32 - Nul besoin de préciser que cette décision a été vertement critiquée15 par la doctrine et la pratique. D’abord, l’article 587 du Code civil belge admet tout comme en droit français que la restitution se fasse en nature ou par un équivalent, le patrimoine successoral devant payer cette dette au moyen d’autres biens successoraux. En outre, il est discutable que d’affirmer qu’un quasi-usufruit ne puisse pas s’exercer sur des biens non consomptibles. L’article 1165 du Code civil belge, étayé par l’analyse de la doctrine, permet en effet de rendre opposable aux tiers (dont, en principe, l’administration fiscale belge) une convention qui ferait porter le quasi-usufruit sur des biens non consomptibles. 33 - Malgré des arguments contradictoires convaincants, il n’en reste pas moins que cette position contestable du SDA ne peut être ignorée. Plus encore, son impact sur la pratique belge est patent : parmi les schémas de transmission proposés, le quasi-usufruit se fait très rare. Or, en France, nous l’avons vu, il est très utilisé. 34 - Ainsi, dans un contexte franco-belge, pour ne pas craindre l’extinction de la créance de restitution et la remise en cause de l’équilibre du schéma proposé, il pourrait être prévu le remboursement anticipé de la créance de restitution du vivant du quasi-usufruitier, ainsi qu’il est communément admis par la doctrine majoritaire, tant française que belge. De manière plus radicale, des schémas alternatifs pourvoyant aux mêmes objectifs pourraient être envisagés. Par exemple, l’établissement d’une donation avec stipulation d’un report de démembrement et d’une obligation d’emploi à une structure sociétaire pourrait permettre au donateur de conserver les revenus et le pouvoir sur les biens donnés tout en assurant la transmission anticipée d’une partie de son patrimoine. B. - Le droit de retour en droit comparé 1° Au plan civil 35 - En France, l’article 951 du Code civil permet au donateur de stipuler au sein de l’acte de donation une clause selon laquelle les biens donnés, ou tous biens qui en seraient la représentation, pourront lui revenir, dans le cas où le donataire viendrait à prédécéder ou dans le cas où le donataire viendrait à prédécéder sans avoir lui-même de descendance. En Belgique, les articles 951 et 952 du Code civil permettent également de stipuler un droit de retour des biens donnés dans les mêmes conditions. 2° Au plan fiscal 36 - En droit belge, comme en droit français, l’exercice du droit de retour n’entraîne aucune imposition au titre des droits de mutation à titre gratuit. En outre, la législation française autorise le donateur à, soit demander la restitution des droits acquittés à l’occasion de la donation initiale(CGI, art. 791 ter, al. 2)soit, en cas de retransmission des biens ayant fait retour au profit d’un descendant, imputer sur les droits dus pour cette dernière les droits payés lors de la première transmission (CGI, art. 791 ter, al. 1er). Aucun mécanisme similaire de restitution ou d’imputation n’existe en droit belge. 3° La clause de retour optionnel belge à l’épreuve du droit français 37 - La pratique notariale belge a su développer un droit de retour optionnel : en cas de survenance de l’événement érigé en condition résolutoire, le donateur a la faculté d’exercer ou non le droit de retour. Elle s’oppose au droit de retour français qui repose sur un principe d’automaticité de la clause résolutoire. Toutefois, il serait faux de présenter cette option comme une originalité du droit belge, car elle est aussi bien connue des notaires français. Plus encore, une partie d’entre eux l’insèrent dans leurs actes. Au soutien de cette pratique, il existe des arguments : ‰cette clause présente l’intérêt évident de la souplesse pour le donateur. Au surplus, elle ne contient aucune contrainte supplémentaire pour le donataire ; ‰la doctrine majoritaire écarte les arguments discutant sa validité et sa portée16 ; ‰la consécration légale d’une telle clause de droit de retour optionnel a été proposée par le 108e Congrès des notaires de France17. 38 - Ainsi, d’un point de vue civil, la recevabilité d’une telle clause optionnelle en droit français ne doit pas faire de doute. Il reste que son traitement fiscal suscite encore des incertitudes : du point de vue français, l’absence d’imposition aux droits de succession est fondée sur le caractère aléatoire du retour conventionnel. Or, certains avancent que le caractère aléatoire serait rompu en raison du choix laissé au donateur. La condition résolutoire serait alors potestative ce qui justifierait une imposition aux droits de succession du retour. Néanmoins, cet argument peine à nous convaincre : l’exercice de l’option ne survient qu’après la réalisation de la condition résolutoire, soit le prédécès du donataire (et éventuellement de ses descendants) alors que, sur cet événement, le donateur n’a aucune prise. 39 - Naturellement, en l’absence d’une position affirmée de la législation fiscale française, la prudence est de mise et une éventuelle imposition aux droits demutation doit être intégrée à la réflexion. Toutefois, pour autant, la stipulation d’une clause de droit de retour optionnel ne nous semble pas devoir être systématiquement écartée : les intérêts civils d’une telle clause sont manifestes et pourraient tout à fait prédominer dans la réflexion de certains clients. 15. P. De Page, Le quasi-usufruit et les droits de succession : Wolters Kluwer, Recueil général de l’enregistrement du notariat 2015/2, n° 26.697. 16. En ce sens A. Karm, Droit de retour conventionnel : actualité et perspectives : JCP N 2016, n° 48, 1333. 17. V. 108e Congrès des notaires de France : Montpellier, 23-26 sept. 2012. – La transmission, 1re commission, 4e proposition : JCP N 2012, n° hors-série, p. 12-13. ÉTUDES LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 4, AVRIL 2022 25
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