HORS-SERIE_La revue fiscale du patrimoine

15 a pour finalité de diminuer le montant de la prestation d’assurance auquel peuvent prétendre les bénéficiaires désignés. 40. - La Cour de cassation a d’ailleurs eu l’occasion de se positionner dans un arrêt du 7 février 2018. En l’espèce, un juge des tutelles avait autorisé la souscription d’un contrat d’assurance-vie au nom d’un majeur en tutelle. À son décès, les quatre enfants (désignés bénéficiaires) du majeur ont chacun perçu leur quote-part au titre de la prestation d’assurance. Un organisme demanda à obtenir le remboursement des prestations servies au tutélaire et agit contre les héritiers. Le tutélaire avait bénéficié de l’Association de solidarité aux personnes âgées. L’organisme demanda ainsi la réintégration à l’actif successoral du montant des primes versées après le 70e anniversaire sur le contrat d’assurance-vie ouvert par le majeur protégé avec l’accord du juge des tutelles. Un enfant contesta cette demande. 41. - Parmi les rejets de l’argumentation de l’enfant contestataire, la Cour de cassation a précisé que « l'autorisation donnée par le juge des tutelles à un tuteur de placer, sur un contrat d'assurance sur la vie, des capitaux revenant à un majeur protégé, ne prive pas les créanciers du droit […] de revendiquer la réintégration, à l’actif de la succession, des primes versées par le souscripteur qui sont manifestement excessives au regard de ses facultés ». Il est assez clair qu’un placement au sein d’une police d’assurance, même validé par le juge, ne permet pas de contourner l’article L. 132-8 du Code de l’action sociale et des familles. En conclusion il est désormais indispensable dans le cadre du devoir de conseil de répertorier les aides récupérables pour anticiper ces contentieux. 6. Le tropisme de la clause bénéficiaire et du « conflit d’intérêts du protecteur » A. - Formalisme/substitution/testament 42. - La désignation ou la substitution d’un bénéficiaire peut être réalisée dans la police, par voie d’avenant au contrat, par testament ou dans le respect des formalités précisées à l’article 1690 du Code civil (C. assur., art. L. 132-8). La Cour de cassation a récemment eu l’occasion de rappeler ce formalisme24. La Haute Juridiction a également précisé dans un arrêt du 10 mars 2022 que « la désignation ou la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance n’a pas lieu, pour sa validité, d’être portée à la connaissance de l’assureur »25. Dans le cadre de la curatelle, nous avons déjà détaillé que toute modification/substitution d’un bénéficiaire doit être réalisée par la personne protégée assistée de son curateur. Dans un arrêt du 23 février 2022, la Cour de cassation a déclaré que « ne commet pas de faute en transmettant pour simple information au juge des tutelles une lettre du majeur protégé indiquant vouloir changer le bénéficiaire de son assurance-vie, dès lors qu’il n’a pas été sollicité par le majeur pour l’assister dans sa démarche »26. 24 Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-14.954. 25 Cass. 2e civ., 10 mars 2022, n° 20-19.655. – M. Thomas-Marotel, Assurance-vie : substitution du bénéficiaire par testament et information de l’assureur : DEF 12 mai 2022, n° 19. 26 Cass. 1re civ., 23 mars 2022, n° 20-22.136, F-D : BPAT 3/22, Éditions Francis Lefebvre. 27 Ccass, Chambre civile 1, 4 novembre 2010 n° 07-21.303. Au-delà de ces problématiques de forme, l’un des risques en matière de désignation bénéficiaire est une situation de conflit d’intérêts entre le majeur protégé et son protecteur. B. - Conflit d’intérêts 43. - « Lorsque le bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie est le curateur ou le tuteur, il est réputé être en opposition d’intérêts avec la personne protégée » (C. assur., art. L. 132-4-1). En pratique, le curateur, le tuteur ou encore la personne habilitée sont des personnes proches du majeur protégé. Il peut s’agir du conjoint de ce dernier ou de l’un de ses enfants. Dès lors, la personne désignée pour assister le majeur a toute légitimité pour être bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie détenue par le majeur dont il défend les intérêts. 44. - Le législateur a anticipé cette situation et a prévu qu’un curateur/tuteur ad hoc puisse être nommé par le juge ou par le conseil de famille s’il a été constitué (C. civ., art. 455). Lorsque la personne protégée souhaite désigner le curateur/tuteur en qualité de bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, ce dernier devra demander au juge d’effectuer cette nomination (la compagnie d’assurances n’acceptera la clause qu’à ces conditions). La modification de la clause bénéficiaire au profit du curateur/tuteur sera ainsi réalisée avec le majeur protégé assisté par le curateur/tuteur ad hoc. 45. - En matière de conflit d’intérêts, il convient également de vérifier la profession du bénéficiaire. Il s’agit notamment ici des professionnels de la santé qui auraient pris en charge le majeur protégé. Le Code civil prévoit d’ailleurs ce cas de figure en disposant que « Les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui auront traité une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne pourront profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie. » (C. civ., art. 909). La Haute Juridiction s’est d’ailleurs prononcée sur cette règle et l’a confirmé en matière de désignation bénéficiaire dans un arrêt du 4 novembre 201027. C. - L’habilitation familiale à l’épreuve du conflit d’intérêts 46. - Ce type de mesure est prononcé dans un cadre familial. Il n’est pas surprenant que la personne habilitée soit également une héritière de la personne protégée. Dès lors, doit-on présumer une situation de conflit d’intérêts en présence d’une clause bénéficiaire qui désignerait les héritiers de la personne habilitée ? La référence aux règles de droit commun devrait tempérer cette présomption. La personne habilitée se retrouve bénéficiaire du fait de sa qualité d’héritière et non nominativement. Cette qualité peut évoluer et in fine, la personne habilitée pourrait perdre sa qualité d’héritière en fonction de l’évolution de la situation familiale de la personne protégée. De même, dans le cadre de sa mission de protection du majeur protégé, la personne habilitée

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=