peut exercer, le cas échéant, les mêmes pouvoirs que lui, il peut paraître préjudiciable qu’il n’ait pas accès à la même information dans des conditions similaires. Cette difficulté pourra toutefois être levée si le tiers-protecteur demande au constituant de lui remettre une copie de tous les éléments d’information en sa possession, dès que ceux-ci lui sont adressés. La situation légale d’infériorité du tiers-protecteur par rapport à celle du constituant résulte ainsi du fait même de la loi. Cette dernière prévoit ainsi que l’information n’est communiquée par le fiduciaire au tiers-protecteur qu’à la demande de celui-ci, alors que l’alinéa 1 de l’article 2022 du Code civil 44prévoit que les obligations d’information et de reddition de comptes par le fiduciaire au constituant peuvent être beaucoup plus larges parce que définies librement par les parties dans le cadre du contrat. Aussi pourrait-elle être compensée par l’insertion au contrat de stipulations expresses prévoyant l’obligation pour le fiduciaire de communiquer au tiers-protecteur les mêmes informations et comptes-rendus que ceux communiqués par le fiduciaire au constituant et selon les mêmes modalités qu’à ce dernier ? Si l’on retient le raisonnement du rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale, la réponse serait négative. Le tiersprotecteur doit nécessairement passer par le constituant pour obtenir les documents adressés à celui-ci par le fiduciaire ! Curieux organe de contrôle alors que ce tiers-protecteur est soumis à l’obligation de demander au fiduciaire les informations qu’en dehors de quelques moments particuliers survenant « selon la périodicité fixée par le contrat », il ne pourrait obtenir que du constituant lui-même. 32 - Tiers-protecteur = constituant. –Selon nous, tant la raison et le renvoi récurrent du législateur à la liberté contractuelle permettent bien, en revanche, de considérer comme possible l’alignement contractuel des prérogatives du tiers-protecteur sur celles du constituant. En résumé : ‰ le contrat doit rappeler que sur le fiduciaire pèse l’obligation légale, en vertu du dernier alinéa de l’article 2022 du Code civil, de rendre compte de sa mission au tiers-protecteur, à la demande de celui-ci et selon une périodicité fixée par le contrat ; ‰ la raison commande cependant d’y ajouter que le fiduciaire a l’obligation d’adresser au tiers-protecteur les mêmes informations et comptes-rendus que ceux adressés au constituant en vertu du contrat. B. - Une définition précise des prérogatives du tiers-protecteur 33 - Retenant qu’en raison de la nécessité pour le fiduciaire de conserver une liberté d’action compatible avec sa mission et avec les intérêts mêmes du constituant, « il ne faut [dès lors] pas rédiger à la manière de mandats décrivant de façon successive la somme d’actes auxquels le fiduciaire pourrait se livrer »45. De la sorte, et « corrélativement [il y aura lieu] de conférer de forts pouvoirs au tiers protecteur »46, ceux-ci, et inversement, paraissant donc devoir être précisément définis sous peine d’inefficience. Ces pouvoirs peuvent ainsi s’analyser comme étant : ‰les pouvoirs que le tiers-protecteur tire directement de la loi ; ‰les pouvoirs que le tiers-protecteur tire directement du contrat ; ‰ces derniers pouvoirs pouvant résider dans : - un contrôlea priori s’exerçant par la délivrance d’un visa, du type de celui du contrôleur budgétaire et comptableministériel (CBCM) 47, pour les actes ordinaires, ou par le refus d’un tel visa, ce refus devant être suivi de l’information immédiate du constituant par le tiers-protecteur : ainsi, de même que le contrôleur budgétaire et comptable ministériel qui vise les actes et opérations qui sont soumis à son« contrôle de cohérence »48, lequel tend notamment à vérifier « le caractère soutenable »49 de ces actes et opérations, et qui, lorsqu’il refuse de délivrer ce visa, doit informer le ministre, le tiersprotecteur, après refus de délivrance de son visa, informerait sans délai le constituant du caractère« non soutenable »50 au regard des intérêts de ce dernier d’un acte projeté par le fiduciaire ; - un contrôlea posteriori, du type de celui du commissaire aux comptes(C. com., art. L. 823-9 et s.), conduisant le tiersprotecteur à signaler au constituant tous défauts de« sincérité »et de conformité aux normes en vigueur dans les actes accomplis par le fiduciaire, à l’instar des commissaires aux comptes qui doivent signaler « à la plus prochaine assemblée générale ou réunion de l’organe compétent les irrégularités et inexactitudes relevées par eux au cours de l’accomplissement de leur mission [...] » (C. com., art. L. 823-12) ; ‰un pouvoir de saisine automatique du constituant par le tiersprotecteur en présence de certains actes prédéterminés d’un montant fixé au contrat et qui, en raison de leur importance, requièrent « une consultation préalable [du constituant] en cas de doute sur un acte particulier très engageant dans sonmontant ou dans la durée »51. C. - Des inspirations possibles pour le tiersprotecteur dans les dispositifs existants 34 - La construction rédactionnelle de la mission du tiersprotecteur invite, pour s’écrire, à se référer pour le praticien à des dispositifs pré-existants. 1° Le mandat de protection future 35 - Ainsi que cela a déjà été relevé52, selon les dispositions de l’article 491 du Code civil aux termes desquelles, s’agissant du mandat de protection future53, « le mandataire rend compte au notaire qui a établi le mandat en lui adressant ses comptes, auxquelles sont annexées toutes pièces justificatives [...] Le notaire saisit le juge des tutelles de tout mouvement de fonds et de tout acte non justifiés ou n’apparaissant pas conformes aux stipulations du mandat », le rôle du notaire, protecteur, pourrait inspirer la mission du tiers-protecteur dans le contrat de fiduciegestion. 44. V. note 39. 45. M. Clermon et H. Brothier, Le tiers protecteur : Actes prat. strat. patimoniale 2018, n° 1, dossier 7, p. 39. 46. M. Clermon et H. Brothier, Le tiers protecteur : Actes prat. strat. patimoniale 2018, n° 1, dossier 7, p. 39. 47. D. n° 2012-1246, 7 nov. 2012, art. 91, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : JO 10 nov. 2012, texte n° 6. 48. D. n° 2012-1246, 7 nov. 2012, art. 91, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : JO 10 nov. 2012, texte n° 6. 49. D. n° 2012-1246, 7 nov. 2012, art. 91, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : JO 10 nov. 2012, texte n° 6. 50. Il appartiendra à la doctrine et à la pratique de définir le périmètre et le contenu d’un acte« non soutenable »au regard des intérêts du constituant. 51. M. Clermon et H. Brothier, Le tiers protecteur : Actes prat. strat. patimoniale 2018, n° 1, dossier 7, p. 39. – V. note n° 42 supra. 52. M. Clermon et H. Brothier, Le tiers protecteur : Actes prat. strat. patimoniale 2018, n° 1, dossier 7, p. 36. 53. Le mandat de protection future vise à désigner à l’avance une ou plusieurs personnes (mandataires) afin de représenter le mandant en prévision d’une éventuelle et future perte de capacité physique et/ou mentale qui se traduirait par la mise en place d’une mesure de protection, curatelle ou tutelle, le mandataire étant ainsi muni des pouvoirs lui permettant de protéger les intérêts personnels et patrimoniaux du mandant (C. civ., art. 477 et s.). 29 ACTESPRATIQUES&STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 2 - AVRIL-MAI-JUIN 2022 - ©LEXISNEXISSA Dossier
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