- 17 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2026 Patrimoine B devrait quant à lui effectuer un rapport correspondant à la valeur de l’usufruit donné au jour de la donation, soit 80 000 € (rapport fixe) ou d’une somme de 500 000 € x 20 % = 100 000 € (rapport indexé sur la valeur de l’immeuble au décès). La question qui se pose alors est celle de l’incidence de telles clauses. 1° Donation de nue-propriété et clause de rapport forfaitaire 25 - Cela ne semble poser aucun problème en ce qui concerne la donation de la nue-propriété d’un bien : la clause procure un avantage indirect au profit du donataire, et si cet avantage indirect porte atteinte à la réserve, il y a alors réduction, celle-ci s’effectuant à la charge du donataire de la nue-propriété, seul bénéficiaire de l’avantage indirect. 2° Donation d’usufruit et clause de rapport forfaitaire 26 - La solution est moins évidente en ce qui concerne la donation de l’usufruit d’un bien. En effet, d’après l’application que fait la Cour de cassation de l’article 860 du Code civil en cas de donation d’un droit démembré, la donation d’usufruit est en principe rapportable pour une valeur nulle, dès lors que l’usufruit était constitué sur la tête du donateur. Prévoir que cette donation d’usufruit sera rapportée pour une valeur forfaitaire déroge à cette interprétation jurisprudentielle en procurant un avantage indirect, cet avantage indirect profitant aux cohéritiers du donataire d’usufruit. Cet avantage indirect s’analysant en une donation indirecte, comme la clause de rapport forfaitaire en cas de baisse de valeur du bien donné, sa validité nécessite qu’elle soit acceptée par les cohéritiers du donataire d’usufruit. Cela suppose également une lecture extensive de l’article 860, alinéa 4 du Code civil, qui vise « le donataire » au titre de la personne bénéficiaire de l’avantage indirect, pour considérer que cet avantage indirect lui est acquis « hors part successorale ». Il faut ici retenir l’esprit du texte, qui est de considérer que l’avantage indirect est acquis à son bénéficiaire. Il serait également fondé de soutenir que, compte-tenu de ce que cet avantage indirect est assimilé à une donation indirecte, le terme « donataire » désigne ici le bénéficiaire de cet avantage indirect. Le notaire recevant la donation de l’usufruit d’un bien avec clause de rapport forfaitaire devra donc faire intervenir les cohéritiers présomptifs du donataire en qualité de bénéficiaires de l’avantage indirect procuré par cette clause. 35 C. civ., art. 1121, ancien : « On peut pareillement stipuler au profit d’un tiers lorsque telle est la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou d’une donation que l’on fait à un autre. Celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer si le tiers a déclaré vouloir en profiter ». 36 C. civ., art. 1205 : « On peut stipuler pour autrui. L’un des contractants, le stipulant, peut faire promettre à l’autre, le promettant, d’accomplir une prestation au profit d’un tiers, le bénéficiaire. Ce dernier peut être une personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de l’exécution de la promesse ». 37 Pour une jurisprudence validant une stipulation pour autrui entraînant une charge pour le bénéficiaire : Cass. 1re civ., 8 déc. 1987, n° 85-11.769. 38 Rappelons que lorsque les libéralités hors parts successorales excédent la quotité disponible, l’excédent s’impute sur la part de réserve des bénéficiaires de ces libéralités, et donne lieu à paiement du solde au cas où subsiste un excédent. 3° Clause de rapport forfaitaire et donation d’usufruit : une forme de stipulation pour autrui ? 27 - Une autre voie serait de considérer que la clause de rapport forfaitaire de la donation d’usufruit constituerait une stipulation pour autrui de la part du donateur au profit des cohéritiers du donataire d’usufruit. Rappelons simplement que la stipulation pour autrui instaure un rapport de droit triangulaire : le stipulant (ici le donateur) fait promettre au promettant (ici le donataire d’usufruit) une prestation au profit d’un bénéficiaire (ici les cohéritiers du donataire), l’illustration la plus courante en étant l’assurance vie. L’ancien article 1121 du Code civil35 ne permettait la stipulation pour autrui que lorsqu’elle constituait une condition d’un engagement pris pour soimême ou d’une donation. L’article 1205 du Code civil36 élargit le champ d’application de la stipulation pour autrui, sans qu’il soit nécessaire de justifier d’une condition particulière pour sa validité. La stipulation pour autrui nécessite l’acceptation du bénéficiaire, qui peut intervenir après décès du stipulant comme en matière d’assurance vie, le stipulant pouvant révoquer la stipulation pour autrui tant que cette acceptation n’est pas intervenue. Elle peut comporter une charge37 que le bénéficiaire devra exécuter s’il accepte la stipulation pour autrui, la charge dans le cas qui nous intéresse ici étant l’éventuelle réduction de la donation indirecte. En effet, si la mise en œuvre de la clause de rapport forfaitaire porte atteinte à la réserve, ce seront alors les cohéritiers du donataire d’usufruit, bénéficiaires de l’avantage indirect imputable sur la quotité disponible, qui seront impactés par cette réduction38. Ils ne seront cependant pas perdants, puisque l’usufruit ayant fait l’objet de la donation sera bien rapporté par son donataire dans le cadre du partage, contrairement à ce qui se passerait à défaut de clause de rapport forfaitaire. EXEMPLE Monsieur Dupont, âgé de 84 ans, a fait donation à A de l’usufruit reposant sur sa tête d’un bien valant 400 000 € au jour de la donation et 500 000 € au jour du décès. L’usufruit donné a une valeur fiscale de 80 000 €, la donation contenant une clause de rapport forfaitaire tenant compte du taux de l’usufruit fiscal au jour de la donation reporté sur la valeur du bien au jour du décès. Les biens existants au décès (dont le bien dont l’usufruit a été donné) ont une valeur de 700 000 €. La réserve est calculée en tenant compte des seuls biens existants, la donation d’usufruit étant prise en compte pour une valeur égale Une autre voie serait de considérer que la clause de rapport forfaitaire de la donation d’usufruit constituerait une stipulation pour autrui de la part du donateur au profit des cohéritiers du donataire d’usufruit
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