La revue fiscale du patrimoine

68 - Dans le propos ci-après seront mis en lumière différents sujets d’intérêt présentant d’éventuels risques ou incertitudes au plan fiscal, illustrés par le contexte franco-belge. Ils font suite à divers échanges récents – soit que nous aurions eus directement, soit dont nous nous sommes fait l’écho – avec l’administration fiscale française. A. - De l’intérêt de déclarer une donation en France 69 - Le premier risque identifié est bien connu : il s’agit du cas où un contribuable, ayant un lien potentiel ou futur avec la France, aurait valablement consenti, ou reçu, une ou plusieurs donations portant sur des actifs détenus à l’étranger, sans qu’aucune des conditions de l’article 750 ter du CGI ne soient remplies. Ce cas de figure vise plus particulièrement les donateurs et/ou donataires qui envisageraient à l’avenir de se domicilier en France et, une fois installés, pourraient consentir ou recevoir une nouvelle libéralité (par donation ou succession). À cette occasion, le redevable de l’impôt se trouve pleinement dans le champ d’application de l’article précité. 70 - Or, à l’occasion d’une nouvelle transmission, les dispositions de l’article 784 du CGI, reprises au BOI-ENR-DMTG10-50-50-20170213, posent une obligation relative à l’application d’un« rappel fiscal »de toutes les donations antérieures, quelle que soit leur nature, peu importe qu’elles aient été effectuées en France ou à l’étranger, déclarées ou non. Elles en sont toutefois dispensées lorsqu’elles ont plus de 15 ans avant la nouvelle transmission à titre gratuit. 71 - On le sait, l’enjeu majeur réside dans l’opposabilité à l’administration fiscale française de la date de la donation antérieure réalisée à l’étranger, c’est-à-dire alors qu’elle est hors champ de l’article 750 ter du CGI. 72 - Or, bien qu’il soit probable que la donation étrangère ait suivi les exigences formelles du droit local applicable, l’administration fiscale française ne retient, comme lui étant opposable, que la date des actes ayant date certaine conformément aux dispositions de l’article 1377 du Code civil 34. 73 - Ceci étant posé, il nous semble indispensable que, préalablement à toute installation en France, la donation consentie à l’étranger fasse l’objet d’un enregistrement en France, afin de lui conférer date certaine. À défaut, l’administration fiscale française pourrait être fondée à considérer que la date de la donation initiale ne lui est opposable qu’au jour où cette dernière lui est révélée selon les formes prescrites par l’article 1377 du Code civil (soit, au plus tard, au décès du donateur). Cela aurait alors pour conséquences : d’abord, l’imposition en France de la donation étrangère antérieure, puisqu’au jour de la révélation un critère de rattachement serait constaté ; ensuite, de soumettre au rappel fiscal une donation qui aurait dû en être exclue. 74 - Corrélativement, étant donné le caractère restrictif de la doctrine administrative, nous estimons constituer une position peu prudente celle qui consisterait à considérer sans réserve la date d’un acte notarié étranger, ou enregistré à l’étranger, comme étant de facto opposable à l’administration fiscale française. Toutefois, notons que nombre de praticiens ne partagent pas cette analyse et prônent une doctrine plus « libérale »35. 75 - Afin d’éviter toute difficulté du point de vue de l’acquisition de la date certaine en France des donations passées à l’étranger, nous préconisons l’enregistrement en France de l’ensemble desdites donations, conformément à l’article 1377 du Code civil. Deux modalités pratiques nous semblent exister : ‰en premier lieu, le dépôt au service de l’enregistrement. Dans ce cas, chacun des donataires doit déposer en double exemplaire à la recette des impôts compétente en France (service des non-résidents ou service du domicile du donataire s’il réside en France) soit le document authentique constatant la donation, ou une copie certifiée conforme traduite par un traducteur assermenté, soit un imprimé de don manuel pour les dons non constatés par écrit à l’étranger (sous réserve de la possibilité de déclarer en ligne une telle donation) ; ‰en second lieu et alternativement, le dépôt au rang des minutes d’un notaire français des premiers documents précités. Il s’agit en principe d’un acte innommé soumis au seul droit fixe de 125 ³. 76 - Il est précisé que l’enregistrement ne donnera lieu à aucun paiement de droits de donation (mention de l’exonération à indiquer), la mutation à titre gratuit étant belle et bien opérée hors champ du droit fiscal français. B. - L’obligation d’enregistrement des donations mobilières en Belgique : la fin de la « Kaasroute » 77 - Certaines juridictions diffèrent fortement du droit français en termes d’obligations d’enregistrement. C’est notamment le cas de la Belgique, qui a néanmoins connu une évolution majeure récente en matière de donation, pouvant impacter indirectement certaines situations franco-belges. 78 - Les dispositions fédérales belges relatives aux obligations d’enregistrement relèvent principalement de l’article 19 du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe. En résumé, doit obligatoirement être enregistré (et donner lieu à perception des droits) en Belgique (1) tout acte portant cession de biens immobiliers sis en Belgique, qu’elle soit à titre onéreux ou gratuit, (2) tout acte notarié passé devant notaire belge et (3) depuis peu, tout acte de donation mobilière passée par devant notaire étranger. 79 - Sur ce dernier volet, la donation a historiquement une place de choix en matière de planification successorale en Belgique en raison de la différence importante de droits applicables entre une transmission opérée inter vivos et une transmission opéréemortis causa. 34. Inclus au Chapitre III « Les différents modes de preuve » (articles 1363 à 1386-1) du Titre IV bis du Livre III « De la preuve des obligations » du Code civil. 35. Ingénierie Patrimoniale n° 1-2021 – Janvier 2021 : Éditions JfA. ÉTUDES LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 4, AVRIL 2022 29

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