Actes pratiques et strategie patrimoniale

57 - Périmètre de l’inexécution. –Mais la révocation ne pourra assurément intervenir que dans l’hypothèse d’une inexécution totale ou partielle des conditions de la donation, soit l’absence de constitution de la fiducie, son exécution défectueuse ou fautive, ou encore et enfin, l’absence de menée à bonne fin de la fiducie. 58 - Cause essentielle et déterminante de la donation. –L’on peut même se demander si la logique ne commande pas, du reste, que la survie de la donation faite au donataire-constituant ne soit pas subordonnée à l’accomplissement du but en vue duquel la fiducie-gestion a été constituée, par un appel explicite de l’objet de la fiducie et de ses caractéristiques propres. Comment le donateur pourrait-il donc a fortiori se prévaloir d’une inexécution des conditions de la donation lorsque la condition dont la méconnaissance est invoquée n’a pas constitué« la cause essentielle et déterminante de la libéralité »et que cette inexécution n’a de surcroît pas été« fautive »96. 59 - L’impulsion du donateur. –Le donateur ne peut donc, par pur « caprice », invoquer l’inexécution du contrat de fiducie (de la conclusion du contrat à son exécution définitive au profit du bénéficiaire selon les cas) pour révoquer l’acte de donation. Cela porterait atteinte, comme évoqué plus haut, au principe d’irrévocabilité spéciale des donations. L’intrusion d’un tiers est, selon nous, de nature à renforcer cette irrévocabilité et, plus généralement, les conflits familiaux induits. C. - Le « tiers-révocateur » : un acteur de la révocation 60 - Un acteur concurrent et complémentaire. – De façon dépendante ou indépendante du tiers-protecteur de la fiducie, rien n’interdirait au donateur de donner au tiers-protecteur qu’il a désigné qualité pour faire valoir et, au besoin, défendre en justice l’acquisition de la condition résolutoire. Il s’agirait alors seulement de faire constater un fait objectif. Celui-ci agirait alors en« doublon » s’agissant de convention expresse concurremment au donateur de son vivant et à ses héritiers après sa mort. Il garantirait tout à la fois l’incapacité d’un donateur et les conflits d’intérêts de ses héritiers après sa mort. 61 - Tiers-protecteur acteur de la révocation. –Le principe de l’entière liberté contractuelle permet de délimiter les pouvoirs du tiers-protecteur 97et de consacrer son pouvoir dès la libéralité. Cet attribut conféré au tiers-protecteur apparaît spécialement important dans l’hypothèse où la donation comporterait une clause de résolution de plein droit de la donation en cas d’exécution défectueuse du contrat de fiducie excluant le recours au juge. Cette clause de l’acte de donation pourra ainsi mentionner expressément que le tiers-protecteur désigné au contrat de fiducie est celui qui a qualité pour identifier et qualifier la méconnaissance de ses obligations contractuelles par le fiduciaire. Proposition de clause résolutoire à insérer à l’acte de donation : ‰ « À défaut pour le donataire d’exécuter les charges de la présente donation, et notamment celle contenue ci-dessus insérée à l’article / au paragraphe [signature d’un contrat de fiducie-gestion et/ou exécution dudit contrat et/ou menée à bonne fin dudit contrat conformément au projet qui lui a été remis préalablement et pour lequel il a pu se faire assister pour sa compréhension], la donation sera révoquée de plein droit, un mois après un simple commandement d’exécuter resté sans effet, et ce, sans qu’il soit besoin de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire en justice » ; ‰ « Le tiers-protecteur désigné au contrat de fiducie a également qualité pour identifier et qualifier la méconnaissance de ses obligations contractuelles par le fiduciaire. Cette opération s’accomplit par un acte écrit dans lequel le tiers-protecteur expose la nature des manquements constatés, en quoi ces manquements contreviennent directement au contrat de fiducie et mettent en péril les intérêts du constituant (et/ou des bénéficiaires). Cet acte est notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au fiduciaire, au bénéficiaire, au constituant-donataire ainsi qu’au donateur. » Conclusion 62 - Assurément, seuls l’avenir et la pratique permettront de définir la portée donnée aux missions du tiers-protecteur et son exact et juste positionnement dans la quadri-angulation donateur, constituant, fiduciaire, tiers-protecteur. Chacun doit déterminer sa place, et l’articulation des pouvoirs et contrôle doit pouvoir s’exécuter. Il n’empêche qu’en l’état, une définition stricte de ses missions et de la nature de son contrôle (a priori, a posteriori, automatique) apparaît seule de nature à rendre efficient et à sécuriser le dispositif de la fiducie, sans omettre, assurément, la prévention du contentieux résultant favorablement d’une telle définition suffisamment anticipée. Le tiers-protecteur est, selon nous, le garant éclairé du respect de l’esprit de l’opération dans sa globalité. Ceci ne peut néanmoins être opéré qu’en déterminant précisément ceux-ci avec toute la bienveillance qui doit caractériser cette libéralité-fiducie, quasi fiducie-libéralité.ê Mots-Clés : Fiducie Libéralité - Fiducie-libéralités - Tiers-protecteur 96. Cass. 1re civ., 27 janv. 1981, n° 79-16.156 : JurisData n° 1981-700300 ; Bull. civ. I, n° 32. 97. V. infra et note n° 50. 35 ACTESPRATIQUES&STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 2 - AVRIL-MAI-JUIN 2022 - ©LEXISNEXISSA Dossier

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