PRODUITS FINANCIERS 50 Le règlement (UE) 2022/858 du 30 mai 2022, dit « Régime Pilote » a rendu possible l’admission aux opérations d’une infrastructure de marché reposant sur la technologie des registres distribués 1. Les modalités d’inscription des titres financiers en blockchain A. - Présentation des modalités d’inscription des titres 4. - La loi n° 2023-171 et le décret n° 2023-421 ont amendé les articles L. 211-7 et R. 211-2 du Code monétaire et financier, pour désormais prévoir deux modalités d’inscription des titres financiers dans un DEEP12. 5. - La première modalité relève du droit français. Les titres financiers peuvent ainsi être inscrits dans un DEEP « dans les conditions prévues au deuxième alinéa » de l'article L. 211-7 du Code monétaire et financier (C. mon. fin., art. L. 211-7, al. 3, concernant le premier mode d’inscription dans un DEEP des titres admis aux opérations d’une infrastructure de marché DLT) et, doiton immédiatement ajouter, celles énoncées à l’article R. 211-2, alinéa 1 du même code. En ce cas, l’inscription est effectuée par l’émetteur13 et les titres revêtent la forme nominative. 6. - La seconde modalité est présentée, de façon quelque peu artificielle, comme relevant du droit européen. Les titres financiers peuvent en effet être inscrits dans un DEEP « dans les conditions fixées par le règlement (UE) 2022/858 » (C. mon. fin., art. L. 211-7, al. 3, concernant le second mode d’inscription dans un DEEP des titres admis aux opérations d’une infrastructure de marché DLT) et, au moins autant en réalité, celles énoncées à l’article R. 2112, alinéa 2 du Code monétaire et financier. En ce cas, l’inscription est réalisée par une infrastructure de marché DLT et les titres revêtent la forme au porteur. 7. - Ainsi exposées, les modalités d’inscription des titres financiers dans un DEEP paraissent limpides. Elles appellent pourtant plusieurs clarifications. B. - Clarification des modalités d’inscription des titres 8. - Une première clarification a trait aux caractéristiques des DEEP concernés. En effet, lorsque les titres financiers sont inscrits dans un DEEP par l’émetteur, ainsi que le prévoit la première modalité, il est précisé que le dispositif doit remplir « les conditions fixées par l'article R. 211-9-7 » du Code monétaire 12 La loi n° 2023-171 a également modifié l’article L. 211-3 du Code monétaire et financier afin de prévoir, en conséquence, que les titres peuvent être inscrits dans un DEEP dans l’ensemble des cas prévus à l’article L. 211-7 du même code, et non plus seulement dans l’hypothèse visée à l’alinéa 2 de celui-ci. 13 L’ inscription des titres dans un DEEP sur décision de l’émetteur, telle que l’énonce l’article L. 221-7, alinéa 2 du Code monétaire et financier, a pu prêter à débat. De nombreux auteurs reconnaissaient au représentant légal de la société émettrice compétence pour décider seul de l’option entre inscription dans un DEEP et inscription en compte. D’autres jugeaient fondé de s’en remettre en la matière à l’expression de la collectivité des actionnaires (sur ce débat, V. not. A. Reygrobellet, Enfin la blockchain ! : RTDF 2019, n° 1-2019, p. 66). Le HCJP a adopté une position médiane en s’exprimant à deux reprises sur cette question. En 2020, « dans l’hypothèse où (i) la rédaction des statuts permettrait l’inscription des titres financiers dans un DEEP et (ii) le choix d’assurer la tenue de registre en DEEP ne serait pas soumis à une décision en assemblée générale », il a considéré « envisageable de procéder à une telle inscription par décision de l’organe compétent de la société pour prendre des décisions de gestion courante » (HCJP, Rapport sur les titres financiers digitaux (« security tockens »), 27 nov. 2020, p. 12). En 2022, il a plus précisément estimé « opportun d’encadrer la décision de bascule des titres financiers sur DLT en réservant cette décision à un organe social et d’écarter la qualification d’acte de gestion relevant de la compétence de la direction », et ainsi jugé « opportun de confier cette décision au conseil d’administration tout en laissant la possibilité de déroger à cette règle dans les statuts » (HCJP, Rapport sur la réforme des titres financiers numériques, 20 mai 2022, p. 15). 14 V. en ce sens HCJP, Rapport sur la réforme des titres financiers numériques, 20 mai 2022, p. 13. 15 Hypothèse énoncée à l’article L. 211-4, alinéa 5 du Code monétaire et financier, selon lequel une inscription dans un DEEP peut être réalisée « au nom d’un intermédiaire inscrit agissant pour le compte d’un ou de plusieurs propriétaires de parts ou d’actions d’organismes de placement collectif, lorsque ces propriétaires n’ont pas leur domicile sur le territoire français au sens de l’article 102 du code civil ». 16 L’article L. 211-4, alinéa 4 du Code monétaire et financier dispose que l’ inscription dans un DEEP peut être réalisée « au nom d’un intermédiaire inscrit agissant pour le compte du propriétaire des titres financiers , mentionné au septième alinéa de l’article L. 228-1 du code de commerce et dans les conditions prévues par ce même code ». 17 PE et Cons. UE, règl. n° 2022/858, 30 mai 2022, art. 2 (V. note n° 4). 18 V. HCJP, Rapport sur la réforme des titres financiers numériques, 20 mai 2022, p. 12. 19 V. n° 14. et financier (C. mon. fin., art. R. 211-2, al. 1. - V., en miroir, C. mon. fin., art. R. 211-9-7). Cet article exige, aujourd’hui comme hier, que le DEEP soit alors conçu et mis en œuvre de façon à garantir l’enregistrement et l’intégrité des inscriptions et à permettre, directement ou indirectement, d’identifier les propriétaires des titres ainsi que la nature et le nombre de titres détenus. Les inscriptions doivent par ailleurs faire l’objet d’un plan de continuité d’activité actualisé, comprenant notamment un dispositif externe de conservation périodique des données. En outre, le propriétaire des titres peut disposer de relevés des opérations qui lui sont propres. Or, lorsque les titres financiers sont inscrits dans un DEEP par l’infrastructure de marché DLT, comme l’autorise la seconde modalité, il n’est plus imposé que le dispositif satisfasse aux caractéristiques énoncées à l’article R. 211-9-7. Il ne faut cependant pas en conclure que le DEEP en cause est affranchi de toute exigence de fiabilité. L’article 7 § 4 du règlement (UE) 2022/858 impose en effet aux exploitants d’infrastructures de marché DLT de veiller, entre autres, à ce que les dispositifs informatiques et de cybersécurité liés à l’utilisation de leur technologie des registres distribués garantissent l’intégrité, la sécurité, la confidentialité, la disponibilité et l’accessibilité des données qu’ils stockent. L’application des garanties prévues par le droit européen et le souhait d’éviter toute redondance inutile14 justifient ainsi que celles énoncées par le droit français soient éclipsées. 9. - Une deuxième réflexion porte sur la possibilité d’inscrire des titres financiers dans un DEEP au nom d’un intermédiaire inscrit. Pareille question ne se posait auparavant pas, sauf hypothèse résiduelle15, l’article L. 211-4, alinéa 4 du Code monétaire et financier16 renvoyant en la matière à l’article L. 2281, alinéa 7 du Code de commerce qui n’envisage cette dérogation au principe d’inscription au nom du propriétaire réel que lorsque des actions ou des obligations sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation. Elle se pose désormais, puisque ces titres inscrits dans un DEEP peuvent à présent être admis aux opérations d’une infrastructure de marché DLT relevant d’un système multilatéral de négociation17. Le HCJP y a toutefois répondu par la négative, en formulant deux objections18. D’une part, il a observé que « la possibilité d'inscription directe du propriétaire des titres semble être l’utilisation naturelle du DEEP » et que, « plutôt que l'intermédiation, le propriétaire pourra choisir de faire administrer ses titres par un tiers », comme l'autorise aujourd'hui l'article R. 211-4 du Code monétaire et financier19. Cette observation est cependant de portée limitée, puisqu’administration des titres par un intermédiaire financier et inscription des actions et obligations au nom d’un intermédiaire inscrit peuvent fort bien coexister, au moins en tant que facultés alternatives, ainsi qu’en
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