HORS-SERIE_La revue fiscale du patrimoine

14 ASSURANCE-VIE Actuellement le rendement réel des fonds en euros est donc négatif en tenant compte de surcroît des frais et des prélèvements sociaux au fil de l’eau qui viennent obérer la rentabilité. Les investisseurs l’ont bien compris et ont procédé à un changement dans leur choix d’investissement, privilégiant les unités de compte au fonds en euros22. Le professionnel de la gestion de patrimoine et l’assureur doivent garder ce point en tête lors du choix des actifs sous-jacents au contrat d’assurance du majeur protégé. D’autres actifs que le support garanti doivent être étudiés afin de garantir une « préservation » du patrimoine du majeur protégé. Certains produits structurés proposent ainsi une garantie partielle ou totale en capital en contrepartie d’une durée d’investissement connue à l’avance. Les différents scénarios de performance étant également connus, la gestion du risque est facilitée. Le conseiller pourrait également s’orienter vers une solution créée en 2014 et remise au goût du jour par la loi PACTE : l’eurocroissance nouvelle génération. D. - L’eurocroissance : une solution alternative ? 36. - L’eurocroissance est un support offrant une garantie totale en capital au terme d’une durée d’investissement d’au moins 8 ans. En contrepartie de cet horizon d’investissement, ce support offre un rendement supérieur à celui offert par le fonds en euros dit « classique ». Une garantie à terme et un rendement supérieur au fonds euros sont les maîtres mots qui plaident en faveur de l’eurocroissance y compris pour des majeurs protégés. Le juge acceptera-t-il de faire rimer la garantie à terme avec l’horizon à long terme du placement ? La jurisprudence sera utile sur cette thématique d’actualité qui n’est pas la seule. 5. Les trois évolutions paradigmatiques A. - Le risque réputationnel de la compagnie avant le risque juridique 37. - « Il est plus facile de garder intacte sa réputation que de la blanchir quand elle est ternie » (Thomas Paine) Au-delà du risque juridique, qui lorsqu’il se réalise entraîne souvent des conséquences financières, le principal enjeu est de nature réputationnel. La terminologie « majeur protégé » est souvent accompagnée de la formule « abus de faiblesse ». L’assureur qui manque à ses opérations de contrôle renforcé et qui accepte une opération incohérente avec la situation du majeur risque sa réputation. Si cette opération inadaptée aux intérêts de la personne protégée entraîne de surcroît une perte financière, une assignation de l’assureur pour demander le remboursement de cette perte n’est pas à exclure. Peu importe que l’assureur soit de bonne ou de mauvaise foi, qu’il ait fait confiance au conseiller en charge du majeur protégé, cela ne fera guère de différence aux yeux de l’opinion publique. Cette dernière assimilera rapidement le nom de la compagnie d’assurances à une compagnie pratiquant l’abus de faiblesse sur ses assurés les plus vulnérables. 22 France Assureurs, l’assurance vie en 2020, étude. 23 La commercialisation de produits financiers aux personnes âgées vulnérables, avr. 2021. Les réseaux sociaux pouvant s’approprier le sujet, l’assureur n’aurait alors pas besoin d’un procès judiciaire pour perdre le procès de l’opinion publique. Les conséquences d’une « compagnie bashing » se traduiront par des effets plus importants que le simple versement de dommages et intérêts. B. - Digitalisation : un impact particulier ? 38. - La principale difficulté d’aujourd’hui et de demain est d’adapter les outils digitaux au formalisme requis des actes traitant de la gestion de patrimoine des majeurs protégés. Comment s’assurer, lors de l’utilisation de canaux digitaux et de la signature électronique, que la personne en charge du majeur (curateur, tuteur, mandataire, personne habilitée…) ait bien signé les documents nécessaires à l’opération ? Comment concilier au mieux les bienfaits de la digitalisation (délai de traitement des opérations réduit, accès à la situation des contrats en temps réel, absence de déplacement pour des personnes en situation de mobilité réduite…) et les intérêts des majeurs protégés ? Comment prévenir et détecter le risque d’abus ? Est-ce que le formalisme imposé par le Code des assurances et le Code civil exclut d’ores et déjà cette population qui devra alors effectuer ces demandes d’opération selon l’ancien schéma (signature de documents manuscrits en présence du conseiller en gestion de patrimoine qui transmettra ces documents à l’assureur). Les assureurs doivent se saisir de ces sujets et trouver des solutions qui devront toujours être prises dans l’intérêt du majeur protégé. Le Pôle commun de l’ACPR et de l’AMF a eu l’occasion de rappeler les enjeux et les risques de la digitalisation en présence d’une clientèle vulnérable. Une des solutions mise en avant par ce rapport23 consiste en une approche complémentaire des différents canaux de distribution (rendez-vous en agence, entretien téléphonique et internet). L’assureur pourrait ainsi confirmer par un contre-appel téléphonique une opération réalisée par le majeur via internet et s’assurer de la bonne cohérence de celle-ci en contactant le conseiller. Les compagnies d’assurances luxembourgeoises exerçant en libre prestation de services sont d’autant plus impactées par cette thématique en raison du caractère transfrontalier de leurs activités qui exacerbe le risque de l’utilisation des outils internet avec un self care digital priorisé. Par ailleurs, la « vente à distance » de produits financiers nous paraît devoir être particulièrement encadrée pour cette population très exposée parce que vulnérable. C. - Récupération des aides sociales : un contentieux méconnu mais de plus en plus abondant 39. - Une disposition du Code de l’action sociale et des familles peut créer de mauvaises surprises pour des bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie. Il est en effet prévu que l’État ou le département puisse effectuer des recours contre le(s) bénéficiaire(s) d’un contrat d’assurance-vie alimenté par des primes versées après les 70 ans de l’assuré. Ce recours vise à récupérer les aides sociales qu’aurait perçues l’assuré (CASF, art. L. 132-8). Cette opération

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