HORS-SERIE_La revue fiscale du patrimoine

12 ASSURANCE-VIE E. - Le cas particulier du mandat de protection future 22. - Seules les spécificités du mandat pour soi-même seront développées ici. Ce mandat permet d’anticiper sa propre dépendance en précisant dans quelle mesure le mandataire pourra représenter le mandant quand celui-ci ne sera plus en mesure de pourvoir seul à ses intérêts (C. civ., art. 477). L’essence de ce mandat repose sur la liberté rédactionnelle. Néanmoins, ce dernier devra être suffisamment précis lors de sa rédaction. Le rédacteur gardera ainsi à l’esprit l’importance d’utiliser un vocabulaire spécifique aux opérations d’assurance de personne et de capitalisation. Le contrat d’assurance n’est pas un compte et l’utilisation de termes non appropriés risque d’entraîner une perte d’effet du mandat sur ces opérations. L’assureur se référera ainsi au mandat afin de déterminer le champ de compétence du mandataire. Si ledit mandat se révèle ambigu ou approximatif, le mandataire devra alors solliciter l’accord du juge (C. civ., art. 493). En présence d’un mandat réalisé sous seing privé, le mandataire verra ses prérogatives limitées aux actes d’administration. Ses compétences seront donc limitées en matière d’assurance-vie et de capitalisation11. Le mandant souhaitant donner un champ d’aptitude élargie au mandataire optera ainsi pour un mandat notarié. Sous réserve de la bonne rédaction du mandat, le mandataire pourra alors réaliser les actes patrimoniaux que le tuteur peut accomplir seul ou avec une autorisation (C. civ., art. 490). 23. - Toutefois, une limite est posée à l’article 490 du Code civil : le mandataire ne peut accomplir un acte de disposition à titre gratuit qu’avec l’autorisation du juge. Sans revenir sur le débat de cette qualification vis-à-vis de la désignation ou de la substitution bénéficiaire, une solution alternative consisterait à prévoir une clause bénéficiaire dans le mandat. La volonté du mandant devrait alors primer et en cas de souscription d’un contrat d’assurance-vie dans l’intérêt du mandant, le mandataire pourrait se référer à cette clause bénéficiaire. Une clause rédigée par le mandant lorsque celui-ci était pleinement capable. REMARQUE En matière de majeurs protégés, la forme ne prime pas sur le fond. C’est ce qu’il ressort de l’article 466 du Code civil. La Haute Juridiction a eu l’occasion de le rappeler dans un arrêt du 15 janvier 2020. En l’espèce, une personne sous curatelle et son curateur avaient procédé à une modification de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie. Au décès de l’assuré, sa veuve a demandé la nullité de cette modification. La Cour de cassation a donné raison à sa demande en énonçant que « le respect des dispositions relatives à la régularité des actes accomplis par une personne placée sous le régime de curatelle ne fait pas obstacle à l'action en nullité pour insanité d'esprit ». 11 Se référer à la partie « La summa divisio pour l’assureur ». 12 Cass. 1re civ., 18 déc. 2020, n° 20-70.003. 13 D. Noguero, Revue de la Recherche Juridique, 2018-1. 14 CA Bordeaux, 8 juin 2016, n° 15/06749. 4. Les investissements au sein du contrat : épargne de précaution ou précaution de l’épargne ? A. - Le terme « prudence » et la notion de « risque » dans l’allocation des contrats du majeur protégé 24. - Une mesure de protection juridique liée au majeur est destinée à protéger la personne en tant que telle mais également les intérêts patrimoniaux de celle-ci (C. civ., art. 425). Le législateur ne définit pas ce que la notion des « intérêts patrimoniaux » du majeur protégé englobe. Il est toutefois prévu qu’en présence d’une personne sous tutelle, le tuteur doit apporter des soins prudents, diligents et avisés, et ce, dans le seul intérêt de la personne protégée. Une formule générique qui, selon nous, doit s’appliquera tous les majeurs protégés, quelle que soit la mesure de protection (C. civ., art. 496). 25. - Dès lors, le professionnel de la gestion de patrimoine doit s’interroger sur ce qu’on entend derrière la formulation de « soins prudents » lorsqu’il doit décider de l’architecture financière d’un contrat d’assurance-vie. La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé qu’un contrat d’assurance-vie n’est pas un compte mais un placement pouvant comporter des « risques financiers, notamment lorsqu’il est libellé en unités de compte »12. 26. - En l’absence de définition claire des « intérêts patrimoniaux » du majeur protégé ainsi que des « soins prudents » qui doivent guider le tuteur dans le cadre de sa mission, il convient d’effectuer une analyse au cas par cas. 27. - Comme nous l’avons vu précédemment, le tuteur devra obtenir l’accord du juge ou du conseil de famille (s’il a été constitué) pour toute opération de souscription, de versement ou de réorientation d’épargne (visant à investir sur des supports en unité de compte). Le tuteur s’en remet ainsi à l’appréciation du juge. Mais qu’en est-il pour les autres mesures de protection ? Comment un curateur ou une personne habilitée doit-il appréhender ces notions de « risques » et de « soins prudents » ? 28. - En principe, la jurisprudence tend à favoriser des supports offrant une garantie en capital tel que le support sécurisé en euros13. Un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux est assez révélateur de cette situation14. En l’espèce le sujet ne concernait pas un majeur protégé mais un mineur. Dans cette affaire, les juges devaient choisir entre deux placements. La première option consistait à investir sur un support ayant affiché un rendement supérieur à 10 % sur les 2 dernières années. Cet investissement ne présentait pas de frais d’entrée. La deuxième option représentait un investissement réparti en intégralité sur le support du fonds en euros à capital garanti. Cette option présentait l’application de frais d’entrée. Les juges retinrent la deuxième option au motif que l’investissement devait être sécurisé et comporter « une garantie en capital à l’abri des turbulences boursières ».

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