Legs et Donations 2026

- 27 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2026 Patrimoine ATTENTION  Cette séquence impose une vigilance accrue en pratique : le notaire ou le praticien chargé de la liquidation doit d’abord procéder à la réduction des libéralités ordinaires, avant de calculer la masse fictive de partage dans laquelle sera évaluée la part théorique du puîné. Ce n’est que si cette masse reconstituée demeure insuffisante que l’on pourra envisager une réduction des attributions issues de la donation-partage, par voie d’indemnité. 2. Le notaire et la réduction spéciale l’article 1077-2 du Code civil A. - Le notaire au moment de la rédaction de l’acte 18 - Une vigilance notariale omnisciente. – Nous le rappelons régulièrement, le devoir de conseil du notaire n’est pas une obligation abstraite, mais une exigence fonctionnelle : il commande que l’acte reçu atteigne le but poursuivi par les parties dans la durée, au regard non seulement du droit applicable au jour de la signature, mais également des aléas prévisibles de son exécution future14. En matière de donation-partage égalitaire, cette exigence prend une résonance particulière : l’efficacité de la répartition opérée est potentiellement viciée par la seule survenance d’un héritier ultérieur, que le donateur n’a pas pu prendre en compte, mais que le notaire avait juridiquement les moyens d’anticiper ou pour laquelle il aurait pu au moins informer les parties. Il convient de s’interroger sur les implications du correctif susvisé à l’aune de ce devoir de conseil et d’efficacité. 19 - L’article 1077-2, alinéa 3 du Code civil offre à l’enfant non encore conçu un droit propre à reconstituer sa part successorale, y compris lorsque la donation-partage initiale avait organisé une stricte égalité entre enfants présents. Le risque n’est donc pas ici l’éviction volontaire d’un héritier – que le notaire pourrait ignorer sans faute – mais bien l’effet légal automatique d’un mécanisme correcteur instauré par la loi, au bénéfice d’un tiers encore à naître. 20 - Ce mécanisme correcteur crée, de fait : • un aléa successoral structurel, indépendant de l’intention libérale du donateur ; • une fragilisation potentielle de l’équilibre successoral établi, même dans les donations-partages strictement égalitaires ; • et un risque contentieux différé, susceptible d’intervenir plusieurs décennies après la signature de l’acte, au moment du décès du disposant, voire du survivant en cas de donation conjointe. 14 J. de Poulpiquet, Notaire – Devoir de conseil, in JCl. Notarial Formulaire, V° Responsabilité notariale, fasc. 3 : LexisNexis, 14 avr. 2017, mise à jour 18 avr. 2025, act. par Ph. Pierre. 15 « Le notaire chargé de rédiger le contrat choisi par des futurs époux est tenu, non pas de les informer de façon abstraite des conséquences des différents régimes matrimoniaux, mais de les conseiller concrètement au regard de leur situation, en les éclairant et en appelant leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des régimes matrimoniaux pouvant répondre à leurs préoccupations ». Cass 1re civ., 3 oct. 2018, n° 16-19.619 : JurisData n° 2018-017114 ATTENTION  Ce risque n’a rien de théorique. Dans un contexte de recomposition familiale, d’allongement de la durée de vie et de pluralisation des trajectoires filiales, la naissance d’un enfant postérieure à une donation-partage n’est ni rare ni imprévisible. Elle constitue au contraire un scénario probable, qui doit être anticipé dès la rédaction de l’acte. 21 - Devoir renforcé de conseil du notaire... – La jurisprudence constante rappelle que le notaire, en tant qu’officier public, est tenu à un devoir de conseil renforcé, et d’anticiper le probable. Ce devoir implique non seulement de vérifier la validité de l’acte, mais aussi d’informer les parties des conséquences futures prévisibles de l’opération. Si le notaire engage sa responsabilité en n’anticipant pas la désunion dans un conseil matrimonial15, il engage selon nous également sa responsabilité en n’anticipant pas la survenance d’un enfant nouveau dans un conseil successoral. 22 - … Pouvant aller jusqu’à l’engagement de sa responsabilité. – Dès lors, l’omission de toute alerte sur l’éventualité d’un enfant non conçu – surtout en l’absence de certitude biologique ou intentionnelle d’exclusion – peut constituer une faute engageant la responsabilité du notaire, tant à l’égard du donateur que des gratifiés appelés à indemniser le puîné. Au-delà de ce principe, il conviendrait à tout le moins de caractériser un préjudice réel résultant d’une telle faute pour engager la responsabilité du notaire, ce qui semble, en l’état, plus incertain. Cela étant, la réévaluation induite par la subrogation d’une somme d’argent dans un lot attribué à titre égalitaire – laquelle devrait être rapportée à la masse fictive pour sa valeur subrogée – pourrait constituer une piste de réflexion. En toute hypothèse, au regard de l’ingéniosité de certains conseils, il est vivement déconseillé au notaire de prendre un tel risque. CONSEIL PRATIQUE  Il en résulte une obligation concrète selon nous : au moment de la rédaction d’un acte de donation-partage égalitaire, le notaire doit interroger la situation familiale du disposant et, en l’absence d’une certitude biologique avérée (ce qui semble outrepasser les capacités d’un notaire qui n’est pas médecin), attirer expressément l’attention du client sur le risque juridique attaché à l’apparition d’un héritier futur. Ce devoir devrait se matérialiser par : • u ne information orale circonstanciée lors de la signature de l’acte ; • l a proposition d’une clause spécifique d’anticipation à insérer dans l’acte (informative, conditionnelle, voire préciputaire selon les cas) ; Le devoir de conseil du notaire n’est pas une obligation abstraite, mais une exigence fonctionnelle : il commande que l’acte reçu atteigne le but poursuivi par les parties dans la durée

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