Selon ces dispositions, c’est clairement le notaire rédacteur de l’acte qui est investi du pouvoir de contrôle et, le cas échéant, qui saisit le juge des contentieux de la protection (JCP), anciennement juge des tutelles, pour signaler d’éventuelles irrégularités ou plutôt non-conformités au mandat. Avec grande pertinence, la doctrine a pu relever qu’il semble« difficile au notaire instrument de l’acte d’endosser cette charge malgré ce que l’article 491 dispose »54. Ainsi, le terme« notaire »recouvre usuellement toute personne exerçant l’activité notariale, ce qui est le cas au sein d’une société titulaire d’un office notarial ; la dissociation du notaire ayant établi le mandat du notaire de celui exerçant le contrôle serait plus que souhaitable, même si elle semblait en l’état délicate à envisager au regard du texte55. Cette question, voire cette difficulté, n’avaient pas été évoquées lors des travaux parlementaires de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme juridique de la protection juridique des majeurs ayant créé le mandat de protection future, les débats ayant porté sur la seule possibilité d’imposer la présence de deux notaires pour l’établissement du mandat, disposition finalement abandonnée en l’absence de toute nécessité démontrée en ce sens 56. L’examen des travaux préparatoires permet de considérer en revanche que l’unicité du notaire rédacteur-contrôleur n’avait fait aucun doute57, non qu’elle fût adoptée comme une évidence, mais plutôt que la difficulté sus évoquée ne se manifestât pas aux yeux des parlementaires. Toujours est-il, et quoi qu’il en soit, qu’en attendant la modification législative manifestement appelée de ses vœux par la doctrine en la matière en vue d’une dissociation entre notaire rédacteur du mandat et notaire investi du contrôle, le notaire dont il s’agit dispose d’un simple pouvoir d’alerte l’autorisant à saisir le JCP (juge des tutelles) : nous nous situons donc là encore dans le cadre de l’exercice d’un pouvoir similaire à celui que possède le tiers-protecteur dans la fiducie, soit celui de solliciter l’intervention de l’autorité judiciaire (l’article 2027 du Code civil permettant au tiers-protecteur de solliciter le remplacement du fiduciaire) et d’exercer un contrôle a posteriori, toujours moins efficient et contraignant qu’un contrôlea priori. Il est en effet très intéressant de noter que le notaire, dans l’exercice de son contrôle, n’a été perçu par le législateur que comme ayant pour unique mission la « conservation des pièces transmises et d’information du juge des tutelles en cas d’actes injustifiés ou anormaux » (et non une mission de vérification des comptes), ainsi que celle du signalement au juge des éventuelles irrégularités constatées, étant précisé, l’ont clairement exprimé les parlementaires, qu’« il appartient en effet au juge des tutelles, le cas échéant après avoir été informé d’une irrégularité par le notaire, de faire vérifier les comptes comme s’il s’agissait d’une tutelle »58, la vérification des comptes n’apparaissant que comme la conséquence et la suite de l’exercice par le notaire tiers-protecteur de son pouvoir d’alerte et non le préalable de celui-ci. L’on ne peut, dans ces conditions, que s’interroger sur l’étendue du pouvoir effectif de contrôle du notaire tel que résultant de l’article 491 du Code civil, sachant d’une part que le signalement d’une éventuelle irrégularité sans pouvoir préalable de vérification des comptes peut revêtir un caractère illusoire et, d’autre part, que les conditions matérielles d’exercice de leur pouvoir de contrôle par le juge des tutelles (JCP) et le directeur des services de greffe judiciaire sont particulièrement dégradées dans les juridictions, circonstance ayant du reste conduit le législateur à prévoir expressément la délégation possible de la vérification des comptes de gestion aux huissiers en vertu des articles 486 et 512, alinéa 2 du Code civil. Il importe de relever que l’extension de la mission confiée au notaire-contrôleur serait pourtant très opportune : elle trouverait toute sa logique dans la suite et dans l’esprit du rapport de la Cour des comptes de septembre 2016 sur la « Protection juridique des majeurs », qui n’a pas manqué de souligner précisément tout l’intérêt d’une certaine« déjudiciarisation », indispensable à« relancer »59 dans le domaine des tutelles. S’agissant des dispositions de l’article 484 du Code civil aux termes desquelles « tout intéressé peut saisir le juge des tutelles aux fins de contester la mise en œuvre du mandat ou de voir statuer sur les conditions et modalités de son exécution », celles-ci doivent être regardées comme conférant à tout tiers la qualité de protecteur pourvu qu’il justifie d’un intérêt pour agir en ce sens. C’est bien ainsi que les travaux préparatoires de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme juridique de la protection juridique des majeurs l’ont entendu, visant expressément comme« intéressé », « toute personne ayant un intérêt à agir »pouvant obtenir du juge la modification de la protection, soit en ouvrant une mesure de protection juridique après révocation du mandat, soit en complétant le champ de la mesure conventionnelle lorsqu’elle s’avère insuffisante, soit, enfin, en désignant un mandatairead hocpour accomplir certains actes déterminés ou en autorisant le mandataire conventionnel à les accomplir 60. À la différence, donc, de l’intéressé« protecteur »du mandat de protection future, le tiers-protecteur de la fiducie-gestion est clairement identifié et spécialement désigné. L’exclusivité de la désignation du tiers-protecteur dans la fiducie, jointe à l’immensité de la liberté contractuelle présidant à la définition de ses missions, confèrent donc à ce tiers-protecteur davantage encore de responsabilités qu’au tiers-intéressé de l’article 484 du Code civil, ou qu’au notaire rédacteur et contrôleur de l’article 491 du Code civil. 2° L’exécuteur testamentaire 36 - Aux termes des dispositions de l’article 1025 du Code civil : « Le testateur peut nommer un ou plusieurs exécuteurs testamentaires jouissant de la pleine capacité civile pour veiller ou procéder à l’exécution de ses volontés. » Cette mission, qui ne peut manifestement être confiée à une société commerciale en raison de sa gratuité (sauf libéralité faite à titre particulier eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus) et peut donc l’être, outre aux personnes physiques, à une personne morale à but non lucratif (association) 61, consiste à prendre les« mesures conservatoires utiles à la bonne exécution du testament » (C. civ., art. 1029), notamment le règlement des dettes urgentes après vente du mobilier faute de liquidités suffisantes 62, ou la vente des immeubles de la succession à défaut d’héritier réservataire existant et acceptant (C. civ., art. 1010-1). 54. M. Clermon et H. Brothier, Le tiers protecteur : Actes prat. strat. patimoniale 2018, n° 1, dossier 7, p. 36. 55. Cridon Paris, 5 nov. 2020, avis n° 912688. 56. Rapp. Sénat n° 212, 7 févr. 2007, au nomde la commission des lois du Sénat sur le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, par M. Henri de Richemont. 57. Rapp. Sénat n° 212, 7 févr. 2007, au nomde la commission des lois du Sénat sur le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, par M. Henri de Richemont. 58. Rapp. Sénat n° 212, 7 févr. 2007, au nomde la commission des lois du Sénat sur le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, par M. Henri de Richemont, p. 195 (article 491 du Code civil). 59. Rapp. de la Cour des comptes, La Protection juridique des majeurs. Une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante, sept. 2016, p. 53. 60. V. note n° 73. 61. Cridon Paris, 26 avr. 2013. 62. Cridon Paris, 26 avr. 2013. 30 ©LEXISNEXISSA - ACTESPRATIQUES&STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 2 - AVRIL-MAI-JUIN 2022 Dossier
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