HORS-SERIE_La revue fiscale du patrimoine

PRODUITS FINANCIERS 56 Management packages : une structuration sous pression Fabienne KEREBEL, avocat à la Cour, counsel - Ginestié Magellan Paley-Vincent © Droits réservés 1. Contexte Les management packages (sur l’objectif et les outils de management packages : V. not. F. Kerebel, F. Devedjian et J.-J. Daigre, Les mécanismes de leavers – Des principes aux outils, entre convergence et efficacité : Actes prat. ing. sociétaire 2019, n° 168, dossier 17. – Fiche pratique n° 4229 : Pacte d’actionnaires : management packages ) fondent de longue date la force et la faiblesse des opérations de private equity. D’une part, l’accès au capital des managers (mandataire social et/ou salarié du groupe) participe de l’alignement des intérêts inhérent au succès de ces opérations. D’autre part, le lien – plus ou moins fort – en résultant entre exercice du mandat social et/ou du contrat de travail et détention de valeurs mobilières pose la question fil rouge de la qualification fiscale des gains issus des mécanismes de management packages , entre plus-value de cession ou traitements et salaires (avec en parallèle une problématique d’assujettissement aux charges sociales). L’équilibre oscille donc selon le niveau du risque de requalification de ces gains en traitements et salaires dont le curseur varie selon la grille d’analyse admise ou développée par l’Administration et la jurisprudence fiscales. Après quelques années de relative accalmie, une tempête secoue de nouveau l’univers des management packages . Par une succession d’arrêts, le Conseil d’État (en matière fiscale), dans le sillage de la Cour de cassation (en matière sociale), a profondément modifié l’approche jusqu’alors suivie et admise des critères d’imposition des gains issus des outils de management packages, recentrant sa grille d’analyse autour du lien avec les fonctions de l’intéressé. Le critère, jusqu’alors central, de la prise de risque capitalistique est de facto rendu, sinon inopérant, à tout le moins accessoire. Le bouleversement est majeur dans un environnement stabilisé autour d’une logique capitalistique, considérant le risque financier d’investissement et, en contrepoint, la valorisation des instruments de management packages comme la mesure principale de protection des managers bénéficiaires contre le risque de requalification des gains en traitements et salaires. Autrement dit, le virage récemment amorcé par la jurisprudence remet potentiellement en cause le caractère protecteur de la structuration des management packages , telle que conçue et peaufinée par la pratique de place. Ce revirement est aussi inattendu que maladroit et critiquable. L’approche choisie méconnaît à l’évidence la réalité économique : le lien entre contrats de travail ou mandat et package actionnarial est indissoluble en raison, d’une part, de la dimension incitatrice du management package et, d’autre part, d’une exigence de cohérence et de discipline actionnariales. Les principes dégagés par le Conseil d’État pêchent par ailleurs par la nébulosité de leurs contours et une généralité excessive. En toute hypothèse, cette alliance entre une philosophie anachronique et des règles confuses introduit une insécurité juridique forte, fragilisant les opérations de private equity, passées, en cours et à venir et, corrélativement, l’attractivité des investissements en France. 2. Analyse A. – Un nouveau contexte jurisprudentiel, entre flou et tension 1° Un nouvel environnement jurisprudentiel Le séisme est né de trois arrêts rendus par le Conseil d’État en formation plénière le 13 juillet 2021 (CE, plén. fisc., 13 juill. 2021, n° 428506 : JurisData n° 2021-011431. – CE, plén. fisc., 13 juill. 2021, n° 435452 : JurisData n° 2021-011430. – CE, plén. fisc., 13 juill. 2021, n° 437498 : Dr. fisc. 2021, n° 36, comm. 354, obs. J.-L. Médus ; Dr. sociétés 2021, comm. 141, obs. J.-L. Pierre ; JCP S 2021, 1257, note F. Wismer et J. Serrier) ayant conclu à la requalification en traitements et salaires des gains réalisés à l’occasion de (i) la levée d’une option d’achat d’actions, (ii) l’exercice d’un bon de souscription d’actions (BSA) et (iii) la cession d’un BSA. La Haute Juridiction y pose pour la première fois en principe que le gain issu du débouclage du management package est imposé, non plus dans la catégorie des valeurs mobilières, mais dans celle des traitements et salaires chaque fois qu’il trouve « essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de salarié ou de dirigeant » : à l’entrée du management package, lorsque l’instrument a été acquis à un prix préférentiel, la différence entre sa valeur réelle et sa valeur d’acquisition constitue en soi un avantage salarial dès lors qu’il trouve essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses 1 Ndlr : Cet article a été publié dans la revue Actes Pratiques et Ingénierie Sociétaire n° 4, Juillet-Août 2023, 4.

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