La revue fiscale du patrimoine

2) La clause d’usufruit optionnel 23 - La pratique belge a développé une clause d’usufruit optionnel suivant laquelle le conjoint survivant peut décider de recueillir l’usufruit de l’ensemble des biens donnés par le prédécédé avec réserve d’usufruit. Tout comme la réversion d’usufruit française, cette clause d’usufruit optionnel est conventionnelle. 24 - La différence notable réside toutefois dans cette notion « d’option » : si en droit français, une fois acceptée, la réversion d’usufruit est définitive (sauf renonciation), en droit belge, recueillir l’usufruit des biens donnés reste toujours une faculté pour le conjoint. Ainsi, le conjoint survivant qui renoncerait à cet usufruit optionnel belge n’opère pas un transfert de propriété (le cas échéant imposable) au profit des nuspropriétaires, à la différence d’une renonciation à une réversion d’usufruit française qui serait en principe considérée comme une mutation à titre gratuit, et donc taxable, entre le conjoint et les nus-propriétaires. 3) Usufruit éventuel belge 25 - L’usufruit éventuel belge suit le même mécanisme que l’usufruit successif français : un donateur s’étant réservé l’usufruit peut constituer pour le cas de son prédécès un usufruit successif au profit d’un tiers (en ce compris son conjoint). La doctrine majoritaire belge considère qu’en cas de stipulation d’un usufruit éventuel, ce dernier primera sur l’exercice de l’usufruit successif légal nouvellement instauré11. Cette dernière considération est importante en ce qu’elle comporte des enjeux fiscaux. Le traitement fiscal de l’usufruit éventuel est plus complexe que celui de l’usufruit successif légal et dépend de plusieurs critères : ‰la région où réside le défunt lors de son décès ; ‰la nature mobilière ou immobilière du bien sur lequel porte l’usufruit ; ‰le fait que l’usufruit éventuel ait été accepté avant ou après le décès du donateur. 26 - Par exemple, si l’usufruit successif non accepté avant le décès du donateur porte sur des avoirs financiers, le bénéficiaire de cet usufruit sera redevable d’un impôt successoral. À cet égard, il convient de noter que l’acceptation de l’usufruit successif peut tout aussi bien être expresse que tacite : or, la simple intervention du tiers (souvent le conjoint) à l’acte de donation constitue une acceptation tacite. On le voit, passé l’obstacle des mauvaises analogies, la diversité des outils laisse une part importante à la volonté des parties. Pour peu que ces problématiques soient anticipées, les conseils franco-belges sauront ainsi proposer les ajustements nécessaires à la réalisation des objectifs formulés par leurs clients. 3° Les clauses de démembrement de droit français à l’épreuve du droit belge : le cas du quasi-usufruit 27 - Dans l’hypothèse où un donateur entend gratifier un donataire de la nue-propriété de biens consomptibles et fongibles, il peut entendre créer un quasi-usufruit 12. Le quasiusufruit est une technique qui innerve tout particulièrement le droit patrimonial français. Alors, dans un contexte francobelge, s’intéresser à son appréhension par le droit belge relève d’une impérieuse nécessité. a) En droit français : rappel de quelques principes gouvernant le quasi-usufruit 28 - Lors du règlement de la succession du donateur, la somme donnée n’est pas à comprendre dans l’actif.Au surplus, le nu-propriétaire est titulaire d’une créance de restitution sur la succession et s’agissant d’une dette légale, cette dernière est déductible au sens de l’article 773-2° du CGI. Outre les intérêts civils indéniables attachés à la transmission anticipée de sommes d’argent (cas le plus fréquent) en démembrement, la déductibilité de la créance de restitution forme un des attraits majeurs de ce schéma. 29 - Il est également envisageable de constituer un quasiusufruit sur un bien qui, bien que non consomptible par nature, soit fongible et ce par la seule volonté des parties. L’exemple typique est celui du portefeuille de valeurs mobilières 13. 30 - En outre, en prescrivant la restitution en nature ou par équivalent, le législateur valide la possibilité d’une subrogation réelle des biens objet du quasi-usufruit par de nouveaux biens sans disparition de la créance de restitution. Or, c’est bien sur ce point qu’en droit belge le bât blesse. b) En droit belge : extinction de la créance de restitution en cas de subrogation réelle 31 - Au plan de la législation civile, le droit belge épouse sans réserve les dispositions légales françaises ayant trait au quasi-usufruit. Au plan fiscal toutefois, le Service des décisions anticipées14 (SDA) a rendu une position qui n’a pas manqué de surprendre la doctrine belge. Cette position s’est exprimée à propos d’une donation d’argent des parents à leurs enfants avec réserve d’usufruit. Selon le SDA, « si l’argent donné a été remplacé par un autre bien (en l’espèce, un portefeuille de valeurs mobilières), la créance de restitution ne peut pas porter sur ce nouveau bien ». La justification en est la suivante : il ne peut être accepté« une extension conventionnelle du quasi-usufruit sur des biens autres que consomptibles pour des motivations fiscales ». Il ajoute : « si le bien consomptible n’existe plus, la créance de restitution n’existe plus ». 11. V. 1) ci-dessus. 12. L’article 587 du Code civil est le siège du quasi-usufruit. 13. M. Grimaldi et J.-Fr. Roux, La donation de valeurs mobilières avec réserve de quasi-usufruit : Defrénois 1994, n° 35.677. 14. Rép. gén. not. 2015, n° 26.704. En Belgique, le Service des décisions anticipées offre à chaque contribuable la possibilité d’obtenir du SPF Finances, de manière anticipée, une position concernant les conséquences fiscales d’une opération ou d’une situation qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal. 24 LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 4, AVRIL 2022

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