HORS-SERIE_La revue fiscale du patrimoine

13 29. - Cette décision s’inscrit néanmoins dans une situation qui depuis a évolué. Un placement motivé uniquement par une volonté de protection du capital sans tenir compte du rendement et des frais est un placement pouvant être synonyme d’appauvrissement. Les rendements générés par les supports garantis peinent à protéger de l’inflation (notamment dans le contexte actuel) et les taux de rendement réels se trouvent ainsi négatifs. L’essence même d’une solution assurantielle repose sur une durée d’investissement à long terme dont on voit que l’horizon s’allonge avec l’espérance de vie. Pourquoi privilégier un support offrant de moins en moins de rendement avec des frais qui viennent amputer la garantie en capital au détriment de supports certes plus risqués mais plus rémunérateurs sur un horizon d’investissement à moyenlong terme ? Le discernement doit jouer ici pour faire sauter le totem des 100 pourcents fonds euro dès lors que le majeur est protégé. Les notions de « risques » et de « prudence » doivent donc faire l’objet d’une analyse individualisée et ne peuvent en aucun cas être généralisées à toutes les situations. 30. - Dans son dernier rapport sur les majeurs vulnérables15, l’AMF et l’ACPR alertent sur les risques de commercialisation inadaptée aux besoins des majeurs. L’assureur sera ainsi principalement vigilant sur le patrimoine global du majeur protégé et sur sa capacité à faire face à des besoins de liquidité soudain. En conséquence, l’analyse sera différente entre un majeur détenant un million d’euros de liquidités sur un compte bancaire et un majeur souhaitant placer l’intégralité de son patrimoine financier au sein d’un contrat d’assurance-vie investi à 100 % sur des supports en unité de compte. Une analyse sera donc menée par l’assureur en collaboration avec le conseiller du client qui dispose, lui, de la connaissance client. Si le placement sur un capital garanti a tendance à rassurer les non-initiés aux investissements financiers, il est désormais loin d’être la seule solution de placement appropriée, surtout en période inflationniste. B. - L’assureur confronté à l’approche holistique du client 31. - En raison des règles encadrant les actes de gestion liés aux majeurs protégés, l’assureur doit se montrer vigilant et s’assurer que le formalisme est respecté, au risque de voir l’acte déclarer nul de plein droit. Ce qui implique un personnel formé et à même de maîtriser les enjeux réglementaires de la gestion de patrimoine des majeurs protégés. 32. - Au-delà de ces aspects formels, l’assureur doit également vérifier la cohérence de l’acte avec la situation du majeur. Ce contrôle sera effectué par les différentes instances de contrôle de la compagnie mais également dans le cadre d’une collaboration avec le conseiller du client. Ce dernier doit pouvoir justifier de la bonne cohérence de l’opération envisagée au vu de la situation patrimoniale et personnelle du majeur. Cette opération de contrôle est parti15 20210408_communication_professionnels_commercialisation_produits_financiers_seniors_vulnerables.pdf (banque – france.fr). 16 L. Gayet, les nouveaux paradigmes de la gestion de patrimoine : Actes prat. strat. patrimoniale 2021, n° 3. 17 www.insee.fr/fr/statistiques/2122401. 18 https://www.economie.gouv.fr/ 19 ACPR Banque de France, n° 140-2022, Analyses et synthèses. 20 I’ARGUS de l’assurance, Rendements assurance vie : le palmarès 2022 des fonds euros. 21 Rendement et risque des placements en actions | AMF (amf-france.org). culièrement délicate pour l’assureur qui ne dispose pas de la connaissance client. Seul le conseiller du client a une vision du patrimoine global du souscripteur. Un investissement au sein d’un contrat réalisé à 100 % en unités de compte pourrait être motivé par le fait que le majeur détient d’autres contrats investis sur des supports en capital garanti au sein d’une autre compagnie. 33. - Ce dernier point n’est d’ailleurs pas un sujet facile pour l’assureur intermédié car il n’est pas conseil du client dans ce cas : pourra-t-il alors accepter un contrat 60 pourcent UC au motif que le conseiller du majeur lui indique que le majeur a 100 pourcents de fonds euro chez un concurrent ? Certes, plus l’horizon d’investissement sera long, plus la possibilité d’investir sur des actifs n’offrant pas une garantie en capital sera importante. Mais il conviendra alors de mettre des garde-fous : par exemple demander au conseiller du majeur (avec un écrit) de prévenir l’assureur de toute évolution (arbitrage…) qui remettrait en cause l’allocation initiale sur des actifs risqués si le patrimoine global venait à évoluer défavorablement. C. - La notion de « préservation » du patrimoine 34. - En matière de préservation du patrimoine, il faut s’assurer que les rendements de son investissement soient supérieurs aux poussées inflationnistes. La valeur d’un euro hier est différente de celle d’aujourd’hui. Cette érosion monétaire doit être prise en compte. Un placement dont le rendement est inférieur à celui de l’inflation conduira à un appauvrissement du majeur protégé et donc à une non-préservation de son patrimoine. Le fonds en euros propose certes un capital garanti mais n’offre aucune garantie face à l’érosion monétaire. Les professionnels de la gestion de patrimoine garderont cette citation à l’esprit « Appauvris-toi si tu veux et ça au moins c’est garanti »16. En France le taux d’inflation annuel varie entre 2,1 % et 1,6 % depuis 201117. Ces taux apparaissent très bas face à une année 2022 qui s’achève avec une inflation atteignant les 5,2%18. 35. - À l’inverse, le taux de revalorisation moyen des fonds euros des contrats d’assurance-vie et de capitalisation a atteint 1,28 % (avant prélèvements sociaux) en 2021. Ce taux n’a cessé de baisser d’environ 20 points de base chaque année depuis 201219. L’année 2022 est venue mettre un terme à cette période de baisse. Les rendements oscillaient ainsi entre 1,6% et 2,5%, pouvant atteindre 3,75% en fonction du pourcentage d’unités de compte et de certains bonus octroyés par les compagnies d’assurances20.Une performance qui est loin de compenser l’inflation. À l’opposé de cette tendance, il a été démontré que le rendement réel moyen (inflation déduite) des actions du CAC 40 atteignait 6,8 % pour un placement réalisé de 1988 à 202121.

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