C. - La donation-partage française à l’épreuve du droit belge 1° Intérêt du sujet 40 - Sous l’angle français, il est impossible de ne pas évoquer cette modalité de transmission anticipée du patrimoine tant elle occupe une place centrale dans la matière. La donationpartage est l’instrument favori de la pratique notariale française pour assurer la paix des familles : en excluant le rapport successoral et surtout, en figeant les valeurs des biens donnés au jour de la donation pour les besoins de la réunion fictive à la masse de calcul de la réserve héréditaire(C. civ., art. 1078), elle évite l’établissement de nouveaux comptes relativement aux biens donnés au jour du décès du donateur. 41 - Dans un contexte transfrontalier, la donation-partage est pleinement concernée par les dispositions de l’article 25 du règlement européen en ce que cet acte constate« un accord qui confère, modifie, ou retire, avec ou sans contre-prestation, des droits dans la succession future d’une ou de plusieurs personnes parties au pacte ». Au titre du règlement, la recevabilité de l’acte, ses conditions de fond, ses effets ou sa dissolution, seront régis par la loi qui aurait été applicable à la succession du donateur s’il était décédé le jour où la donation a été conclue. En outre, les questions du rapport et de la réserve héréditaire en ce qu’ils forment des effets successoraux de la donationpartage seront régies par la loi applicable à la succession. Naturellement, un souci de sécurisation et de prévisibilité plaide en faveur de l’unicité de la loi applicable à tous ces aspects, ce qui impliquera, bien souvent, de formuler un choix de loi préalablement ou concomitamment à l’opération de transmission anticipée. 42 - Pour illustrer cette impérieuse nécessité, nous porterons l’analyse sur les conditions de recevabilité d’une donation-partage française en Belgique, selon la loi successorale, belge ou française, qui serait applicable au moment de la donation (2°). 2° Recevabilité de la donation-partage dans un contexte franco-belge 43 - La recevabilité de la donation-partage – plus exactement, comme le fait remarquer un auteur18, son« admissibilité »– ainsi que les conditions de fond de l’acte, ses effets ou sa dissolution, seront régies par la loi qui aurait été applicable à la succession du donateur s’il était décédé le jour où la donation a été conclue. Voyons ce qu’il en est dès lors que cette loi est alternativement belge (a) ou française (b). a) Cas où la loi belge est applicable : recevabilité de la donationpartage 44 - Nous nous plaçons dans l’hypothèse où l’établissement d’une donation-partage française serait envisagée, alors que la loi applicable à la succession, soit en raison du choix du disposant, soit en raison de sa résidence, serait la loi belge. Irrecevabilité de la donation-partage française sous l’empire du droit belge antérieur. – Le droit belge, tout comme le droit français, connaît le principe de prohibition des pactes sur succession future (C. civ. belge, art. 1130, al. 2) même si aucune définition légale n’en a jamais été donnée. 45 - Dans un arrêt du 10 novembre 1960, la Cour de cassation belge a comblé cette lacune19 : « Attendu que, pour qu’une convention ayant pour objet tel ou tel bien particulier constitue un pacte sur la succession future d’une des parties contractantes, il faut d’abord que ce bien soit considéré comme devant former un des éléments de sa succession actuellement non ouverte, ensuite que cette partie attribue à l’autre, dans sa succession, des droits purement éventuels sur ledit bien. ». 46 - Traditionnellement, une conception stricte de l’interdiction prévalait : en synthèse, le fait de s’engager sur une masse ou sur un actif successoral futur d’une partie au pacte ou celui d’un tiers était, en principe, prohibé. Alors que l’on note en droit français depuis plusieurs décennies un recul de la rigidité de ce principe20, ce dernier est resté solidement ancré en droit belge puisqu’il n’y connaissait, jusqu’à la réforme de 2018, que peu d’exceptions notables. 47 - Ainsi, et sous l’empire du droit antérieur à cette réforme, l’assimilation de la donation-partage française à un pacte sur succession future prohibé en droit belge ne faisait pas de doute. Rappelons-le, en droit français aussi, la donationpartage reçoit la qualification de pacte sur succession future, bien qu’expressément autorisé21. Analogie possible avec les nouveaux pactes successoraux belges ? –La réforme du droit successoral belge22 a opéré un assouplissement de l’interdiction des pactes sur succession future en établissant un certain nombre d’exceptions. 48 - Il a notamment été introduit la possibilité de recourir à des pactes successoraux, soit ponctuels, soit globaux, qui présentent des caractéristiques communes avec la donationpartage française. L’objectif est identique : anticiper les conflits familiaux en particulier s’agissant des biens transmis et du retraitement de leurs valeurs. 49 - Concernant les pactes globaux, après un recensement des donations et/ou avantages consentis par les parents, ou l’un d’eux, aux héritiers présomptifs en ligne directe, ces derniers reconnaissent aux termes du pacte que l’équilibre des transmissions a été respecté, ou que, si déséquilibre il y a eu, celui-ci leur convient (C. civ. belge, art. 1100/7, § 1er, al. 1er). Le cas échéant, le pacte pourra être accompagné d’une donation complémentaire permettant de parvenir à l’équilibre souhaité. 18. P. Callé, Les donations partages en droit international privé : Defrénois 2014, n° 7, p. 399 et s. 19. Cass. 10 nov. 1960, Pas., 1961, I, p. 259. 20. A. Lucas, Le recul de la prohibition des pactes sur succession future en droit positif : RTD civ. 1975, p. 455 à 491. 21. « les articles 1078-1 et 1078-3 du Code civil consacrent un nouveau recul de la prohibition des pactes sur succession future. Celle-ci cède un terrain au profit des règlements familiaux entre vifs dont l’intérêt est d’autant plus grand que l’ampleur est vaste » (P. Catala, La réforme des liquidations successorales : Defrénois 1972, art. 30187, spéc. p. 254). 22. Lois du 31 juillet 2017 et du 22 juillet 2018, entrées en vigueur le 1er septembre 2018. 26 LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 4, AVRIL 2022
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