- 12 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2026 Patrimoine Si les cohéritiers du donataire interviennent à l’acte pour prendre connaissance de la donation et des conséquences de la clause de rapport forfaitaire, et acceptent l’avantage indirect pouvant en résulter en cas de baisse de valeur du bien donné, alors le donataire devra rapporter la donation pour son montant forfaitaire, la seule limite étant qu’il soit rempli de sa réserve calculée conformément aux termes de l’article 922 du Code civil. EXEMPLE Reprenons l’exemple précédent, l’immeuble d’une valeur de 300 000 € au jour de la donation ayant une valeur de 200 000 € au jour du décès et du partage, les biens existants n’étant plus de 900 000 € mais de 100 000 €. • Si la donation ne comporte aucune clause relative au rapport, la masse à partager est de 200 000 + 100 000 = 300 000 €, dont moitié revenant à chacun est de 150 000 €. A effectue son rapport en moins prenant et est redevable d’une indemnité de réduction de 50 000 €, qui ajoutée aux biens existants remplit B de ses droits dans la succession. • Si la donation comporte une clause de rapport pour le montant de la donation avec intervention de B, la masse à partager est de 300 000 + 100 000 = 400 000 €, revenant à chacun pour moitié soit 200 000 €. La réserve est de (200 000 + 100 000)/3 = 100 000 €. Dans le cadre du partage, A effectue son rapport pour 300 000 € qui excède le montant de ses droits et doit donc verser une soulte de 100 000 €, soit un émolument net de 200 000 €. Il n’y a alors pas atteinte à la réserve. Pour sa part, B aura reçu 200 000 € (les biens existants et la soulte), soit 50 000 € de plus que dans l’hypothèse précédente. • Si dans la même hypothèse le bien donné vaut 100 000 € (et non plus 200 000 €) au jour du décès et du partage, alors la réserve individuelle est de (100 000 + 100 000)/3 = 66 666,66 €, la quotité disponible étant également de 66 666,66 €. Comptetenu de la clause de rapport forfaitaire, la masse à partager est de 300 000 + 100 000 = 400 000 €, sur laquelle B a droit à la quotité disponible en sa qualité de bénéficiaire de l’avantage indirect, soit 66 666,66 €. Le solde de la masse à partager, soit 333 333,33 € revient à chacun de A et B pour moitié, soit 166 666,66 €. A a droit à 166 666,66, B ayant droit à 233 333,33 €. A effectue son rapport d’un montant de 300 000 €. Ses droits étant de 166 666,66 €, l’indemnité de réduction est de 300 000 – 166 666,66 = 133 333,33 €. La clause de rapport forfaitaire procurant un avantage indirect à B, c’est lui qui devra prendre en charge l’indemnité de réduction. Les droits nets de B sont ainsi de 233 333,33 – 133 333,33 = 100 000 €. B sera donc attributaire des biens existants. Les choses se complexifient lorsque l’on est en présence d’une donation d’un droit démembré, qu’il s’agisse de la nue-propriété ou de l’usufruit d’un bien. 6 Le même traitement sera appliqué à la donation de nue-propriété avec réserve d’usufruit et donation d’un usufruit successif. 7 Cass. 1re ch. civ., 5 févr. 1975, n° 72-12.624. – Cass. 1re ch. civ., 14 oct. 1981, n° 79-15.946. – Cass. 1re ch. civ., 28 sept. 2011, n° 10-20.354 : Dr. famille 2011, comm. 172, B. Beignier. 8 Nous viserons ici cette seule hypothèse, la pratique pouvant quant à elle être confrontée à un usufruit réversible ou successif, ou à un usufruit constitué sur la tête d’une personne autre que celle du donateur, ou encore à un usufruit temporaire éteint au décès du donateur. 9 Cass. 1re ch. civ., 5 févr. 1975, n° 72-12.624. 10 L’article 860 du Code civil était rédigé de la façon suivante, avant la loi du 3 juillet 1971 : « Le rapport n’a lieu qu’en moins prenant, quand le donataire a aliéné l’immeuble avant l’ouverture de la succession ; il est dû de la valeur de l’immeuble à l’époque de l’ouverture ». 2. Le rapport de la donation de nue-propriété 5 - Pour traiter de cette question, nous distinguerons la donation en nue-propriété avec réserve d’usufruit au seul profit du donateur de celle avec réserve d’usufruit réversible6. A. - Donation en nue-propriété et réserve d’usufruit sur la tête du seul donateur 6 - Principe : rapport de la valeur du bien en pleine propriété. – Une jurisprudence bien établie7 pose le principe que la donation de la nue-propriété d’un bien est rapportable pour la valeur du bien en pleine propriété, dès lors que l’usufruit qui existait au jour de la donation s’est éteint par suite du décès du donateur usufruitier8. Cette règle peut surprendre dès lors que le rapport est d’un droit différent de celui objet de la donation, puisqu’il est de la pleine propriété alors que la donation était d’une nue-propriété. Mais c’est précisément parce que l’usufruit réservé s’est éteint et que le bien se retrouve entre les mains du donataire en pleine propriété au jour du rapport (et de la réunion fictive) que celui-ci doit être de cette pleine propriété. Ainsi, dans un arrêt en date du 5 février 19759, la 1re chambre civile de la Cour de cassation motive sa décision de la façon suivante : « Attendu qu’en vertu de ce texte applicable en la cause (art 860 c civ dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 juillet 197110), le bien donné en avancement d’hoirie doit être évalué à la date de la donation, mais compte tenu des droits que l’héritier gratifié possède sur ce bien au jour où il doit en être fait rapport en moins prenant pour assurer l’égalité entre les héritiers ». La Cour de cassation fait une lecture à la fois stricte et extensive de l’article 860 du Code civil. Stricte car cet article, dans sa version antérieure à la loi du 3 juillet 1971, vise la valeur de l’immeuble, et non du bien ou du droit donné. Extensive car elle tient compte des droits détenus par le donataire sur le bien donné au jour du rapport, indépendamment des droits qu’il a effectivement reçus au jour de la donation, ce qui est une interprétation de cet article. De cette façon, l’usufruit réservé est gommé et le rapport est de la pleine propriété du bien. REMARQUE Le bien-fondé de cette solution n’est pas évident, puisqu’elle conduit à ce que le donataire de nue-propriété rapporte un droit qui ne lui avait pas été donné, mais qu’au contraire le donateur s’était réservé. Cette lecture peut néanmoins s’expliquer d’un point de vue pratique. Après extinction de l’usufruit, le donataire est bien détenteur d’un bien en pleine propriété, et s'il le vend, il percevra bien la pleine propriété du prix de vente. Il peut donc paraître logique que le montant du rapport soit de la pleine propriété du bien, sauf clause contraire. 7 - Possibilité de clauses contraires. – Cette clause contraire peut être soit une clause de rapport pour la valeur de la nue-propriété donnée, soit
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