, difficilement praticable. Si l’on reprend les données du deuxième exemple que nous avons envisagé plus haut (avec un usufruit valorisé à 40 %) et que l’on fixe la soulte en faisant abstraction de l’usufruit, l’enfant A va devoir verser une soulte de 100 000/2=50 000, et non plus 30 000. Il est vrai que dans ce cas, cette donation-partage ne sera pas remise en cause, puisque liquidativement chaque enfant aura reçu 50 000, ce qui est plus que la réserve (33 333). 16 - Mais, en pratique, il y a quand même de forte chance pour que l’attributaire du bien ne veuille pas accepter son lot et donc que la donation-partage ne se fasse pas. En effet, dans une logique purement économique, ce lot ne « rapporterait » à l’enfant A, au jour de l’acte que 60 000 (valeur de la nue-propriété) moins 50 000 (montant de la soulte) soit 10 000 €… ce qui représente cinq fois moins que ce qui est remis à son cohéritier, lequel aura de surcroît l’avantage de pouvoir investir immédiatement ses fonds. CONSEIL PRATIQUE  En conséquence, et même s’il faut tenir compte des circonstances propres à chaque hypothèse, il est sans doute préférable, le plus souvent, de maintenir l’évaluation économique pour réaliser le partage d’ascendants, à charge toutefois pour le notaire, au titre de son devoir de conseil, de réaliser une « projection liquidative », pour mesurer si la « discordance » des évaluations risque ou non de conduire à compromettre la réserve. 17 - En fonction des cas, le praticien pourra simplement constater que le reste du patrimoine du donateur, et la « marge » offerte par la quotité disponible, sont suffisants, ou suggérer au donateur de modifier un peu l’équilibre de son partage, ou encore, si le risque de réduction est important mais que la donation-partage, telle qu’elle est conçue, convient à tout le monde, de la « couvrir » au moyen d’une renonciation anticipée à l’action en réduction (C. civ., art. 929 et s.). L’essentiel à retenir • L’évaluation civile d’une donation-partage, respectueuse des conditions de l’article 1078 du Code civil et qui comporte un lot en nue-propriété sous l’usufruit du donateur, révèle une discordance entre la « logique économique » et la « logique liquidative ». • Lors de la conception de l’acte, il est naturel, en suivant une « logique économique », de tenir compte de l’usufruit réservé pour déterminer la valeur « réelle » du lot en nue-propriété, et corrélativement, le cas échéant, pour fixer le montant de la soulte éventuellement due aux autres copartagés. • Mais il faut aussi avoir à l’esprit qu’au jour du décès du donateur, et suivant cette fois une « logique liquidative », il ne sera pas tenu compte de cet usufruit réservé, la donation-partage devant, dans l’hypothèse considérée et selon une doctrine majoritaire, être réunie fictivement pour sa valeur en pleine propriété au jour de l’acte. • Une donation-partage égalitaire d’un point de vue économique peut ainsi s’avérer inégalitaire liquidativement, ce qui ne porte pas nécessairement à conséquence (puisqu’une donation-partage peut parfaitement être inégalitaire), sauf si cet écart conduit à porter atteinte à la réserve d’un ou plusieurs copartagés. - 29 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE

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