39 PRODUITS FINANCIERS Le régulateur et la finance verte Sabrina DUPOUY, maître de conférences, Droit privé et sciences criminelles - université Clermont Auvergne © Droits réservés Dans la présente étude, nous étudions la manière dont le Droit est confronté à la nécessité de guider et contrôler les pratiques des grandes entreprises et comment il peut tenter de le faire au mieux. La finance verte est un nouveau domaine dont s’emparent les régulateurs. L’exigence classique de transparence en droit financier connaît en effet un nouveau défi. L’étude met en lumière une action originale des régulateurs, qui accompagnent et contrôlent les acteurs économiques et financiers dans cette construction d’une image verte. La confiance des personnes intéressées - actionnaires, investisseurs etc.- peut en effet être mise à mal par certaines pratiques qualifiées de façon générale à travers le terme de greenwashing : c'est-à-dire de l'exploitation d'une fausse image verte1. 1. - Il y a aujourd’hui un vaste mouvement en faveur de la finance verte comme en témoigne très récemment la COP15 sur la biodiversité2 , s’inscrivant en cela dans la droite ligne de l’accord de Paris sur le climat dont l’un des objectifs a été de mobiliser le système financier au service de la lutte contre le changement climatique3 . Ces attentes sont déclinées au niveau européen et national de manière à soutenir une finance au service de la volonté des investisseurs d’agir en Ndlr : Cette étude a été publiée dans la Revue de Droit bancaire et financier n° 3, Mai-juin 2023, étude 11. 1 Cet article a fait l’objet d’une intervention lors du colloque du MDBF 2022 intitulé La finance verte organisé sous la direction du professeur Thierry Bonneau: V. Th. Bonneau, La finance verte : RD bancaire et fin. 2022, dossier 40 à 46. 2 M. Heilmann, COP15 : le secteur financier s’empare du dossier de la biodiversité : Les échos, 7 déc. 2022. 3 À ce propos huit autorités de régulation indépendantes ont participé à un rapport sur ce thème : Autorité de la concurrence, AMF, Arcep, ART, CNIL, CRE, CSA, HADOPI, Accord de Paris et urgence climatique : enjeux de régulation, mai 2020, disponible en ligne sur site www.cnil.fr. L’AMF participe également au projet FinanceClimAct, soutenu par la Commission européenne et coordonné par l’ADEME, sous l’impulsion du Ministère de la Transition énergétique et solidaire. 4 V. sur cette tendance générale, F.-G. Trébulle, L’environnement en droit des affaires. Aspects actuels du droit des affaires, in Mél. Y. Guyon : D. 2003, p. 1035. 5 Et ce d’autant plus que le constat est fait que les investisseurs ne se tournent pas assez vers ce type de produit, V. sur ce point, Th. Bonneau, Investisseurs et développement durable : RD bancaire et fin. 2019, repère 4. 6 J.-M. Moulin, Finance durable : éviter le greenwashing : RD bancaire et fin. 2021, comm. 173. 7 V. Mercier, La transparence renforcée des acteurs des marchés financiers en matière de durabilité : BJB mars 2021, n° 119s4, p. 53. 8 L’investisseur doit être à même d’obtenir une information pertinente lors de la prise de décision d’investissement. L’efficacité du marché en dépend, car la capacité du marché à attirer des investisseurs est intemement liée à la qualité de l’information qui lui est délivrée. V. en ce sens, A. Couret, H. Le Nabasque, M.-L. Coquelet, Th. Granier, D. Poracchia, A. Raynouard, A. Reygrobellet et D. Robine, Droit financier : Dalloz, 3e éd., 2019, n° 1694 et s. 9 J. Ansidei, L’AMF face aux enjeux de la finance durable : BJB mars 2021, n° 1197, p. 49. 10 AMF, Priorités de supervision 2022, publié en janvier 2022. - V. ég., AMF, Priorités de supervision 2023, 9 janv. 2023. 11 ACPR, Les enseignements de l’enquête ACPR sur les supports d’investissement à caractère extra-financier commercialisés dans les produits d’assurance, juill. 2021. 12 ACPR, Les enseignements de l’enquête ACPR sur les supports d’investissement à caractère extra-financier commercialisés dans les produits d’assurance, juill. 2021, p. 4. faveur du développement durable4. La confiance que ces derniers placent dans les engagements pris par les entreprises et les acteurs financiers, de manière volontaire ou non, est ainsi essentielle5. « Avoir de l’impact » avec son épargne est important pour 46 % des épargnants européens. 2. - Or, cette confiance peut être mise à mal par certaines pratiques qualifiées de façon générale à travers le terme de greenwashing : c’est-à-dire de l'exploitation d'une fausse image verte6. C’est dire combien la qualité de la donnée extra-financière est ici cruciale7, elle est le socle de la finance durable que l’on peut et doit encourager8. Ces enjeux sont dorénavant saisis par les régulateurs, tels que l’AMF9 qui considère la finance durable comme une priorité pour l’année 202210. L’ACPR a par exemple identifié un risque important de greenwashing sur certains supports en particulier, tels que des spots TV, radio, des communiqués de presse, etc.11 Sur ces supports, construits pour être plus percutants, sont régulièrement utilisées des formulations générales ou encore très synthétiques qui pouvent être de nature à induire en erreur le grand public. Une attention accrue doit donc être portée à ce type de communication qui est par ailleurs en expansion constante : dans le cadre de son activité de veille publicitaire, l’ACPR a ainsi constaté que 53 % des communications avaient eu pour thème central, au 1er trimestre 2021, la durabilité, contre seulement 36 % en 202012.
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