de son allotissement. Elle peut viser tant le débiteur que le créancier de la soulte. En premier lieu, la révocation28 emporte l’anéantissement rétroactif de la libéralité : si elle vise le débiteur de la soulte, ce dernier doit restituer au disposant les biens dont il a été gratifié. En contrepartie, il va souhaiter le remboursement de la soulte. Mais celui-ci n’est pas dû par le créancier de la soulte. La Cour de cassation estime, en effet, que la révocation prononcée à l’égard d’un copartagé ne peut engendrer l’anéantissement du partage pour le tout ; elle laisse subsister l’effet de la transmission de propriété réalisée à l’égard des autres copartageants, y compris lorsque celle-ci consiste en une soulte versée par le donataire évincé29. En effet, une fois la soulte acquittée, son créancier est réputé l’avoir reçue directement du disposant, et non du débiteur, la remise en cause des droits de ce dernier est donc neutre pour le créancier. En second lieu, en cas de prédécès du donataire débiteur de la soulte, le droit de retour conventionnel stipulé joue comme une condition résolutoire et emporte, de la même façon, l’anéantissement des droits du donataire et donc la restitution des biens qu’il a reçus, sans remettre en cause les droits de celui à qui il a versé la soulte30. 16 - Pour autant, dans les deux cas, le disposant ne peut prétendre à une restitution que dans la mesure de ce qu’il a réellement consenti comme droits au donataire : une attribution de biens, avec la charge de la soulte. C’est donc au disposant qu’il revient de restituer la soulte à son débiteur, au titre de l’accord bilatéral qui les lie. De la même façon, si c’est le créancier de la soulte qui subit la révocation de sa libéralité, ou qui prédécède, alors qu’un droit de retour a été stipulé sur la soulte versée31, la restitution de la soulte doit s’effectuer directement au profit du disposant, dont il est, postérieurement à son règlement, réputé l’avoir directement reçue. La situation est quelque peu différente si les restitutions interviennent avant que la soulte ne soit entièrement réglée. C. - La remise en cause des allotissements antérieure au règlement intégral de la soulte 17 - Si le prédécès du donataire débiteur de la soulte intervient avant que son paiement ne soit achevé, l’anéantissement rétroactif de sa libéralité emporte aussi le retour dans le patrimoine du disposant des biens reçus, sans qu’il ne soit plus envisageable de lui réclamer le reste dû. Mais, cela 28 Pour ingratitude, inexécution des charges, et, si cela a été stipulé, pour survenance d’enfants. 29 Cass. 1re civ., 4 juill. 2006, n° 04-16.272 : JurisData n° 2006-034410, JCP G 2008, I, 108, n° 9, obs. R. Le Guidec ; RTD civ. 2007, p. 614, obs. M. Grimaldi ; Gaz. Pal. 2007, p. 385, note Y. Puyo. 30 W. Merle, L’exercice du droit de retour conventionnel dans le cadre d’une donation-partage : JCP N 2000, p. 1526, n° 28. 31 Ce qui est possible, même si le jeu d’un droit de retour sur des sommes d’argent correspond mal à la finalité de conservation des biens dans la famille attachée à ce mécanisme. 32 A. Chappert, Aspects fiscaux du droit de retour conventionnel : Defrénois, 2001, p. 467, n° 7. 33 I. Najjar, Rép. civ. Dalloz, v° Donation, Effets de la donation, n° 705. Contra, concernant la révocation de la donation faite au débiteur de la soulte : JCl. Notarial Formulaire, V° Donation-partage, fasc. 70, n° 141, par M. Mathieu. ne peut altérer les droits de ses copartagés et, notamment, du créancier de la soulte, qui peut alors réclamer celle-ci au disposant32. En effet, la constitution du lot du créancier de la soulte ayant été fixée par le disposant, au titre de leur accord bilatéral, le disposant doit garantir personnellement le respect de ce dernier. De la même façon, le donateur qui choisit de révoquer la libéralité faite au débiteur de la soulte doit, comme dans le cadre d’une donation avec charge au profit d’un tiers, en principe, accomplir celle-ci au lieu et place du donataire33. Il reçoit, dans son patrimoine, à la fois les biens transmis et la dette liée au reste de la soulte non payé, il doit s’en acquitter auprès de son créancier. REMARQUE Dans l’hypothèse où l’anéantissement des droits du créancier de la soulte interviendrait avant que celle-ci n’ait été payée, le disposant, en tant que stipulant, conserverait le droit d’en réclamer le paiement à son débiteur. La remise en cause des droits du créancier de la soulte n’altérerait pas l’obligation de s’acquitter de la soulte pesant sur son copartagé. 18 - Ainsi, la soulte institue un rapport tripartite destiné à maintenir un équilibre interne entre les droits des créancier et débiteur de la soulte jusqu’à son paiement, avant de l’occulter. Cela révèle sa vraie finalité : constituer un outil, au service du disposant, pour qu’il puisse, à travers la libéralité-partage, réaliser une répartition équilibrée de ses biens. L’essentiel à retenir • Si la loi garantit le maintien de l’équilibre souhaité par le disposant entre les droits des créancier et débiteur de la soulte en cas de paiement à terme, les modalités de cette garantie sont plus incertaines lorsque le débiteur a été alloti de biens en nue-propriété et que le terme est postérieur au décès du disposant. Par ailleurs, les conséquences de l’éventuelle remise en cause, au titre d’une révocation ou du jeu d’un droit de retour, des droits des créancier ou débiteur de la soulte, doivent être appréhendées différemment selon qu’elle intervient postérieurement ou antérieurement au règlement de la soulte. Le rapport tripartite n’est donc institué qu’en faveur du créancierbénéficiaire, comme dans la stipulation pour autrui - 25 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE
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