Le donataire évite le rapport successoral d’une donation consentie en avance de part. En effet, un arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 juillet 2018 a précisé fort logiquement que l’exclusion du rapport d’une donation-partage vaut également pour les donations faites en avancement de part successorale qui ont été incorporées à celle-ci3. En conséquence, les plus ou moins-values qui adviennent aux biens postérieurement à la donation-partage profitent ou nuisent à ceux-là seuls qui en ont été allotis. Un autre avantage résulte de la diminution du risque de réduction de la donation incorporée lorsque la donation-partage relève de l’article 1078. En effet, les biens incorporés sont évalués au jour de l’acte (C. civ., art. 1078-1, al. 2). Si la donation antérieure n’est pas incorporée, le bien sera imputé à sa date et pris en compte pour sa valeur au décès, ce qui augmente le risque d’une réduction de la donation-partage. L’incorporation permet un changement d’attributaire, pour distribuer différemment les biens antérieurement donnés. Un arrêt semble valider l’opération4. Cette règle trouve tout son intérêt dans la donation-partage transgénérationnelle. Des donations antérieurement faites aux enfants peuvent être incorporées dans une donation-partage transgénérationnelle (C. civ., art. 1078-7). Les biens qui avaient été donnés à un enfant peuvent ainsi être redistribués entre des petits-enfants. L’incorporation permet même de rendre transgénérationnelle une donation-partage ordinaire antérieure5. Plusieurs changements d’attributaire sont donc envisageables6 : le glissement vertical intrasouche, au sein d’une même souche (par exemple, le petit-fils est alloti de la donation faite au fils), le glissement horizontal intersouches (par exemple, le cousin est alloti de la donation faite à la cousine), le glissement oblique intersouches (par exemple le neveu est alloti de la donation faite à l’oncle). 3 - Sur le plan fiscal, la taxation aux droits de mutation à titre gratuit des biens donnés par donation-partage n’offre pas d’avantage particulier. Mais les biens réincorporés sont taxés au droit de partage. L’article 776 A du CGI rend particulièrement attractive la donation-partage transgénérationnelle avec incorporation de donations antérieures. Sous réserve que la donation réincorporée ait été enregistrée depuis plus de 15 ans et que les biens réincorporés soient attribués aux descendants du donataire initial, les droits de mutation à titre gratuit ne sont pas exigibles : seul le droit de partage au taux de 2,5 % est dû sur la valeur des biens réincorporés. 4 - Après avoir rappelé le régime de l’incorporation, il convient de s’interroger plus précisément sur le sujet : « l’incorporation partielle ». On aurait pu s’interroger sur l’incorporation partielle des donations, afin de rechercher s’il est préférable d’incorporer toutes les donations, ou seulement certaines d’entre elles. En effet, puisque l’article 1078-1, alinéa 1er du Code civil dispose que « le lot de certains enfants pourra être formé […] des donations […] déjà reçues par eux du disposant », les parties peuvent ne procéder à aucune incorporation, ou se contenter d’incorporer seulement certaines. En principe, pour limiter le risque d’une action en réduction intentée contre la donation-partage, il serait préférable d’incorporer toutes les donations anté3 Cass. 1re civ., 4 juill. 2018, n° 16-15.915 : JurisData n° 2018-011768 ; JCP N 2018, n° 29, act. 658. 4 Cass. 1re civ., 15 janv. 2014, n° 11-18.693 et 12-29.267 : JurisData n° 2014-002761 ; Dr. famille 2014, comm. 43, M. Nicod ; JCP N 2014, n° 24-25, 1230, note R. Le Guidec et J.-P. Garçon. 5 M. Grimaldi et R. Gentilhomme, Rendre transgénérationnelle une donation-partage antérieure : Defrénois 2011, art. 1344. 6 Rép. civ. Dalloz, V° Libéralités-partages, 2009, n° 85, F. Sauvage. 7 V., lorsque le donateur ne donne que sa quote-part d’un bien en indivision entre lui et à un tiers, D. Epailly, I. Cap et C. Durassier : 70 questions de donation-partage : Brochures du Cridon Sud-Ouest, févr. 2017, n° 299. rieures. Mais ce procédé entraîne un important coût fiscal en raison du droit de partage. Mais on doit limiter cette étude à l’incorporation partielle d’une donation. Plus précisément, il convient de distinguer selon que l’incorporation partielle porte sur une donation simple, ou sur une donation-partage. 1. L’incorporation partielle d’une donation simple 5 - Une donation simple peut bien sûr faire l’objet d’une incorporation partielle. Plus précisément, le donataire peut n’incorporer qu’une quote-part indivise, ou une partie démembrée. Ces cas d’incorporation partielle suscitent-ils des difficultés ? Pour répondre à cette question, il convient de confronter l’incorporation partielle avec le régime de l’indivision et avec celui du démembrement. A. - L’incorporation d’une quote-part indivise 6 - En matière d’indivision, il faut différencier plusieurs situations. 1° Hypothèse simple : donation originaire à un seul bénéficiaire 7 - Commençons par l’hypothèse la plus simple : suite à une donation à un seul enfant, celui-ci entend n’incorporer qu’une quote-part indivise du bien qu’il a reçu. On peut en effet imaginer que le donataire n’entend incorporer qu’une partie d’un bien de grande valeur (un château à la campagne, une grande maison en bord de mer…). Il convient alors de tenir compte des règles de l’indivision. Certes, même si celui qui incorpore une quote-part du bien n’est pas le seul propriétaire du bien, le droit de préemption des indivisaires prévu par l’article 815-14 du Code civil est inapplicable puisque l’incorporation n’est pas une cession à titre onéreux. Mais le bien en cas de changement d’attributaire sera ainsi en indivision entre le donataire d’origine copartagé et l’attributaire de cette quote-part dans le cadre de la donation-partage. Il en résulte que le lot de ce donataire copartagé ne sera consolidé, par l’effet déclaratif de partage, que si lors du partage le bien n’est pas attribué au donataire d’origine qui a procédé à l’incorporation. Une solution consiste à stipuler que la donation-partage porte sur la quotepart indivise ou sur sa contrevaleur dans le partage du bien indivis7. Il faut également prendre conscience que l’incorporation partielle d’une quote-part indivise entrainera, au décès du donateur, une certaine complexité liquidative. Sur le plan liquidatif, il convient de distinguer : – la quote-part indivise incorporée dans la donation-partage n’est pas rapportable et peut, dans le cadre de la réunion fictive, bénéficier de l’article 1078 du Code civil si ses conditions sont réunies ; - 15 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE
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