HORS-SERIE_La revue fiscale du patrimoine

59 activation à la perte des fonctions opérationnelles et, à (ii) loger un tel engagement dans un instrumentum autre que le pacte d’associés, tels les statuts ou un contrat de mandat social. Par ailleurs, sur la forme, l’éclatement des différentes obligations imposées aux managers entre divers instrumentums peut participer à la distension du lien entre participation capitalistique et fonctions exercées : les obligations rattachées à la qualité d’actionnaire du manager seront principalement logées dans le pacte d’associés, qui évitera toute référence non indispensable aux qualités de manager, dirigeant, mandataire ; celles rattachées à la qualité de salarié ou de dirigeant auront davantage vocation à intégrer un contrat de mandat social, sans référence au volet actionnarial. De même, pacte, statuts et autres accords extrastatutaires éviteront de créer des catégories de « managers », de « salariés », de « collaborateurs », etc. et préféreront les termes moins connotés d’« investisseurs minoritaires », d’« investisseurs qualifiés », etc. Dans une logique de faisceau d’indices, le formalisme et la sémantique ont en effet une signification et une importance autres que simplement cosmétiques. L’évolution, nécessaire, n’évitera certes pas la complexité, les tâtonnements et la frustration. Elle pourra néanmoins porter une dialectique positive en contribuant à inverser la tendance des pactes d’associés frôlant le catalogue des droits à la main des investisseurs qui s’est développée à l’ère post-Covid et à œuvrer en faveur du rééquilibre contractuel propre à l’alignement des intérêts recherché par le management package. En toute hypothèse, l’ampleur du travail de réajustement des clauses contractuelles dépendra de la nature de l’instrument capitalistique intégré au mangement package. 2° Le volet capitalistique Le second axe de réflexion porte sur le volet central du management package : les titres revenant au management . On touche à la structure même des opérations de private equity. L’exercice impose donc de concilier la prudence fiscale, le profil du management , l’alignement des intérêts des parties prenantes, l’efficacité du projet et les contraintes et exigences des investisseurs professionnels. Le volet actionnarial a déjà évolué ces dernières années vers la complexité, avec un cumul de plus en plus fréquent de divers instruments. Le nouvel environnement jurisprudentiel promet d’accroître cette complexité, ne serait-ce que pour perturber la compréhension des mécanismes et « brouiller les pistes » d’un faisceau d’indices requalificatif. Indépendamment d’une telle orientation (au demeurant hasardeuse si la complexité est l’objectif avant d’être la résultante), le choix des instruments capitalistiques structurant la participation des managers et/ou des autres investisseurs influe sur la probabilité de caractérisation du faisceau d’indices requalificatif, certaines catégories de titres permettant, par leurs caractéristiques, de limiter l’apparition d’indicateurs de corrélation avec les fonctions exercées. L’analyse varie selon le recours à des mécanismes légaux d’intéressement ou à des titres ad hoc. a) Les mécanismes légaux d’intéressement Le recours aux mécanismes légaux d’intéressement permet assurément de limiter le risque de requalification puisque le régime fiscal et social y afférent est encadré par la loi. Ces mécanismes recouvrent essentiellement trois outils : les options de souscription ou d’acquisition d’actions (stock-options), les attributions gratuites d’actions (AGA) et les bons de souscription de parts de créateur d’entreprises (BSPCE). Ils ne peuvent toutefois pas constituer une alternative complète. Par leurs caractéristiques, ces instruments correspondent en effet à un schéma d’intéressement au capital voire à un schéma d’actionnariat salarié ; ils ne permettront pas, ou imparfaitement, la mise en œuvre de schémas de co-investissement. Ils ont ainsi vocation à structurer l’intéressement d’une équipe plus ou moins large de collaborateurs ou de managers de cercle 2 ou de managers nouvellement recrutés n’ayant pas les moyens d’un investissement direct au capital. S’agissant de fondateurs ou de managers de cercle 1, tout au plus peuvent-ils être utilisés en complément pour atténuer l’effet dilutif d’une levée de fonds. Lorsque l’objectif est la mise en place d’un actionnariat salarié, ces outils peuvent être complétés par des dispositifs d’épargne salariale (plan d’épargne entreprise, intéressement, participation, fonds commun de placement d’entreprise de reprise – FCPER –, etc.) voire le contrat de partage de plus-value instauré par la loi Pacte (à condition de bénéficier à la totalité des salariés). La philosophie s’éloigne toutefois de celle du management package stricto sensu. Les contraintes associées aux mécanismes d’intéressement légaux limitent de facto leur déploiement dans l’ensemble des opérations : • les conditions d’éligibilité des sociétés aux BSPCE, qui excluent le recours à cet outil pour certaines cibles n’y répondant pas (notamment celles créées depuis plus de 15 ans ou celles non contrôlées directement ou indirectement par des personnes physiques) ; • le plafond global (10 % du capital social, sauf exceptions) et individuel (10 % du capital) des AGA ou des stock-options (30 % du capital) ; • le coût (i) pour l’émetteur compte tenu notamment de la contribution patronale (20 % pour les AGA, 30 % pour les stock-options) et (ii) pour les bénéficiaires, par comparaison au régime fiscal et social des plus-values de cession. De plus, certaines modalités de liquidité des actions sous -jacentes peuvent ne pas être exemptes de difficultés. Par ailleurs, sous l’influence conjuguée de la pression du risque fiscal des management packages et de l’allègement fiscal et social réalisé par la loi Macron (L. n° 2015-990, 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, art. 135 : JO 7 août 2015, texte n° 1. – J.-L. Vacae, Attributions gratuites d’actions : Dr. sociétés 2015, comm. 184), le recours aux plans d’AGADP – attribution gratuite d’actions de préférence (AP) – prospère à vitesse croissante depuis quelques années. Si dans son principe, la combinaison AGA-AP ne pose pas de difficulté majeure, elle peut prendre une coloration différente selon les caractéristiques des AP attribuées gratuitement, notamment lorsque l’objectif n’est plus l’aménagement des droits d’actionnaires « classiques » (droit de vote, etc.) mais la création d’un effet de levier additionnel, sans versement de fonds et, donc, prise de risque financière. Tel est notamment le cas des AGADP donnant droit à des AP convertibles en actions selon une parité indexée sur la performance ou en actions support d’un waterfall (prix de cession différencié à la sortie). Ces schémas appellent également à la prudence sur le plan fiscal et social, a fortiori dans l’environnement ouvert par les arrêts de 2021 (pour un aperçu de ces risques, V. : Actes prat. ing. sociétaire 2020, n° 174, dossier 6).

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