PRODUITS FINANCIERS 40 3. - Dans ce contexte, se pose la question de savoir quel est le rôle du régulateur dans cette lutte contre le greenwashing des produits financiers verts13. 4. - Le régulateur est amené à jouer un rôle important. Dans un premier temps, il guide les acteurs financiers, il montre en quelque sorte la direction à suivre, à travers une attitude de nature incitative (1). Dans un second temps, il contrôle la réalité des engagements pris (2). 1. Une attitude d’incitation 5. - Le régulateur – ou plutôt les régulateurs puisqu’on envisagera l’AMF mais aussi l’ACPR – œuvrent pour prévenir l’écoblanchiment de diverses manières. Pour résumer ici leur action et la doctrine qui la sous-tend, on peut dire que ces régulateurs incitent les opérateurs économiques et financiers à informer de la manière la plus juste (A), et que, conscients de l’importance des risques encourus, ils les incitent à élaborer de bonnes pratiques (B). A. - Une incitation à privilégier la transparence 6. - L’exigence classique de transparence en droit financier s’étend naturellement aux nouvelles exigences environnementales en la matière. De manière à protéger au mieux les investisseurs, les régulateurs accompagnent les acteurs économiques et financiers dans cette démarche de transparence « verte ». Ils les guident sur la conduite à tenir à travers la publication d’une doctrine très fournie14. Ils les conseillent également lorsqu’ils remarquent que leur communication fait défaut. 7. - De manière générale, et ce en application de l’article L. 621-1 du Code monétaire et financier, ils veillent notamment à la qualité de l’information délivrée aux investisseurs15. Pour veiller au caractère clair, exact et non trompeur de l’information communiquée aux clients, l’AMF a ainsi publié en mars 202016 une doctrine visant à assurer une proportionnalité entre la réalité de la prise en compte des facteurs extra-financiers dans la gestion et la place qui leur est réservée dans la communication aux investisseurs. Elle précise dans sa position 1 que « l'information délivrée sur la prise en compte de critères extra-financiers doit être proportionnée à l'objectif et à l'impact effectif de la prise en compte de ces critères extra-financiers dans la gestion des placements collectifs ». Cette veille réalisée par l’AMF est très importante. Elle dresse un constat des informations d’ores et déjà transmises sur le sujet, puis attire l’attention des acteurs économiques sur les lacunes. 13 En 2018, le président de l’AMF a notamment mis l’accent sur l’importance pour pour le modèle financier d’intégrer au mieux les enjeux de durabilité, R. Ophèle, Finance durable : quel rôle pour le régulateur ? : Feuille de route de l’AMF, nov. 2018 : RD bancaire et fin. 2019, comm. 70, obs. J.-M. Moulin. 14 V. par ex. AMF, Recommandation DOC-2016-13, Responsabilité sociale, sociétale et environnementale, applicable au 28 nov. 2016. 15 V. pour une présentation complète de la mission générale de l’AMF, A. Couret, H. Le Nabasque, M.-L. Coquelet, Th. Granier, D. Poracchia, A. Raynouard, A. Reygrobellet et D. Robine, Droit financier : Dalloz, 3e éd., 2019, n° 351 ; V. également, JCl. Droit bancaire et financier, fasc. 1512 : Autorité des marchés financiers. - Attributions. Moyens d’actions. Contrôle juridictionnel, R. Vabres et A. Thil, actualisé par S. Maouche, mars 2023. 16 AMF, Recommandation DOC 2020-03, Informations à fournir par les placements collectifs inégrant des approches extra-financières, applicable au 16 févr. 2023. 17 AMF, Reporting des enjeux climatiques : l’AMF accompagne les entreprises dans leur préparation au renforcement des exigences réglementaires, déc. 2021. 18 V. à ce propos, A. Couret, H. Le Nabasque, M.-L. Coquelet, Th. Granier, D. Poracchia, A. Raynouard, A. Reygrobellet et D. Robine, Droit financier, préc., n° 382. 19 V. les dernières recommandations de la CCFD : AMF, Publication de la Commission Climat et finance durable : résolutions climatiques, mars 2023. 20 ACPR et AMF, Rapport d’activité 2021,14 juin 2022. 21 L’ACPR n’a pas encore de position révélée sur le greenwashing. 22 ACPR et AMF, Rapport d’activité 2021, préc., p. 21. 23 ESMA, Sustainable Finance Roadmap 2022-2024, ESMA30-379-105,10 févr. 2022, spéc. p. 11 : RD bancaire et fin. 2022, comm. 126, obs. J.-M. Moulin. - La feuille de route de l’ESMA sur la finance durable a permis d’identifier trois axes prioritaires de manière à lutter contre le greenwashing, et pour ce faire elle s’engage à renforcer ses capacités et celles des autorités nationales compétentes dans le domaine de la finance durable, ainsi qu’à surveiller, évaluer et analyser les marchés et les risques ESG. Pour ce faire l’ESMA œuvrera dans la gestion des investissements, les services d’investissement, la divulgation et la gouvernance des émetteurs, les indices de référence, les notations de crédit et ESG, la négociation et le post-marché et l’innovation financière. 24 V. F. Drummond, Droit financier : Economica, 2020, n° 81 et s. Elle délivre ce faisant des conseils, sur la prise en compte des conséquences du changement climatique dans les états financiers par exemple ou encore sur les informations présentées dans les comptes et les autres supports de communication de l’entreprise17. 8. - L’AMF collabore notamment avec l’ACPR dans le cadre d’un pôle commun ayant à vocation à se saisir de ces enjeux18. Créée en 2019, la Commission climat et finance durable19 de l’Autorité des marchés financiers aide l’Autorité à conduire ses missions de régulation et de supervision sur les thématiques liées à la finance durable. Le dernier rapport de ce pôle commun20, publié mi-juin 2022, nous apprend que l’ACPR projette d’élaborer21 une doctrine du même type que celle de l’AMF22 DOC 2020-03. Naturellement cette doctrine à venir de l’ACPR s’inspirera de celle de l’AMF tout en étant adaptée à ses assujettis. L’enjeu tant pour l’AMF que donc prochainement pour l’ACPR est d’améliorer la qualité de l’information non-financière, de manière à ce que l’information précontractuelle soit exacte, claire et non-trompeuse. 9. - Au niveau européen également existe un fort encouragement à la transparence, comme en témoigne la publication le 10 février 2022 par l’ESMA d’une feuille de route dédiée à la finance durable23. 10. - Incitation donc, de façon générale, à la transparence de l’information, mais aussi et surtout à la mise en œuvre de bonnes pratiques. B. - Une incitation à intégrer de bonnes pratiques 11. - Les régulateurs, s’attachent également à convaincre les opérateurs financiers de changer leurs pratiques, et ce de manière à être en accord avec leurs aspirations de plus en poussées – et affirmées – en matière environnementale. Ce rôle de conseil est sans cesse renouvelé. Début mai 2022 l’AMF a d’ailleurs amorcé une nouvelle consultation relative à la prise en compte des exigences liées à la durabilité dans le cadre de son règlement général. Le régulateur encourage donc par sa doctrine l’intégration de ces critères extra-financiers24. 12. - À titre d'illustration l’AMF a mis l’accent dans sa feuille de route intitulée « Finance durable : Quel rôle pour le régulateur ? » en date de 2018, sur la nécessité d’intégrer la durabilité dans le conseil financier. L’AMF encourage les gérants d’actifs à « une intégration plus large de critères sociaux, environnementaux et de gouvernance dans leur gestion des risques et leurs
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