- 11 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE Le rejet de la qualification de donation-partage pour ces opérations non ostensibles, réside dans l’exigence d’indivisibilité des donations et du partage institué 3 - Désolennisation ? – Certains textes permettent toutefois d’appuyer la thèse de la désolennisation7 de la donation-partage. D’abord, l’article 1076, alinéa 2 du Code civil prévoit en effet que la donation et le partage peuvent être fait par acte séparé8 pourvu que le disposant intervienne aux deux actes9. La dissociation entre la donation et le partage permettrait ainsi d’admettre que l’acte de partage soit précédé de donations non notariées. Quant au partage, il est admis qu’il puisse être réalisé sous seing privé en l’absence d’immeuble10 – en vertu de l’article 835 du Code civil – même si l’on connaît le risque résidant dans le décès du de cujus avant le partage successif. Ensuite, comme évoqué en liminaire, le renvoi opéré par l’article 1075 aux règles prescrites pour les donations entre vifs peut s’étendre à la jurisprudence relative aux donations non ostensibles, selon l’interprétation retenue. Mais concrètement alors, comment requalifier ? Des opérations qui se succèdent dans le temps seraient réunies in fine comme étant issue d’une même volonté répartitrice ? 4 - Volonté répartitrice. – On perçoit qu’admettre de telles requalifications ouvrirait la voie à un certain libéralisme dans l’interprétation de l’anticipation successorale du donateur. Il est admis que rechercher la volonté d’un défunt n’est pas chose aisée. Cette volonté est pourtant dominante dans l’interprétation de telles opérations soumises à l’appréciation du juge, au point que c’est en elle que réside souvent la clé de la (re)qualification. Or, s’agissant d’une donation-partage, il ne s’agirait pas seulement de relever l’existence de l’intention libérale du donateur, déjà d’appréciation délicate, mais de relever aussi l’existence d’une intention de partager, de distribuer et répartir ses biens entre ses héritiers. La recherche de la volonté doit ainsi être double, ce qui rend difficile une analyse se fondant uniquement sur les largesses offertes par la requalification instituée par la jurisprudence relativement aux simples donations entre vifs. De surcroît, une telle requalification ne peut apparaître qu’a posteriori, une fois ces donations non ostensibles réalisées11. Il s’agit alors de considérer ces différentes opérations comme un ensemble duquel on déduirait 7 V. Zalewski-Sicard, La désolennisation des donations portant sur les titres financiers : RFP 2015, dossier 11. 8 S’agissant de l’acceptation des donataires copartagés, il est établi qu’elle doit être expresse, mais qu’elle doit figurer dans un acte postérieur, lequel doit revêtir la forme authentique (C. civ., art. 932, al. 2). – Cass. 1re civ., 8 juin 1966 : D. 1966, p. 674, note P. Voirin ; JCP 1966, II, 14728, note J.-A. 9 En l’absence d’intervention du donateur, l’acte constitue un pacte sur succession future prohibé : Cass. 1re civ., 10 oct. 2012, n° 11-18.494 ; sur ce risque, plaidant pour la solennité des donations-partages : M. Dagot, Des donations non solennelles : JCP N 2000, n° 39, p. 1392, n° 60. 10 De même en présence d’incapable, la dissociation opérant également à cet égard : JCl. Civil Code, Art. 931, fasc. 10, par G. Raoul-Cormeil, V° Donations et testaments – Donations entre vifs – Forme authentique, n° 44. 11 Il peut s’agir également d’une seule opération, prenant par exemple la forme d’une donation déguisée : Cass. 1re civ., 9 nov. 1976, n° 75-11.863 : Bull. civ. I, n° 341 ; et de façon plus ancienne, req. 21 juin 1931 : S. 1932, 1, p. 85. – req. 5 nov. 1877 : S. 1878, 1, p. 214. 12 Cass. 1re civ., 17 avr. 1985, n° 84-11.908 : JurisData n° 1985-001309 ; Bull. civ. I, n° 118 ; D. 1986, p. 243, note J.-C. Groslière ; Defrénois 1987, art. 34030, note G. Champenois. 13 Deux donations consenties par deux parents le même jour, l’une à un enfant à charge pour lui de remplir ses sœurs de leur réserve et l’autre aux deux sœurs pour les allotir de leur réserve. Le second acte faisait expressément référence au premier. 14 M. Mathieu, Donations-partages et pluralité d’actes de donation (à propos de l’arrêt Labourdette) : JCP N 1987, I, p. 77. 15 Cass. 1re civ., 6 févr. 2007, n° 04-20.029 : JurisData n° 2007-037226 ; Bull. civ. I, n° 51 ; JCP G 2008, I, 108, R. Le Guidec ; D. 2007, p. 2135, obs. M. Nicod ; AJ fam. 2007, p. 142, obs. F. Bicheron ; Defrénois 2007, 1294, B. Gelot ; RTD civ. 2007, p. 611, obs. M. Grimaldi ; les prémices d’une telle solution étaient présentes : Cass. 1re civ., 3 janv. 2006, n° 02-17.656 : Bull. civ. I, n° 3 ; RTD civ. 2007, p. 613, obs. M. Grimaldi. 16 Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Droit des successions et des libéralités : LGDJ, 2020, n° 834. 17 JCl. Notarial Formulaire, V° Donation-partage, fasc. 20, n°87, par M. Mathieu et J.-F. Pillebout. 18 G. Champenois, note ss Cass. 1re civ., 17 avr. 1985, n° 84-11.908 : Defrénois 1987, art. 34030. une volonté de faire donation-partage, alors même que chaque opération, ainsi qualifiée de donation, est distincte des autres. C’est le célèbre arrêt Labourdette qui avait ainsi ouvert la voie en 1985 en estimant qu’« il peut y avoir donation-partage lorsque les actes de donation quoique distincts, apparaissent indissociables et donc indivisibles dans la mesure où ils reflètent la volonté clairement exprimée du donateur de distribuer en totalité ou en partie ses biens entre ses enfants ou descendants »12. Le contexte de cette solution est néanmoins spécifique13. Dès lors que ces donations distinctes sont unies par un même projet répartiteur14, elles pourraient épouser ensemble la qualification de donation-partage. 5 - Revirement. – Il est aujourd’hui admis en doctrine que cette voie s’est refermée par un arrêt du 6 février 2007 qui en constitue le revirement15 : « la donation-partage qui réalise la volonté répartitrice de toutes les parties ne peut résulter, sous réserve de l’alinéa 2 de l’article 1076 du code civil, que d’un acte authentique prenant en compte la totalité des biens donnés ». Partant, le rejet de la qualification de donation-partage pour ces opérations non ostensibles, réside dans l’exigence d’indivisibilité des donations et du partage institué, au point « qu’il n’est plus possible aujourd’hui de prétendre la découvrir dans une pluralité de donations faites séparément aux différents bénéficiaires, alors même que ces donations auraient été faites en considération les unes des autres »16. Si la solution ne manque pas de clarté17, quelques interrogations subsistent. 6 - Tempérament ? – Certes, déduire une qualification de donation-partage de plusieurs donations non ostensibles, par la seule analyse d’une volonté reconstituée serait s’en remettre au subjectivisme, relevant presque d’un art divinatoire18. On ressent l’insécurité induite par une telle démarche qui ne pouvait donc raisonnablement persister. Mais s’il existe un pacte adjoint, la situation semble différer quelque peu. Le tempérament concerne ainsi les dons manuels. La donation-partage pourrait résulter de « la conjonction de dons manuels, réalisés les uns en contemplation des autres, en un mouvement unique, dans une distribution d’ensemble
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