LES GUIDES DE LA SEMAINE JURIDIQUE - N°1 / 2025 - ISSN : 0242-5785 LEGS ET DONATIONS LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS © AdobeStock - Natalia ÉDITION 2026 CONSULTABLE EN LIGNE ! lexisnexis-legsetdonations.fr 21e ÉDITION
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Votre guide est consultable en ligne dès l’édition à paraître en octobre 2025 sur lexisnexis-legsetdonations.fr Une visibilité remarquable vers nos fidèles lecteurs notaires, leurs clients et vers un public élargi grâce à la consultation en ligne du guide. Ce site permet également un accès direct aux associations et fondations pour s’inscrire, mettre à jour leurs données rédactionnelles et fichiers publicitaires LES GUIDES DE LA SEMAINE JURIDIQUE - N°1 / 2025 - ISSN : 0242-5785 LEGS ET DONATIONS LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS CONSULTABLE EN LIGNE ! lexisnexis-legsetdonations.fr © AdobeStock - Natalia 21e ÉDITION
« Soutenir les personnes en situation de handicap est une mission essentielle pour la Fondation Perce-Neige, “en ayant la volonté et le courage” de les accompagner jusqu’au bout de leur vie, selon les mots de mon grand-père. Transmettre votre patrimoine, c’est contribuer à cette mission et participer à l’accueil des résidents au sein des Maisons Perce-Neige ». Merci pour votre soutien. Christophe Lasserre-Ventura. 7, bis rue de la Gare - CS 20171 92594 Levallois-Perret Cedex www.perce-neige.org Fondation Perce-Neige, siège social : 7 bis, rue de la Gare, CS 20171, 92594 Levallois-Perret Cedex - Siret : 785 041 005 00352 - Photo : © Fondation Perce-Neige - Design : 10H10 Studio. “LEUR BONHEUR EST NOTRE RÉCOMPENSE” Lino Ventura Gwendolina, résidente d’une Maison Perce-Neige. POUR TOUTE INFORMATION : SERVICE LEGS, DONATIONS ET ASSURANCES-VIE Aurélie Delfieu et son équipe sont à votre disposition afin d’échanger sur votre projet de transmission au 01 47 17 19 30 ou liberalites@perce-neige.org. La Fondation Perce-Neige est reconnue d’utilité publique par Décret, en date du 13 mai 2016.
Sommaire LEGS ET DONATIONS Les Guides de la Semaine Juridique n° 1/2025 Président-Directeur-Général et Directeur de la publication : Éric Bonnet-Maes Directrice éditoriale : Sophie Coin-Deleau Sophie.Coin-Deleau@lexisnexis.fr Directrice de pôle : Véronique Marie veronique.marie@lexisnexis.fr Directrice de rédaction : Anaïs Schouflikir-Gabriel anais.schouflikir-gabriel@lexisnexis.fr Rédactrice en chef : Claire Babinet claire.babinet@lexisnexis.fr Rédactrice en chef adjointe : Marie Fabre marie.fabre@lexisnexis.fr Responsable formules : Catherine Larée catherine.laree@lexisnexis.fr Éditrice : Mélissa Kashi melissa.kashi@lexisnexis.fr Publicité : Responsable publicité : Caroline Spire Tel : 01 45 58 93 56 Port. : 06 13 44 03 40 caroline.spire@lexisnexis.fr Correspondance : LexisNexis SA La Semaine Juridique (édition notariale et immobilière) 141, rue de Javel 75747 Paris Cedex 15 Relation clients : 01.71.72.47.70 relation.client@lexisnexis.fr LexisNexis SA Legs et donations - La Semaine Juridique (Édition Notariale et Immobilière) SA au capital de 1.584.800 euros 552 029 431 RCS Paris Principal associé : Reed Elsevier France SA Siège social : 141, rue de Javel 75747 Paris Cedex 15 Mise en page : Vif-Argent Dépôt légal : à parution CPPAP 1126T80377 ISSN : 0242-5785 Origine du papier : Allemagne Taux de fibres recyclées : 6 % Certification : 100 % Impact sur l’eau : Ptot = 0,01Kg/tonne ÉTUDES Donation : explorations de quelques questions juridiques Démembrement, donation-partage, don manuel .............. p.7 • Avant-propos, par Claude Brenner ......................................................................... p.8 • Donation d’un droit démembré, réunion fictive et rapport à succession : analyse critique, par Hugues Lemaire.................................................................... p.10 • Clauses modifiant le rapport d’un droit démembré par Hugues Lemaire.............................................................................................. p.21 • Donation-partage et enfant puîné : une protection sui generis à contrôler et anticiper, par Alexandre Auriol-Barallotta........................................................... p.23 • Le don manuel de parts sociales et sa régularisation, par Paul Tignol et Cassandre Laguarigue de Survilliers.......................................... p.30 Les associations et fondations • Présentation des associations et fondations ayant répondu à notre questionnaire........ p.41 Index • Index par domaines d’action des associations et fondations....................................... p.178 • Index par odre alphabétique......................................................................................... p.180
Le syndicat professionnel des organisations d’intérêt général faisant appel aux générosités _Vision _Mission France générosités porte la vision d’une générosité ouverte et plurielle. Nous portons la conviction, qu’au-delà de l’action publique, la générosité et l’engagement des personnes renforcent le lien social et contribuent à la vie démocratique. La mission de France générosités est de faciliter la capacité d’agir durablement des organisations non lucratives faisant appel aux générosités. France générosités rassemble en 2025 un réseau de plus de 160 associations et de fondations philanthropiques œuvrant pour une société plus juste, inclusive et durable. Votre contact Corentin Hue, Responsable digital et développement chue@francegenerosites.org Rejoignez le réseau France générosités ! Plus d’informations www.francegenerosites.org Défendre et représenter le secteur de la générosité en France Accompagner et soutenir ses membres Développer les générosités en France
LISTE DE NOS ANNONCEURS (par ordre alphabétique) • À CHACUN SON EVEREST ! P. 42 • ACAT FRANCE P. 44 • ACTION CONTRE LA FAIM P. 45 • ACTION ENFANCE- FONDATION MOUVEMENT POUR LES VILLAGES D’ENFANTS P. 46 • ADIE P. 48 • AFM – TÉLÉTHON P. 49 • AMERICAN HOSPITAL OF PARIS P. 52 • AMNESTY INTERNATIONAL FRANCE P. 51 • APPRENTIS D’AUTEUIL (FONDATION) P. 55 • ASSOCIATION FRANÇAISE DES POLYARTHRITIQUES ET DES RHUMATISMES INFLAMMATOIRES CHRONIQUES – AFP RIC P. 57 • ASSOCIATION FRANCE ALZHEIMER ET MALADIES APPARENTÉES P. 59 • ASSOCIATION RÊVES P. 61 • ASSOCIATION SŒUR EMMANUELLE-ASMAE P. 56 • ASSOCIATION VALENTIN HAÜY P. 62 • BUREAU INTERNATIONAL CATHOLIQUE DE L’ENFANCE – BICE P. 64 • CENTRE FRANÇOIS BACLESSE P. 65 • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES CENTRE PAUL CORTEVILLE P. 69 • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES D’ÎLE-DE-FRANCE P. 71 • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES DE L’OUEST P. 70 • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES DE LYON ET DU CENTRE-EST P. 72 • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES DE PROVENCE CÔTE D’AZUR CORSE P. 69 • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES DU CENTRE-OUEST P. 70 • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES DE PARIS P. 71 • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES GRAND SUD OUEST P. 72 • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES GRAND SUD OUEST ALIEONOR BORDEAUX P. 73 • CHIENS GUIDES DE L’EST P. 73 • CIMADE P. 77 • CROIX ROUGE FRANCAISE P. 78 • DON EN CONFIANCE P. 39 • EMMAÜS INTERNATIONAL P. 79 • EMMAÜS SOLIDARITÉ P. 80 • ENFANTS DU MEKONG P. 81 • FÉDÉRATION FRANÇAISE DE CARDIOLOGIE. P. 82 • FÉDÉRATION FRANÇAISE DES ASSOCIATIONS DE CHIENS GUIDES D’AVEUGLES P. 67 • FÉDÉRATION FRANÇAISE DES BANQUES ALIMENTAIRES P. 63 • FÉDÉRATION HABITAT ET HUMANISME P. 128 • FÉDÉRATION NATIONALE DE PROTECTION CIVILE P. 85 • FONDATION 30 MILLIONS D’AMIS P. 86 • FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX P. 88 • FONDATION DE FRANCE P. 92 • FONDATION DE LA 2ÈME CHANCE P. 94 • FONDATION DES AMIS DE L’ATELIER P. 95 • FONDATION DES HÔPITAUX P. 97 • FONDATION DES MONASTÈRES P. 98 • FONDATION DU PATRIMOINE P. 100 • FONDATION DU PROTESTANTISME P. 102 • FONDATION DU SOUFFLE P. 99 • FONDATION DU SPORT FRANCAIS P. 91 • FONDATION FRANÇAISE DE L’ORDRE DE MALTE P. 103 • FONDATION FRANÇAISE POUR LA RECHERCHE SUR L’ÉPILEPSIE – FFRE P. 104 • FONDATION FREDERIC GAILLANNE P. 74 • FONDATION JÉRÔME LEJEUNE P. 105 • FONDATION KTO TELEVISION CATHOLIQUE P. 106 • FONDATION NOTRE DAME P. 107 • FONDATION OVE P. 108 • FONDATION PERCE NEIGE P. 110 • FONDATION POUR LA RECHERCHE MÉDICALE P. 112 • FONDATION POUR LA RECHERCHE SUR LE CERVEAU - FRC P. 109 • FONDATION POUR LE LOGEMENT DES DÉFAVORISÉS P. 114 • FONDATION RAOUL FOLLEREAU P. 118 • FONDATION TERRE DE LIENS P. 119 • FONDATION TERRE SOLIDAIRE P. 120 • FONDATION VISIO P. 121 • FONDS POUR LA RECHERCHE SUR LES AVC P. 116 • FONDS SOCIAL JUIF UNIFIE P. 123 • FRANCE GÉNÉROSITÉS P. 4 • GREENPEACE P. 125 • GUSTAVE ROUSSY P. 126 • HANDICAP INTERNATIONAL P. 130 • INSTITUT CURIE P. 132 • INSTITUT DU CERVEAU ET DE LA MOELLE ÉPINIÈRE – ICM P. 134 • INSTITUT PASTEUR P. 136 • JOUR DU SEIGNEUR P. 140 • LA LIGUE CONTRE LE CANCER P. 146 • LA SPA – LA SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX P. 144 • LABEL IDEAS P. 40 • LES AMIS DE LA CATHEDRALE DE CHARTRES P. 143 • LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX - LPO P. 149 • MÉDECINS DU MONDE P. 152 • MÉDECINS SANS FRONTIÈRES P. 151 • ŒUVRE D’ASSISTANCE AUX BÊTES D’ABATTOIRS - OABA P. 156 • ŒUVRE DES PUPILLES ORPHELINS ET FONDS D’ENTRAIDE DES SAPEURS POMPIERS DE FRANCE – ODP P. 160 • ORPHEOPOLIS P. 158 • RADIO CHRETIENNE FRANCOPHONE - RCF P. 162 • SECOURS CATHOLIQUE – CARITAS FRANCE P. 164 • SIDACTION P. 163 • SOCIÉTÉ DES AMIS DE VERSAILLES P. 167 • SOCIÉTÉ DES MEMBRES DE LA LEGION D’HONNEUR P. 168 • SOCIÉTÉ NATIONALE DE SAUVETAGE EN MER P. 170 • SOCIÉTÉ SAINT VINCENT DE PAUL P. 167 • SOS VILLAGES D’ENFANTS P. 172 • UNICEF (COMITÉ FRANÇAIS POUR L’) P. 174 • VAINCRE LA MUCOVISCIDOSE P. 176
ET SI VOTRE MAISON PARTAIT SAUVER DES VIES À L’AUTRE BOUT DU MONDE ? LEGS • DONATIONS • ASSURANCES-VIE MDM25.AP Marie-Anne RENAUDOT, Responsable du service Libéralités, se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. Contactez-la au 01 44 92 14 42 ou par mail : legs@medecinsdumonde.net Notre site dédié : legs.medecinsdumonde.org © Anaïs Oudart Transmettre son patrimoine à Médecins du Monde, c’est donner accès à la santé aux populations vulnérables en France et partout dans le monde. Depuis 1980, les équipes de Médecins du Monde soignent les personnes exclues, dénoncent les injustices et contribuent aux évolutions durables des systèmes de santé. Ces missions reposent, en partie, sur le soutien de professionnels tels que vous, qui accompagnent nos bienfaiteurs. Merci de compter parmi nos partenaires. SOIGNE AUSSI L’INJUSTICE
LEGS ET DONATIONS LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS DONATION : EXPLORATIONS DE QUELQUES QUESTIONS JURIDIQUES Démembrement, donation-partage, don manuel 21e ÉDITION © AdobeStock - Natalia
- 8 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2026 Patrimoine AVANT-PROPOS Du bon usage des libéralités altruistes ÉTUDE DOSSIER PHILANTHROPIE Claude Brenner agrégé des Facultés de droit, professeur à l’université Paris-Panthéon-Assas © Droits réservés Le Hors-Série Legs et donations que la Semaine juridique notariale édite d’année en année est le vademecum de la pratique notariale de la philanthropie. Recensant environ 250 associations et fondations reconnues d’utilité publique, il est un véritable guide de la générosité en France à l’adresse des notaires et de leurs clients, que viennent enrichir des études techniques intéressant le sujet. Trois cette année : • la première, signée Hugues Lemaire, qui est consacrée à une analyse critique du rapport et de la réunion fictive à succession de la donation d’un droit démembré ; • l a deuxième, rédigée par Alexandre Auriol-Ballarotta, sur le sujet de la protection de l’enfant né après réalisation par son auteur d’une donation-partage ; • l a troisième, cosignée par Paul Tignol et Cassandre Laguarigue De Survilliers, qui envisage la nullité du don manuel de parts sociales et les possibilités et implications de sa régularisation. Ce guide, qui est devenu une référence en la matière, est hautement utile ; d’une utilité qui ne fait que se renforcer. En effet, si une majorité écrasante de libéralités reste confinée dans le cercle familial le plus étroit, la philanthropie a gagné beaucoup de terrain en France depuis une vingtaine d’années au moins. Avec la fin de l’État providence dont la faillite est aujourd’hui consommée, avec le développement de l’individualisme qui domine désormais la vie économique et sociale et la recherche de sens, les libéralités philanthropiques ont le vent en poupe. Après les États-Unis et les pays anglo-saxons, le phénomène gagne les pays continentaux où la redistribution nationale est traditionnellement plus forte : en particulier notre pays. D’autant que, si l’État n’a plus les moyens de ses ambitions, notamment culturelles et sociales, il continue d’inciter fiscalement à l’altruisme et la philanthropie. Ce qui contribue significativement au phénomène. Chez nous de manière raisonnable, peut-on penser. Car le danger est là : que la générosité a priori la plus pure se mue en technique, plus ou moins opaque, d’évasion fiscale aux mains de grandes fortunes ainsi que certains systèmes, que l’on a parfois trop tendance à vouloir prendre pour modèle, paraissent en donner fâcheusement l’exemple. Ici comme ailleurs, le droit doit donc conserver le sens de la mesure. À ce titre, il est important que l’État continue d’imposer une organisation juridique de la philanthropie qui soit réellement dominée par l’intérêt général et soumise à un contrôle public sérieux. Sans doute, ce contrôle est-il de nos jours excessif et comme le Conseil d’État le suggère depuis des années, des assouplissements de la tutelle publique en la matière pourraient-ils être bienvenus, encore que la multiplication des structures – les différentes fondations et surtout la création des fonds de dotation – ont ces derniers temps largement desserré les contraintes. Ce qui devrait d’ailleurs garder, selon nous, le législateur de succomber à la tentation, dont certains se font les promoteurs actifs, de consacrer en droit français la fiducie-libéralité.
- 9 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2026 Patrimoine Quoi qu’il en soit, le notaire est aujourd’hui très régulièrement confronté au phénomène et il est un acteur central du mouvement philanthropique, de la bonne orientation de la générosité de ses clients et surtout de sa bonne organisation juridique. Ce qui n’est pas forcément facile. Car le droit français des successions et libéralités, à la différence des droits de common law, n’est pas – du moins traditionnellement – un droit de la liberté de l’individu et donc de la toute-puissance du disposant, mais une branche du droit de la famille, c’est-à-dire des devoirs de la personne vis-à-vis de ses enfants en particulier et, de plus en plus, de son conjoint également. En France, les libéralités philanthropiques doivent ainsi composer avec des contraintes importantes tenant au régime matrimonial et à la réserve héréditaire en particulier. Des contraintes qu’il est possible de lever de diverses manières (libéralités avec charges, en démembrement ou en double ligne, notamment), mais avec un savoir-faire nécessaire dont les notaires sont les dépositaires. Ce savoir-faire s’apprend largement dans les études, car, faute de pouvoir tout enseigner, l’Université n’y consacre malheureusement, il faut bien le dire, pas beaucoup de temps. Ce qui est dommage, car la matière est l’une des plus intéressantes pour la théorie juridique : notamment, elle éclaire remarquablement des questions fondamentales telle que la notion même de libéralité. Existe-t-elle encore lorsqu’il s’agit d’exécuter un devoir de conscience ? De favoriser peut-être des inconnus ? Et comment instituer une fondation non encore existante ? Cela a été l’une des plus instructives controverses et des plus passionnantes constructions prétoriennes du droit des libéralités. Puis le débat s’est déplacé sur le terrain de la nécessaire révision des charges souvent stipulées dans les libéralités destinées à développer leurs effets dans la durée au-delà même de la vie humaine. D’où des interventions successives du législateur qui ont apporté remède à ces difficultés, d’ailleurs en précurseur : la révision pour imprévision n’a pas attendu l’ordonnance du 10 février 2016 pour jouer en matière de libéralités avec charges et elle y fonctionne mieux et plus utilement qu’en droit des contrats à titre onéreux. C’est dire que cet Hors-Série de la Semaine juridique notariale est particulièrement bienvenu et que sa double fonction d’annuaire et d’alerte sur certaines difficultés du droit français des successions et libéralités en lien avec les dispositions altruistes est fort judicieusement conçue. Cela ne signifie pas que le lecteur doive nécessairement souscrire à toutes les positions critiques adoptées ici ou là. Pour sa part, le soussigné se fait, par exemple, une tout autre idée de la logique et de l’opportunité du traitement liquidatif des libéralités en démembrement de propriété que celle qui est très rigoureusement exposée dans le présent numéro. Mais il appartient naturellement au notaire, comme à tout juriste qualifié, de se forger son jugement en faisant la part des choses et c’est la mission de l’éditeur d’ouvrir ses colonnes aux diverses opinions pour que, les difficultés étant mises en évidence comme il se doit, le droit trouve la voie du juste et du bon par la confrontation des points de vue. Le notaire est aujourd’hui très régulièrement confronté au phénomène et il est un acteur central du mouvement philanthropique
- 10 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2026 Patrimoine 1 - Rappel des principes. – La question du rapport à succession est généralement bien maîtrisée par les praticiens, même si les règles qui la régissent peuvent parfois paraître complexes. Une fois effectuée la réunion fictive pour vérifier que les éventuelles dispositions hors parts successorales n’excèdent pas la quotité disponible et le calcul de l’indemnité de réduction au cas contraire, le praticien effectue dans le cadre du partage successoral le rapport à fin d’égalité en tenant compte des seules dispositions rapportables à ce titre, ainsi que des éventuelles indemnités de réduction. On distingue ainsi la réunion fictive régie par les dispositions de l’article 922 du Code civil1 du rapport à fin d’égalité régi par les dispositions de l’article 860 du même code2. 1 C. civ., art. 922 : « La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur. Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d’après leur état à l’époque de la donation et leur valeur à l’ouverture de la succession, après qu’en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l’époque de l’aliénation. S’il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l’ouverture de la succession, d’après leur état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation. On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu’il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer. » 2 C. civ., art. 860 : « Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation. Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation. Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation. Le tout sauf stipulation contraire dans l’acte de donation. S’il résulte d’une telle stipulation que la valeur sujette à rapport est inférieure à la valeur du bien déterminé selon les règles d’évaluation prévues par l’article 922 ci-dessous, cette différence forme un avantage indirect acquis au donataire hors part successorale. » RHugues Lemaire, ancien notaire ÉTUDE DOSSIER PATRIMOINE En posant le principe du rapport d’une donation de la nue-propriété d’un bien pour sa valeur en pleine propriété, l’usufruit étant alors éteint, la jurisprudence adopte une solution qui a le mérite de la simplicité. Ce faisant, elle crée une distorsion entre donataire de pleine propriété, de nue-propriété ou d’usufruit, ce dernier n’étant tenu à aucun rapport. Un casse-tête pour le praticien qui voudra rétablir une certaine équité tenant compte de la réalité économique de ce type d’opérations. Donation d’un droit démembré, réunion fictive et rapport à succession : analyse critique © Droits réservés
- 11 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2026 Patrimoine Les règles sont claires pour chacune de ces opérations. • Dans le cadre de la réunion fictive, les donations sont toujours prises en compte pour la valeur des biens donnés au jour du décès, d’après leur état au jour de la donation. C’est un principe intangible, la seule exception à cette règle concernant les biens donnés par donation-partage remplissant les conditions posées par l’article 1078 du Code civil3. • Quant au rapport à fin d’égalité, il s’effectue en tenant compte de la valeur du bien donné au jour du partage, d’après son état au jour de la donation, à moins que l’acte de donation ne comporte une clause dérogeant à ce principe. 1. Clause de rapport forfaitaire 2 - En cas d’augmentation de valeur. – Dans ce dernier cas, si la clause de rapport procure un avantage au donataire par suite d’une augmentation de la valeur du bien donné d’après son état au jour de la donation, cet avantage indirect, égal à la différence entre la valeur du bien donné au jour de l’ouverture de la succession et le montant du rapport, s’impute sur la quotité disponible. EXEMPLE Prenons l’exemple d’une personne ayant deux enfants, A et B, et réalisant la donation d’un bien immobilier à A, pour une valeur de 300 000 €. Si à son décès les biens existants sont de 900 000 €, la maison donnée ayant une valeur de 400 000 € au décès du donateur et 500 000 € au jour du partage et que la donation ne comprend aucune clause dérogeant au principe de l’article 860 du Code civil, alors la masse à partager est de 900 000 + 500 000 = 1 400 000 €, dont moitié revenant à chacun est de 700 000 €. A effectuant son rapport pour 500 000 € prendra 200 000 € dans les biens existants, B n’ayant rien reçu prendra 700 000 € dans les biens existants. Si la donation comporte une clause de rapport du bien donné pour sa valeur au jour de la donation, soit 300 000 €, il y a lieu dans un premier temps de vérifier que l’avantage indirect résultant de cette clause, soit : 400 000 – 300 000 = 100 000 €, n’excède pas la quotité disponible, ce qui est le cas en l’espèce la quotité disponible étant de (400 000 + 900 000)/3 = 433 333, 33 €. Le cadre du partage, A va rapporter la donation pour 300 000 €, et les biens existants étant de 900 000 €, la masse à partager est de 1 200 000 €, soit 600 000 € pour chacun de A et B. A a droit à 600 000 € dont est déduit le montant de son rapport, soit un net à recevoir de 300 000 €, et B n’ayant rien reçu prendra 600 000 € dans les biens existants. 3 C. civ., art. 1078 : « Nonobstant les règles applicables aux donations entre vifs, les biens donnés seront, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l’imputation et le calcul de la réserve, à condition que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l’ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé et l’aient expressément accepté, et qu’il n’ait pas été prévu de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent. » 4 Cette hypothèse n’est malheureusement pas un cas d’école, les catastrophes naturelles dues au dérèglement climatique entraînant dans certaines régions une baisse conséquente des prix de l’immobilier. 5 Sauf à considérer que la clause de rapport forfaitaire peut dans ce cas s’analyser en une stipulation pour autrui, ainsi qu’il sera développé infra. Cette règle est compréhensible : dès lors qu’une clause de rapport déroge à celle posée par l’article 860 du Code civil, il y a alors bien avantage indirect pour le donataire, qui doit être pris en compte lors du règlement de la succession. Cet avantage n’étant pas rapportable dans le cadre du rapport à fin d’égalité, il doit s’imputer sur la quotité disponible, et sera réduit en cas d’atteinte à la réserve. Cette règle ne pose aucune difficulté dès lors que l’on est en présence d’une donation en pleine propriété, et que le bien donné a augmenté de valeur entre la date de la donation et celle du décès. 3 - Clause de rapport forfaitaire et baisse de valeur du bien donné. – En revanche, lorsque le bien a connu une baisse de valeur non imputable au donataire, la clause peut se retourner contre celui-ci et lui procurer un désavantage indirect4, et un avantage indirect pour ses cohéritiers. EXEMPLE Prenons l’exemple ci-dessus, l’immeuble d’une valeur de 300 000 € au jour de la donation ayant une valeur de 200 000 € au jour du décès et du partage, la baisse de valeur n’étant pas imputable au donataire. Sans clause particulière, la masse à partager sera de 200 000 + 900 000 = 1 100 000 €, revenant à chacun de A et B pour moitié, soit 550 000 €. A ayant reçu 200 000 € prendra 350 000 € dans les biens existants, et B n’ayant rien reçu prendra 550 000 € dans les biens existants. Si en revanche la donation comporte une clause de rapport pour la valeur du bien donné au jour de la donation, alors la masse à partager sera de 300 000 + 900 000 = 1 200 000 € revenant pour moitié à chacun, soit 600 000 €. A effectuera son rapport pour 300 000 € et recevra 300 000 € dans les biens existants, qui reviendront à B à concurrence de 600 000 €. La clause de rapport forfaitaire a ainsi pour conséquence d’augmenter les droits de B dans la masse à partager, lui procurant un avantage indirect. 4 - Constitution d’un avantage indirect devant être accepté par le bénéficiaire. – Or, cet avantage indirect s’analyse en une donation par le donateur initial au profit de B. Toute donation nécessitant l’acceptation expresse du donataire pour être valable, la clause de rapport forfaitaire devra dans cette hypothèse être considérée comme nulle, faute d’acceptation par son bénéficiaire5. Le rapport s’effectuera alors conformément aux règles établies par l’article 860 du Code civil, à moins que B ne soit intervenu à l’acte pour accepter la donation éventuelle pouvant résulter de la clause de rapport forfaitaire en cas de la baisse de valeur du bien donné. Lorsque le bien a connu une baisse de valeur non imputable au donataire, la clause peut se retourner contre celui-ci et lui procurer un désavantage indirect
- 12 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2026 Patrimoine Si les cohéritiers du donataire interviennent à l’acte pour prendre connaissance de la donation et des conséquences de la clause de rapport forfaitaire, et acceptent l’avantage indirect pouvant en résulter en cas de baisse de valeur du bien donné, alors le donataire devra rapporter la donation pour son montant forfaitaire, la seule limite étant qu’il soit rempli de sa réserve calculée conformément aux termes de l’article 922 du Code civil. EXEMPLE Reprenons l’exemple précédent, l’immeuble d’une valeur de 300 000 € au jour de la donation ayant une valeur de 200 000 € au jour du décès et du partage, les biens existants n’étant plus de 900 000 € mais de 100 000 €. • Si la donation ne comporte aucune clause relative au rapport, la masse à partager est de 200 000 + 100 000 = 300 000 €, dont moitié revenant à chacun est de 150 000 €. A effectue son rapport en moins prenant et est redevable d’une indemnité de réduction de 50 000 €, qui ajoutée aux biens existants remplit B de ses droits dans la succession. • Si la donation comporte une clause de rapport pour le montant de la donation avec intervention de B, la masse à partager est de 300 000 + 100 000 = 400 000 €, revenant à chacun pour moitié soit 200 000 €. La réserve est de (200 000 + 100 000)/3 = 100 000 €. Dans le cadre du partage, A effectue son rapport pour 300 000 € qui excède le montant de ses droits et doit donc verser une soulte de 100 000 €, soit un émolument net de 200 000 €. Il n’y a alors pas atteinte à la réserve. Pour sa part, B aura reçu 200 000 € (les biens existants et la soulte), soit 50 000 € de plus que dans l’hypothèse précédente. • Si dans la même hypothèse le bien donné vaut 100 000 € (et non plus 200 000 €) au jour du décès et du partage, alors la réserve individuelle est de (100 000 + 100 000)/3 = 66 666,66 €, la quotité disponible étant également de 66 666,66 €. Comptetenu de la clause de rapport forfaitaire, la masse à partager est de 300 000 + 100 000 = 400 000 €, sur laquelle B a droit à la quotité disponible en sa qualité de bénéficiaire de l’avantage indirect, soit 66 666,66 €. Le solde de la masse à partager, soit 333 333,33 € revient à chacun de A et B pour moitié, soit 166 666,66 €. A a droit à 166 666,66, B ayant droit à 233 333,33 €. A effectue son rapport d’un montant de 300 000 €. Ses droits étant de 166 666,66 €, l’indemnité de réduction est de 300 000 – 166 666,66 = 133 333,33 €. La clause de rapport forfaitaire procurant un avantage indirect à B, c’est lui qui devra prendre en charge l’indemnité de réduction. Les droits nets de B sont ainsi de 233 333,33 – 133 333,33 = 100 000 €. B sera donc attributaire des biens existants. Les choses se complexifient lorsque l’on est en présence d’une donation d’un droit démembré, qu’il s’agisse de la nue-propriété ou de l’usufruit d’un bien. 6 Le même traitement sera appliqué à la donation de nue-propriété avec réserve d’usufruit et donation d’un usufruit successif. 7 Cass. 1re ch. civ., 5 févr. 1975, n° 72-12.624. – Cass. 1re ch. civ., 14 oct. 1981, n° 79-15.946. – Cass. 1re ch. civ., 28 sept. 2011, n° 10-20.354 : Dr. famille 2011, comm. 172, B. Beignier. 8 Nous viserons ici cette seule hypothèse, la pratique pouvant quant à elle être confrontée à un usufruit réversible ou successif, ou à un usufruit constitué sur la tête d’une personne autre que celle du donateur, ou encore à un usufruit temporaire éteint au décès du donateur. 9 Cass. 1re ch. civ., 5 févr. 1975, n° 72-12.624. 10 L’article 860 du Code civil était rédigé de la façon suivante, avant la loi du 3 juillet 1971 : « Le rapport n’a lieu qu’en moins prenant, quand le donataire a aliéné l’immeuble avant l’ouverture de la succession ; il est dû de la valeur de l’immeuble à l’époque de l’ouverture ». 2. Le rapport de la donation de nue-propriété 5 - Pour traiter de cette question, nous distinguerons la donation en nue-propriété avec réserve d’usufruit au seul profit du donateur de celle avec réserve d’usufruit réversible6. A. - Donation en nue-propriété et réserve d’usufruit sur la tête du seul donateur 6 - Principe : rapport de la valeur du bien en pleine propriété. – Une jurisprudence bien établie7 pose le principe que la donation de la nue-propriété d’un bien est rapportable pour la valeur du bien en pleine propriété, dès lors que l’usufruit qui existait au jour de la donation s’est éteint par suite du décès du donateur usufruitier8. Cette règle peut surprendre dès lors que le rapport est d’un droit différent de celui objet de la donation, puisqu’il est de la pleine propriété alors que la donation était d’une nue-propriété. Mais c’est précisément parce que l’usufruit réservé s’est éteint et que le bien se retrouve entre les mains du donataire en pleine propriété au jour du rapport (et de la réunion fictive) que celui-ci doit être de cette pleine propriété. Ainsi, dans un arrêt en date du 5 février 19759, la 1re chambre civile de la Cour de cassation motive sa décision de la façon suivante : « Attendu qu’en vertu de ce texte applicable en la cause (art 860 c civ dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 juillet 197110), le bien donné en avancement d’hoirie doit être évalué à la date de la donation, mais compte tenu des droits que l’héritier gratifié possède sur ce bien au jour où il doit en être fait rapport en moins prenant pour assurer l’égalité entre les héritiers ». La Cour de cassation fait une lecture à la fois stricte et extensive de l’article 860 du Code civil. Stricte car cet article, dans sa version antérieure à la loi du 3 juillet 1971, vise la valeur de l’immeuble, et non du bien ou du droit donné. Extensive car elle tient compte des droits détenus par le donataire sur le bien donné au jour du rapport, indépendamment des droits qu’il a effectivement reçus au jour de la donation, ce qui est une interprétation de cet article. De cette façon, l’usufruit réservé est gommé et le rapport est de la pleine propriété du bien. REMARQUE Le bien-fondé de cette solution n’est pas évident, puisqu’elle conduit à ce que le donataire de nue-propriété rapporte un droit qui ne lui avait pas été donné, mais qu’au contraire le donateur s’était réservé. Cette lecture peut néanmoins s’expliquer d’un point de vue pratique. Après extinction de l’usufruit, le donataire est bien détenteur d’un bien en pleine propriété, et s'il le vend, il percevra bien la pleine propriété du prix de vente. Il peut donc paraître logique que le montant du rapport soit de la pleine propriété du bien, sauf clause contraire. 7 - Possibilité de clauses contraires. – Cette clause contraire peut être soit une clause de rapport pour la valeur de la nue-propriété donnée, soit
- 13 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2026 Patrimoine une clause11 fixant le rapport en appliquant la valeur de l’usufruit au jour de la donation à la valeur de l’immeuble au jour du partage. Pour la réunion fictive en revanche, la donation sera toujours prise en compte pour la valeur du bien en pleine propriété au jour du décès du donateur. EXEMPLE Le bien donné a une valeur de 400 000 € au jour de la donation et de 500 000 € au jour du décès et du partage. Si l’usufruit représente 20 % de la pleine propriété, le rapport sera de 400 000 x 80 % = 320 000 € dans le premier cas, et de 500 000 x 80 % = 400 000 € dans le second cas. Dans ces deux cas, l’avantage procuré par la clause contraire12 sera imputable sur la quotité disponible et sera réductible en cas d’atteinte à la réserve. 8 - Cas de la donation d’une somme d’argent ayant servi à financer la nue-propriété d’un bien. – S’appuyant sur les dispositions de l’article 860-1 du Code civil qui prévoient qu’en cas de donation de somme d’argent ayant servi à financer l’acquisition d’un bien, le rapport est dû de la valeur du bien acquis, la Cour de cassation13 a fort logiquement décidé que le rapport d’une donation de somme d’argent ayant servi à financer l’acquisition de la nue-propriété d’un bien est de la valeur de la pleine propriété du bien acquis au moyen des deniers donnés. ATTENTION Qu’il s’agisse de la donation de nue-propriété d’un bien ou d’une somme d’argent ayant servi à financer l’acquisition de la nuepropriété d’un bien, le même principe est appliqué à la réunion fictive, opération pour laquelle il sera tenu compte de la valeur de la pleine propriété du bien dont la nue-propriété aura été donnée ou acquise. Le praticien aura donc tout intérêt à maîtriser ces règles s’il veut conseiller utilement ses clients, que ce soit dans le cadre d’une donation de la nue-propriété d’un bien, ou d’une somme d’argent destinée à financer l’acquisition de la nuepropriété d’un bien. B. - La donation en nue-propriété avec réserve d’usufruit réversible14 ou donation d’usufruit au profit d’une tierce personne 9 - Cette situation se rencontrera le plus fréquemment lorsque le donateur sera marié, et souhaitera que son conjoint soit usufruitier du bien s’il lui survit. Mais 11 Pour un exemple de clauses, V. infra ann. 1. 12 Cet avantage indirect est de 500 000 – 320 000 = 180 000 € ou 500 000 – 400 000 = 100 000 € dans notre exemple, selon que le rapport porte sur la valeur de la nue-propriété au jour de la donation ou sur la valeur de la nue-propriété calculée sur la valeur de l’immeuble au jour du partage. 13 Cass. 1re civ., 17 oct. 2019, n° 18-22.810: JCP N 2020, 1067, F. Sauvage. 14 Nous retiendrons la terminologie de réversion d’usufruit quoiqu’elle soit inappropriée, l’usufruit initial ne faisant pas l’objet d’une réversion, mais laissant place à un nouvel usufruit à son extinction. 15 Nous ne traiterons pas ici de la remise en cause éventuelle de cette réversion d’usufruit au cas où les héritiers réservataires ne recevaient pas leur réserve en pleine propriété. 16 Notons que dans ce cas, la différence de valeur entre celle retenue pour la réunion fictive et celle retenue pour le rapport successoral pourra résulter tant d’une variation de valeur du bien que d’une variation de valeur de l’usufruit. 17 Au décès du donateur les droits de mutation à titre gratuit réglés lors de la donation pourront donner lieu à restitution partielle, conformément à l’article 1965 B du CGI qui dispose que « Dans le cas d’usufruits successifs, l’usufruit éventuel venant à s’ouvrir, le nu-propriétaire a droit à la restitution d’une somme égale à ce qu’il aurait payé en moins si le droit acquitté par lui avait été calculé d’après l’âge de l’usufruitier éventuel ». 18 Rappelons que l’usufruitier ne pouvant transmettre plus de droits qu’il ne possède, il ne peut donner un usufruit reposant sur une autre tête que la sienne. À moins bien évidemment que le nupropriétaire n’y consente, ce qui pourrait s’analyser tant d’un point de vue civil que fiscal comme une donation par le nu-propriétaire au nouvel usufruitier. 19 En cas d’extinction d’un usufruit constitué sur la tête du donataire, lequel est décédé avant le donateur, E. Galhaud précise, dans Loger son enfant : incidences liquidatives : JCP N 2010, n° 51, 1385 : « même si le donataire est tenu à rapport, celui-ci est égale à zéro ». 20 Cass. 1re ch. civ., 5 févr. 1975, n° 72-12.624. il peut également s’agir d’un parent logeant son enfant et souhaitant qu’à son décès cet enfant puisse continuer à habiter son bien15. 10 - Prise en compte de l’ouverture du second usufruit ouvert au décès du premier pour le rapport et la réduction. – Dans un tel cas, le donataire de la nue-propriété devra effectuer son rapport en tenant compte de l’usufruit qui s’est ouvert par suite du décès de l’usufruitier initial, la nue-propriété étant calculée en tenant compte de l’âge du bénéficiaire de la réversion d’usufruit reporté sur la valeur du bien donné au jour du partage, d’après son état au jour de la donation. Il en sera de même pour la réunion fictive, la date de référence étant celle du décès du donateur tant pour la valeur de l’usufruit que celle de l’immeuble16. Ainsi, les valeurs prises en compte au titre de la réunion fictive et du rapport seront souvent inférieures à la valeur de la nue-propriété au jour de la donation17, ce qui n’est qu’un avantage apparent pour le donataire de nue-propriété puisqu’il devra attendre le décès du nouvel usufruitier pour pouvoir jouir du bien dont la nue-propriété lui a été donnée. 3. Le rapport de la donation d’usufruit 11 - Comme pour la donation en nue-propriété, nous distinguerons ici selon que l’usufruit donné repose sur la seule tête du donateur ou qu’il y a réversion d’usufruit18. A. - Donation d’un usufruit reposant sur la seule tête du donateur 12 - Rapport de l’usufruit constitué sur la tête du donateur pour une valeur égale à zéro. – La donation d’un usufruit qui s’éteint au décès du donateur est rapportable pour une valeur égale à zéro, considérant que l’usufruit étant éteint, le rapport est d’une valeur nulle19. Cette solution est le contrepoint du traitement du rapport d’une donation en nue-propriété, qui doit être effectué en tenant compte « des droits que l’héritier gratifié possède sur ce bien au jour où il doit en être fait rapport en moins prenant pour assurer l’égalité entre les héritiers »20. Rapporter une donation de nue-propriété pour la valeur du bien donné en pleine propriété et rapporter la donation d’un usufruit constitué sur le même bien pour la valeur du l’usufruit au jour de la donation, et non au jour du décès de la personne sur la tête de laquelle repose l’usufruit, serait effectuer un double rapport de l’usufruit et conduirait à gonfler artificiellement la masse successorale. Il y a donc une certaine cohérence entre les règles de rapport de droits démembrés, même si la nécessité de cette cohérence peut conduire à une
- 14 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2026 Patrimoine incohérence économique, doublée d’une incohérence juridique, le donataire de nue-propriété étant tenu au rapport d’un droit qui ne lui a pas été donné, mais qu’il a acquis par suite de l’arrivée du terme (incertain) ayant servi à déterminer la valeur du droit qui lui a été donné. 13 - Incohérence économique de la solution. – D’un point de vue économique, la solution peut surprendre dès lors que le titulaire de l’usufruit a pu percevoir des loyers ou faire des économies par suite de l’occupation du bien. En présence d’un usufruit réservé au profit du donateur, les loyers perçus ou les économies faites au titre de son occupation de l’immeuble se retrouveront dans son patrimoine au jour de son décès, et profiteront à l’ensemble de ses héritiers. Si l’usufruit a fait l’objet d’une donation à un autre enfant (ou toute autre personne), le donataire de l’usufruit a pu percevoir des sommes au titre de cet usufruit qui ont augmenté son patrimoine et qui, si elles avaient été perçues par le donateur auraient augmenté son propre patrimoine, donc l’actif successoral à partager. 14 - Comparaison avec la donation de fruits et revenus et la mise à disposition gratuite d’un logement. – Notons que la donation de fruits et revenus est rapportable, aux termes de l’article 851, alinéa 2 du Code civil21, ce qui n’était pas le cas avant la réforme du 23 juin 2006. Il faut cependant faire une distinction entre la donation d’usufruit et la donation de fruits et revenus, seule cette dernière étant rapportable pour une valeur positive. La donation d’usufruit est une donation de droit réel comportant un ensemble de droits et obligations, alors que la donation de fruits et revenus est une donation de valeurs nettes. Le donataire de l’usufruit d’un appartement percevra les loyers, mais il devra en contrepartie assumer les charges usufructuaires, qui peuvent se révéler importantes. Le donataire de loyers quant à lui recevra des loyers, sans devoir assumer les charges incombant à un usufruitier. Cela étant, il est rare que le compte net du donataire d’usufruit soit déficitaire, et la différence de traitement entre le donataire d’usufruit et celui de fruits et revenus peut paraître inéquitable. Par ailleurs, selon une jurisprudence bien établie22, l’héritier qui a bénéficié du logement gratuit de la part de ses parents doit, dans certains cas, rapporter à la succession cet avantage indirect, dès lors qu’il n’était pas dans un état de nécessité. Il y a là une certaine incohérence à demander que le bénéficiaire du logement gratuit rapporte l’avantage indirect dont il a bénéficié, tout en exigeant du donataire de nue-propriété qu’il rapporte la pleine propriété du bien, ce qui conduit à augmenter la masse successorale. La logique voudrait au minimum que le rapport dû par le bénéficiaire du logement gratuit soit déduit de celui dû par le donataire de nue-propriété. 15 - Critiques doctrinales. – Pour le professeur Vareille23, « dans un climat d’égalité sourcilleuse, il apparaît paradoxal que celui qui jouit d’un bien sur le fondement du droit réel d’usufruit, celui qui en jouit par remise de 21 C. civ., art. 851 : « Le rapport est dû de ce qui a été employé pour l’établissement d’un des cohéritiers ou pour le paiement de ses dettes. Il est également dû en cas de donation de fruits ou de revenus, à moins que la libéralité n’ait été faite expressément hors part successorale. » 22 V. par ex. Cass. 1re civ., 14 janv. 1997, n° 94-16.813. – Cass. 1re civ., 19 mars 2014, n° 13-14.139 : JCP N 2014, n° 41, 1300, F. Sauvage et F. Fruleux. – Cass. 1re civ., 8 janv. 2012, n° 10-25.685, 10-27.325, 11-12.863 et 09-75.542 : JCP N 2012, n° 16, 1188, Y. Delecraz. 23 B. Vareille, Usufruit et liquidations successorales, L’Usufruit, Journées Association Henri Capitant, Bordeaux : Dalloz, 2020, n° 34, p. 90. 24 Y. Delecraz, La donation d’usufruit temporaire : entre certitudes et interrogations : Defrénois, 27 juin 2020, n° 26, p. 52. 25 En pratique, l’usufruit sera dans ce cas plutôt constitué sur la tête de B, hypothèse étudiée infra. 26 D. Castellani, Dictionnaire des droits d’enregistrement – Fiscalité immobilière et publicité foncière, t. II : Éd. Documentaires et Fiscales, 15 oct. 2014, n° 4338. 27 Cela présuppose que la donation de nue-propriété soit concomitante ou postérieure à la donation d’usufruit. loyers, et celui encore qui reçoit une rente mensuelle, fussent différemment traités ». Yves Delecraz propose quant à lui que la donation d’usufruit soit rapportable pour une valeur ne pouvant être nulle24, pour tenir compte de la réalité économique. EXEMPLE Imaginons un père ayant deux enfants et souhaitant faire donation à ses enfants, en attribuant la nue-propriété d’un appartement à A et l’usufruit du même bien, constitué sur sa propre tête, à B25. Au décès du donateur, la donation faite à A sera prise en compte pour la pleine propriété du bien au jour du décès pour le calcul de la quotité disponible et au jour du partage pour le partage, alors que B n’aura aucun rapport à effectuer, et ce quel que soit le montant effectif des loyers qu’il aura pu percevoir. Si cette solution semble fondée en droit compte tenu de la jurisprudence précitée, elle peut apparaître inéquitable d’un strict point de vue économique. Elle conduit en réalité à imposer à A le rapport d’une donation faite à B. B. - Donation d’usufruit avec réversion d’usufruit ou donation d’un usufruit successif 16 - Cette situation pourra se rencontrer lorsque le donateur de nue-propriété s’est réservé un usufruit, et souhaite qu’une tierce personne puisse bénéficier d’un usufruit reposant sur sa propre tête après son décès. Dans ce cas, le bénéficiaire de l’usufruit successif ne reçoit son usufruit qu’au décès du donateur, également usufruitier en premier. Il sera donc tenu compte de ce nouvel usufruit lors du règlement de la succession du donateur pour déterminer la part de chaque héritier, les droits de mutation à titre gratuit étant alors perçus sur la valeur de l’usufruit compte-tenu de l’âge du bénéficiaire de la réversion et de son lien de parenté avec le donateur, et de la valeur de l’immeuble au jour du décès de l’usufruitier en premier26. C. - Donation d’un usufruit constitué sur la tête d’un tiers avec effet immédiat 17 - Est ici visée l’hypothèse dans laquelle le donateur ne se réserve pas l’usufruit, mais en fait donation avec effet immédiat, cet usufruit reposant sur la tête du donataire d’usufruit27. Le donataire d’usufruit devra alors rapporter la seule valeur de l’usufruit déterminée en tenant compte de son âge et la valeur du bien au décès du donateur, gommant ainsi l’exercice de son usufruit durant la période s’étant écoulée entre la donation et le décès du donateur.
- 15 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2026 Patrimoine 4. Le cas particulier de la donation-partage 18 - Absence de rapport et gel des valeurs. – Un traitement particulier doit être fait à la donation-partage : partage anticipé du patrimoine ou d’une partie du patrimoine du donateur, le législateur a voulu la parer de vertus et d’attributs particuliers permettant d’en assurer la stabilité. Ainsi, dès lors que les conditions posées par l’article 1078 du Code civil seront réunies, la donation-partage ne sera pas rapportable au titre de l’article 860 du Code civil, mais sera prise en compte pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible. Pour cette opération, « les biens donnés seront, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l’imputation et le calcul de la réserve » (C. civ., art. 1078). 19 - Incidences de ces principes en cas de donation-partage impliquant un démembrement de propriété. – Deux auteurs28 rappellent que la doctrine majoritaire s’appuie sur la jurisprudence précitée du 5 février 197529 pour estimer que « lors du règlement de la succession, la masse de calcul de la réserve devra tenir compte de la valeur en pleine propriété des biens dont les enfants ont été allotis, que ces derniers aient reçu des biens en pleine propriété ou en nue-propriété. La raison en est que 28 E. Naudin et M. Iwanesko, Donation-partage et transmission en nue-propriété. Égalité économique ou orthodoxie juridique ? Journées notariales du patrimoine. Ces auteurs appuient leurs propos sur une doctrine citée sous la note 6 de la retranscription de leur intervention. 29 V. note 5. 30 Dagot, note Cass. 1re civ., 5 févr. 1975 : JCP 1976, II, 18249. la reconstitution comptable du patrimoine du défunt s’effectue au jour du décès, date à laquelle l’usufruit réservé est le plus souvent éteint ». Ainsi, lors des opérations de calcul de la réserve et de la quotité disponible, les biens donnés en nue-propriété seraient pris en compte pour leur valeur de la pleine propriété au jour de la donation-partage, respectant ainsi partiellement le principe du « gel de valeurs » propre à la donation-partage. Si la donation a été d’un usufruit éteint avant ou par suite du décès du donateur, alors la valeur prise en compte sera nulle. Notons que l’arrêt invoqué a été rendu dans une affaire où la donation était une donation simple, et non une donation-partage. Il vise expressément l’article 860 du Code civil, lequel est écarté par les dispositions de l’article 1078 du même code. 20 - Propositions d’évaluations alternatives pour le rapport et la réduction. – Les deux auteurs précités rappellent ensuite que sur la question du rapport de la donation d’un droit démembré, le professeur Dagot30, par une analyse restée minoritaire, considérait que le donataire ne pouvait rapporter plus que ce qu’il avait reçu. En conséquence, le rapport ne devait être que de la nue-propriété, évaluée au jour de la donation-partage, du décès ou du partage en fonction du cadre dans lequel il était effectué. Pour appuyer cette © victoriya89_iStock / Getty Images Plus
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