PRODUITS FINANCIERS 42 commun à l’AMF et l’ACPR, il est relevé que la stratégie mise en place n’est pas clairement décrite et suffisamment accessible38. Sa description est parfois éclatée entre plusieurs documents ce qui nuit à sa cohérence, et sa mise en œuvre est également difficile à cerner à défaut de dates et d’objectifs systématiquement précisés39. 21. - Ce contrôle de l’AMF est aujourd’hui enrichi par des nouvelles dispositions spéciales. Par exemple, la loi AGEC a introduit une disposition dans le Code de l’environnement (C. envir., art. L. 541-9-1), entrée en vigueur le 1er janvier 2022, selon laquelle lorsqu’il est fait mention du caractère recyclé d’un produit, doit être précisé le pourcentage de matières recyclées effectivement incorporées. 22. - Mais est-ce que le contrôle est suffisamment poussé ? Le régulateur sera-t-il à même de contrôler certaines pratiques contractuelles ? La question se pose naturellement dans la mesure où justement le régulateur a vocation à contrôler la cohérence entre les engagements contractuels et les investissements réalisés. À titre d’illustration, une pratique bancaire, parfois utilisée, a été portée à notre connaissance. Elle consiste en la conclusion d’un contrat de crédit revolving (pour des montants très importants, de plusieurs milliards d’euros), doté d’obligations poussées en matière environnementale. La société communique alors largement sur cet engagement, envoyant ainsi un signal fort au marché. Dans le même temps, parfois, cette ligne de crédit n’est pas utilisée et l’emprunteur en question se contente de régler les charges liées à l’existence d’une telle ligne… En ne l’utilisant pas, ces acteurs économiques ne sont pas vraiment soumis aux obligations ESG insérées dans cet acte. Et, en parallèle, pour financer leurs activités, sont conclus souvent dans la même banque des crédits classiques presque entièrement dépourvus d’engagement ESG (et les fonds de ces derniers sont, en revanche, employés). Une telle pratique ne conduit-elle pas à donner aux investisseurs une image verte qui ne reflète pas la réalité ? Bien sûr, on pourra objecter qu’elle relève du libre jeu de la liberté contractuelle, mais ne faudrait-il pas cependant renforcer à cet égard les contrôles ? La question mérite à tout le moins d’être posée, éventuellement d’ailleurs dans la perspective d’une possible sanction, très lourde, comme celle de l’abus de marché. B. - Les enquêtes pour abus de marché 23. - L’AMF joue également un rôle important dans la lutte contre le greenwashing car elle a le pouvoir de sanctionner la diffusion d’une information erronée visant à convaincre l’épargnant que l’établissement financier s’engage 38 ACPR et AMF, Deuxième rapport de suivi et d’évaluation des engagements climatiques des acteurs de la Place, déc. 2021 : RD bancaire et fin. 2022, comm. 38, obs. J.-M. Moulin. 39 ACPR et AMF, Deuxième rapport de suivi et d’évaluation des engagements climatiques des acteurs de la Place, déc. 2021. 40 En cas de non-respect, l’AMF entre dans un cycle de discussions et de contrôles, qui peut aboutir à des sanctions très fortes. 41 V. AMF, règl. gén., livre VI - Abus de marché : Opérations d’initiés et manipulations de marché. 42 V. à propos de ces dernières, AMF, déc., 16 nov. 2006, SAN-2007-07, note Th. Bonneau : Dr. sociétés 2007, comm. 140. 43 PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 596/2014, 16 avr. 2014, sur les abus de marché : JOUE n° L 173, 12 juin 2014, p. 1. 44 V. A. Couret, H. Le Nabasque, M.-L. Coquelet, Th. Granier, D. Poracchia, A. Raynouard, A. Reygrobellet et D. Robine, Droit financier, préc., n° 1738. 45 AMF, déc., 16 nov. 2006, Sté Cyber press publishing et M. Andersen, préc. 46 Des informations de type très différent doivent être communiquées au marché et aux épargnants, et notamment des informations portant sur le risque climatique par exemple lorsque de telles informations sont considérées comme nécessaire pour les éclairer. – V. A. Couret, H. Le Nabasque, M.-L. Coquelet, Th. Granier, D. Poracchia, A. Raynouard, A. Reygrobellet et D. Robine, Droit financier, préc., n° 1701 et s. Une telle information peut être spontanément délivrée ou être imposée. Par exemple cela est prévu au titre du reporting extra-financier lorsque les conditions énoncées à l’article L. 225-102-1 du Code de commerce sont réunies. V. not. B. Parance, La déclaration de performance extra-financière, nouvelle ambition du reporting extra-financier : JCP G 2017, act. 1150. – Th. Bonneau, Réflexions sur la porosité du droit financier aux enjeux de la RSE : Énergie - Env. - Infrastr. 2018, étude 4. – N. Cuzacq, Le nouveau visage du reporting extra-financier français : Rev. sociétés 2018, p. 347. – V. not. la publication récente de la nouvelle directive sur ce sujet, PE et Cons. (UE), dir. (UE) 2022/2464, 14 déc. 2022 : JOUE n° L 322, 16 déc. 2022, p. 15 (dite directive CSRD) sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises : J.-M. Moulin, L’irrésistible ascencion de la «RSE» (premières vues sur la directive CSRD) : RD bancaire et fin. 2023, étude 1 ; T. Doré, L. Thébault, Le double enjeu de la CSRD pour les acteurs financiers, producteurs et utilisateurs d’informations en matière de durabilité : RD bancaire et fin. 2023, étude 6 ; B. Parance, La directive CSRD, nouveau modèle du reporting extra-financier au servcie de la durabilité des entreprises : JCP E 2023, 1033. en faveur du développement durable40. Selon le règlement général de l’AMF, « l'information donnée au public par l'émetteur doit être exacte, précise et sincère »41. Cette règle embrasse un très grand panel d’informations dans la mesure où sont comprises dans le champ d’application de cet article tant les informations issues d’une obligation légale ou réglementaire que les informations spontanément délivrées42. Plus précisément, selon les articles 12, 1, c et 15 du règlement MAR43 deux éléments doivent être caractérisés, d’une part le fait que les informations litigieuses donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier et d’autre part la connaissance, avérée ou suposée, du caractère faux ou trompeur de l’information diffusée. À noter que le caractère exact de l’information communiquée s’appréciera en fonction des éléments qui ont conduit à construire l’information44. 24. - La décision SAN-2007-07 du 16 novembre 2006 rendue par l’AMF est éclairante45. En l’espèce, la situation financière de la société s’est dégradée et la prise de conscience de cet état était certain lorsque les comptes sociaux et consolidés ont été arrêtés par le conseil d’administration lors d’une réunion en date du 7 avril 2005. Pourtant, le communiqué critiqué et paru le lendemain contenait tout un ensemble d’informations ne traduisant pas cette situation. Bien qu’il soit en effet fait mention que « les résultats seront en dessous des objectifs initialement prévus », il est également dressé un tableau très optimiste des mois à venir, selon lequel on constate « au cours du dernier mois de mars 2005, (…) un retour à un bon niveau d'activité. Cette tendance de fond devrait se confirmer au cours des prochains trimestres et permettre à la société X de retrouver une rentabilité d'exploitation positive dès le deuxième trimestre 2005 ». Or, aucun élément objectif ne justifiait qu’une appréciation positive soit portée sur le niveau d’activité ou la rentabilité d’exploitation. Et cette indication a eu pour effet, aux yeux du public, d’atténuer la portée de l’information relative au caractère décevant des résultats en donnant une image positive artificielle de l’état financier de la société. En conséquence, selon l’AMF, l’information portée à la connaissance du public revêtait un caractère inexact et trompeur. 25. - Se pose alors la question de savoir si le greenwashing pourrait être qualifié d’abus de marché ? En application de l’article 12, 1, c du règlement MAR, prenant en compte la manipulation du marché par la diffusion de fausses informations, l’AMF, à travers de sa commission des sanctions, a le pouvoir de sanctionner la diffusion d’une information extra--financière fausse ou trompeuse46. Bien que le règlement MAR ne vise pas les informations imprécises, le caractère équivoque de l’information lorsqu’il est de nature à faire naître
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