51 témoigne notre droit des sociétés. D’autre part, et surtout, le Haut Comité a relevé qu’inscrire des titres dans un DEEP au nom d’un intermédiaire inscrit « nécessiterait des modifications d'ampleur pour déterminer le statut et les obligations de cet intermédiaire », modifications qui n'ont pour l'heure pas été apportées. Cette remarque emporte bien davantage la conviction même si, en théorie du moins, une inscription d'actions ou d'obligations dans un DEEP au nom d'un intermédiaire inscrit20 paraît concevable lorsqu’elles sont admises aux opérations d’une infrastructure de marché DLT21, appartiennent à des personnes n’ayant pas leur domicile en France22 et sont inscrites comptablement auprès d’un dépositaire central dans les livres duquel l’intermédiaire inscrit doit alors nécessairement figurer lui aussi23. L’article R. 22-10-28 du Code de commerce, modifié par le décret n° 2023-421, inciterait d’ailleurs à le penser, qui dispose désormais qu’il peut être justifié du droit de participer aux assemblées générales de sociétés dont les titres sont admis aux opérations d’un dépositaire central par une inscription des titres, « au nom de l'actionnaire ou de l'intermédiaire inscrit pour son compte en application du septième alinéa de l'article L. 228-1 », dans un DEEP en application du règlement (UE) 2022/85824. Il n’est cependant pas certain que toutes les conséquences induites par la modification de cet article aient été anticipées et il conviendra, pour se forger une opinion définitive, d’évaluer la possibilité d’inscrire des titres financiers dans un DEEP au nom d’un intermédiaire inscrit à l’aune des adaptations qui devraient être prochainement apportées aux dispositions du règlement général de l’AMF relatives, en particulier, à l’activité de tenue de compte-conservation25. 10. - Une troisième remarque concerne la forme des titres financiers inscrits dans un DEEP. D’une part, en effet, ni la loi n° 2023-171, ni le décret n° 2023-421 ne précisent de quelle manière ces titres sont identifiés, de façon pérenne au sein du dispositif, comme revêtant la forme nominative ou au porteur. Des procédés technologiques semblent ici pouvoir être mobilisés et 20 L’article L. 211-4, alinéa 6 du Code monétaire et financier impose à l’intermédiaire inscrit de déclarer, au moment de son inscription dans un DEEP, sa qualité d’intermédiaire détenant des titres pour le compte d’autrui, l’article D. 11-9-2 du même code précisant que la déclaration est alors effectuée auprès, notamment, d’un dépositaire central lorsque l’intermédiaire inscrit a ouvert un compte de titres dans les livres de celui-ci. 21 L’article L. 228-1, alinéa 7 du Code de commerce n’autorisant l’ inscription d’un intermédiaire pour le compte du propriétaire des titres de capital ou des obligations que lorsqu’ils « ont été admis aux négociations sur un ou plusieurs marchés réglementés ou systèmes multilatéraux de négociation (...) », ce qui est le cas d’une infrastructure de marché DLT. 22 L’article L. 228-1, alinéa 7 du Code de commerce n’autorisant l’ inscription d’un intermédiaire pour le compte du propriétaire des titres de capital ou des obligations précités (V. note n° 21) que lorsque ce dernier « n’a pas son domicile sur le territoire français au sens de l’article 102 du code civil ». Une telle inscription ne peut être faite pour le compte de « tout propriétaire » que « lorsque des titres de capital ou des obligations de la société ont été admis aux négociations uniquement sur un ou plusieurs marchés considérés comme équivalent à un marché réglementé », ce qui n’est pas le cas d’une infrastructure de marché DLT. 23 Cette dernière exigence étant certainement la plus difficile à satisfaire. Rappelons en effet que l’article 5 § 2 du règlement (UE) 2022/858 permet, sous certaines conditions, de déroger au principe selon lequel les titres négociés sur une infrastructure de marché DLT doivent être inscrits en compte auprès d'un dépositaire central (V., à cet égard, ESMA, Questions and Answers on the implementation of Regulation (EU) 2022/858, pt. 10, réponse 2). L’article R. 211-6 du Code monétaire et financier, en son alinéa 3 issu du décret n° 2023-421, dispense alors le dépositaire central exploitant l'infrastructure de marché DLT d'ouvrir des comptes aux intermédiaires financiers. Dans cette hypothèse, inscrire des titres dans un DEEP au nom d’un intermédiaire inscrit ne semble guère envisageable. 24 V. n° 21. 25 V. not., à cet égard, AMF, règl. gén., art. 322-3. 26 Dans une perspective comparable, le HCJP a considéré comme impossible « de ‘‘sortir” des titres financiers numériques du registre distribué DLT pour ensuite les inscrire sur un compte de manière individuelle. L’opération doit viser tous les titres émis d’une même catégorie ». Il a néanmoins précisé que « ce principe de non-option ne porte que sur l’inscription per se » et « n’interdit nullement de constituer en parallè le un système de comptabilité par comptes- titres des titres financiers numériques inscrits sur registre distribué DLT, dès lors que ces comptes- titres ne sont que des comptes reflets » (HCJP, Rapport sur la réforme des titres financiers numériques, 20 mai 2022, p. 15). 27 Un droit de vote double est en effet attaché, dans les conditions prévues par les articles L. 225-123 et L. 22-10-46 du Code de commerce, à toutes les actions nominatives entièrement libérées et inscrites au nom d’un même titulaire depuis 2 ans au moins - l’article L. 225-124, alinéa 1 du même code précisant que ce droit de vote double est perdu lorsque l’action est convertie au porteur. 28 Nous réservons bien sûr le cas spécifique des actions de préférence assorties de droits de vote particuliers, relevant de l’article L. 228-11 du Code de commerce, susceptibles d’être créées. Pareille possibilité ne peut toutefois profiter aux titulaires d’actions au porteur admises aux opérations d’une infrastructure de marché DLT. L’article L. 228-11, alinéa 1 prévoit en effet que les droits dont sont assorties les actions de préférence sont définis, en particulier pour les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un système multilatéral de négociation, dans le respect des articles L. 225-122 à L. 225-125 du Code de commerce. Les titulaires d’actions admises aux opérations d’une infrastructure de marché DLT, constitutive d’un tel système multilatéral de négociation, ne pourront donc bénéficier d’actions de préférence assorties d’un droit de vote double qu’à la condition, notamment, qu’elles revêtent la forme nominative (V. note n° 27). 29 Le HCJP avait proposé d’introduire « une disposition visant à assimiler les titres au porteur en DEEP en application du règlement régime pilote aux titres nominatifs pour les dispositions liées au droit de vote double (C. com., art. L. 225-123) et la majoration des dividendes (C. com., art. L. 225-124) » (HCJP, Rapport sur la réforme des titres financiers numériques, 20 mai 2022, p. 13). Cette proposition n’a toutefois pas été suivie d’effets. 30 Est à cet égard indifférente la distinction entre titres nominatifs purs et administrés, établie par l’article 322-2, II du règlement général de l’AMF, selon laquelle l’administration des premiers est confiée à l’émetteur et celle des seconds à un intermédiaire financier. 31 V. n° 15. l’on peut penser, par exemple, qu’un système de « topage » informatique des titres devrait être à même d'en certifier la forme. D'autre part, les textes ne se prononcent pas davantage sur la possibilité pour les propriétaires concernés de convertir leurs titres nominatifs en titres au porteur, et inversement, lorsque ceux-ci sont admis aux opérations d'une infrastructure de marché DLT. Une telle faculté ne paraît a priori pas pouvoir être envisagée, en ce que la forme des titres procède de leur modalité d’inscription dans un DEEP, laquelle relève d’une démarche accomplie de façon homogène par l’émetteur ou l’infrastructure de marché DLT et non d’une décision individuelle appartenant à chaque propriétaire26. Rappelons que ces considérations, pour techniques qu’elles puissent paraître, revêtent des incidences juridiques considérables. Les titres nominatifs et les titres au porteur ne sont en effet pas soumis au même régime - les titulaires des premiers étant susceptibles de bénéficier de droits de vote double27 alors que ceux des seconds ne le peuvent pas28, pour n’évoquer que la différence la plus notoire29. 11. - Une dernière observation est plus largement relative à la distinction, de longue date établie, entre titres nominatifs et titres au porteur. Une telle distinction se comprend en effet aisément en cas d’inscription en compte - les titres financiers revêtant la forme nominative lorsque le compte-titres est tenu par l’émetteur30, et la forme au porteur lorsqu’il est tenu par un intermédiaire financier. Elle se conçoit en revanche moins volontiers en cas d’inscription dans un DEEP - le fait que celle-ci soit réalisée par la société émettrice ou l’infrastructure de marché DLT paraissant davantage relever d’une pétition de principe que d’une réalité opérationnelle, ce d’autant plus que des titres peuvent être inscrits dans un DEEP par une infrastructure de marché DLT, certes mandatée à cet effet par l’émetteur, et revêtir la forme nominative (ainsi qu’il résulte de C. mon. fin., art. R. 211-331). Observons néanmoins que la distinction entre titres nominatifs et titres au porteur avait déjà été atténuée par l’ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 et le décret n° 2018-
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