‰sur le fondement de l’article L. 64 du LPF11, l’Administration peut écarter des montages artificiels transfrontaliers mettant en œuvre des sociétés sans substance économique12. Nouveaux critères introduits par la proposition de directive. – L’article 6 de la proposition de directive définit trois critères cumulatifs objectifs permettant d’identifier les entités « à risque » entrant dans le champ d’application de l’obligation déclarative spécifique : ‰au cours des deux derniers exercices, plus de 75 % des bénéfices de l’entité sont passifs 13 : il s’agit notamment des dividendes, des intérêts (dont les revenus issus de cryptoactifs), des redevances, des plus-values sur titres, des revenus immobiliers, des revenus d’actifs mobiliers patrimoniaux autres que des titres (si leur valeur comptable est supérieure à 1 M€), des revenus de services sous-traités à des entreprises associées 14 et des revenus d’activités financières ; ‰l’entreprise exerce une activité considérée comme « transfrontière » si 60 % de ses bénéfices passifs proviennent de l’étranger ou si 60 % de la valeur comptable des actifs mobiliers patrimoniaux ou immobiliers détenus sont situés en dehors de l’État membre depuis les deux derniers exercices ; ‰ l’entreprise a externalisé la gestion des opérations courantes et la prise de décision sur des fonctions importantes au cours des deux derniers exercices. Obligation déclarative des entités dans le champ d’application. – Si une entité remplit ces trois critères, elle serait tenue de se déclarer auprès des autorités fiscales de l’État membre dans lequel elle est établie. Le fichier central de déclaration serait partagé par l’ensemble des États membres. Néanmoins, le point 2 de l’article 6 de la proposition de directive dresse une liste d’entités qui, par principe, seraient situées en dehors du champ d’application de l’obligation déclarative (il s’agit, par exemple, des sociétés cotées, des sociétés financières réglementées, des sociétés holdings localisées dans le même État membre que leurs bénéficiaires effectifs et détenant des activités opérationnelles dans ce même État membre, etc.). Possibilité d’exemption. – L’article 10 de la proposition de directive ménage une possibilité d’exemption déclarative des entités qui seraient soumises à cette obligation déclarative : l’entité doit établir qu’elle n’a pas pour effet de réduire l’imposition de ses bénéficiaires effectifs ou de son groupe. Elle doit démontrer l’absence de motivations de nature fiscale quant à son interposition. À ce titre, l’entreprise serait supposée produire des éléments permettant de comparer l’imposition avec ou sans son interposition. À la fin de l’exercice au titre duquel l’exemption serait accordée, l’État membre aurait la faculté de prolonger l’exemption de 5 ans (soit 6 années au total), à condition que la situation factuelle et juridique demeure inchangée. Contenu de l’obligation déclarative et présomption d’absence de substance minimale. – Les entités tenues à une obligation déclarative devraient transmettre, chaque année, aux autorités fiscales de l’État membre de résidence trois séries d’informations 15 : ‰l’existence de locaux à usage exclusif ; ‰l’existence d’un compte bancaire actif dans l’Union ; ‰l’existence de liens suffisants entre les dirigeants et les salariés de l’entreprise avec l’État membre de l’entité. Ces informations permettraient d’attester d’une substance suffisante (la proposition de directive souligne qu’il s’agit de la « partie principale du test sur la substance »). Renversement de la présomption. – Cette seconde série de critères constituerait un second filtre, au terme duquel soit l’entité serait présumée disposer d’une substance minimale (tous les critères sont remplis), soit l’entité serait présumée manquer de substance suffisante et serait qualifiée de société écran. Cette présomption simple d’absence de substance suffisante pourrait être renversée par la fourniture d’éléments concrets mettant en évidence leur substance économique16. Il s’agit des trois séries de preuves suivantes : ‰justification commerciale de la création de l’entité ; ‰informations sur la qualification et le rôle des salariés de l’entité ; ‰ainsi qu’une preuve concrète de la prise de décisions concernant l’activité génératrice de revenus passifs dans l’État membre de l’entité. À l’issue de l’exercice au titre duquel la présomption a été renversée, les autorités fiscales de l’État membre auraient la faculté de prolonger le bénéfice du renversement de la présomption pour 5 années supplémentaires (soit 6 années au total), à condition que la situation factuelle et juridique demeure inchangée. État membre de résidence de l’entité écran. – La qualification de société écran devrait appartenir à l’État membre dans lequel a été créée cette entité. Les autres États seraient tenus par cette appréciation17. Les critères de qualification devront être précisés afin d’éviter d’éventuelles divergences d’interprétation entre les différentes administrations fiscales des États membres. 11. L’Administration peut écarter, comme ne lui étant pas opposables, des actes fictifs ou qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale de la loi fiscale à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur, n’ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d’éluder l’impôt. 12. Récemment, CE, 28 janv. 2022, n° 433965 : « En jugeant, au regard de l’ensemble des circonstances de l’affaire, que la société P... était dénuée de substance économique et que sa création ne répondait pas à un motif économique, financier ou patrimonial, la cour s’est livrée, sans les dénaturer, à une appréciation souveraine des faits de l’espèce et n’a pas commis d’erreur de droit » ; Dr. fisc. 2022, n° 5, act. 47. 13. La proposition de directive emploie le terme de« revenus pertinents » (Prop. de directive du Conseil établissant des règles pour empêcher l’utilisation abusive d’entités écrans à des fins fiscales et modifiant la directive 2011/16/UE, 22 déc. 2021, art. 4). 14. Une« entreprise associée »est définie à l’article 5 de la proposition de directive. 15. Ces informations sont précisées à l’article 7 de la proposition de directive. 16. Les éléments probatoires sont précisés à l’article 9 de la proposition de directive. La possibilité de pouvoir renverser la charge de la preuve est essentielle, dans la mesure où le test sur la substance repose sur des indicateurs qui ne prennent pas en considération des éléments factuels appréciables au cas par cas. 17. Au regard du considérant n° 3 de la proposition de directive, l’État de la source ou de résidence de l’actionnaire pourra vraisemblablement, en cas d’interprétation favorable de l’État de la société, appliquer ses propres dispositifs anti-abus nationaux. ACTESPRATIQUES&STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 2 - AVRIL-MAI-JUIN 2022 - ©LEXISNEXISSA 45 Le point sur
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