emportant transfert de la propriété des biens intéressés au profit du fiduciaire(C. civ., art. 2011). 28 - Constituant = créancier. – L’équation est certainement réductrice mais consacre l’alchimie opérée. L’article 2022 du Code civil 39 prévoit en effet que« le contrat de fiducie définit les conditions dans lesquelles le fiduciaire rend compte de sa mission au constituant »à la manière d’une sorte de créancier. Cette reddition de comptes par le fiduciaire au constituant accompagne donc l’obligation faite au même fiduciaire, en application du dernier alinéa du même article 2022, de rendre compte au tiers-protecteur et au bénéficiaire de sa gestion, selon les stipulations du contrat. 29 - Hiérarchie des contrôles. –C’est donc un triple contrôle auquel le fiduciaire est en définitive soumis : celui du constituant, celui du tiers-protecteur, celui du ou des bénéficiaires. Se pose donc la question de l’articulation de ces différents contrôles ainsi que de leur hiérarchisation. La doctrine optemanifestement pour une supériorité du contrôle du constituant sur celui du tiersprotecteur. À juste titre, le constituant demeurant la source de l’opération fiduciaire et le premier intéressé à ses propres intérêts ainsi qu’à ceux du bénéficiaire pour le compte duquel le contrat de fiducie a été conclu. Plus précisément, les parlementaires ont fait découler l’obligation pour le fiduciaire de rendre des comptes au constituant et au bénéficiaire de l’obligation de fairecréée par le contrat de fiducie à la charge du fiduciaire : « Le fiduciaire étant investi d’une obligation de faire à l’égard du constituant et du bénéficiaire, il importe que ceux-ci soient pleinement informés des conditions d’exécution du contrat »40. 30 - Là encore, c’est sans équivoque que le législateur a souhaité renvoyer à la volonté des parties la définition des modalités de la reddition de ses comptes par le fiduciaire au constituant et au bénéficiaire41. C’est la raison pour laquelle, s’agissant des actes les plus irréversibles, on peut « imaginer une consultation préalable de celui-ci [le constituant] en cas de doute sur un acte particulier très engageant dans son montant ou dans la durée »42, tuant dans l’œuf une critique postérieure. On pense particulièrement ici que la seule limite à l’exercice du droit de propriété« fiduciaire »par le fiduciaire semble résider : ‰au plus, en cas de pouvoirs très étendus donnés au fiduciaire, dans la disparition du patrimoine lui-même et ce, en contravention manifeste tant avec l’objet et la survie du contrat qu’avec l’intérêt du ou des bénéficiaires, ce qui pourrait être le cas dans une libéralité graduelle ; ‰au moins, en cas de pouvoirs très restreints, dans une« cogestion » de fait qui ne saurait se traduire par l’annulation du pouvoir décisionnaire du fiduciaire. S’agissant des relations entre constituant et tiers-protecteur, l’on pourrait ajouter qu’en cas de contrariété d’intérêts et d’opinion entre le constituant et le tiers-protecteur, celui-ci devrait nécessairement céder le pas devant le constituant. En tout cas conviendrait-il de le contractualiser sans équivoque43 notamment au regard des objectifs poursuivis par une donation à charge de mise en fiducie. 31 - Reddition des comptes. Travaux parlementaires. – Il importe de relever que l’obligation de reddition des comptes par le fiduciaire au tiers-protecteur diffère de celle pesant sur lui vis-à-vis du constituant, le tiers-protecteur étant en quelque sorte en situation plus défavorable que le constituant au regard de l’information reçue. Laissons à ce sujet la parole, in extenso compte tenu de l’importance des implications pratiques qui en résultent pour le praticien, à M. Xavier de Roux, rapporteur au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi n° 3385 adoptée par le Sénat et instituant la fiducie, dans son rapport enregistré le 1er février 2007 : Le présent article 2021 [aujourd’hui 2022] du Code civil organise les modalités d’information des différents intervenants dans la fiducie, par le fiduciaire. Dès lors que le fiduciaire se trouve placé dans une obligation de faire à l’égard du constituant et du bénéficiaire, il importe que ces derniers disposent de la meilleure information possible sur les conditions d’exécution du contrat. Tel est notamment l’objet de cet article. Le Sénat a souhaité, en cette matière comme dans de nombreuses autres, conférer aux parties le soin de définir les modalités concrètes de l’information donnée par le fiduciaire. Par voie de conséquence, c’est le contrat de fiducie qui déterminera la manière dont le constituant est tenu avisé de sa bonne exécution. Sur le fond, le rapporteur ne peut qu’être satisfait qu’une large place soit laissée aux parties. Pour autant, il aurait peut-être été sage de prévoir une régularité minimale (d’un an par exemple) à l’obligation pour le fiduciaire de rendre des comptes, ce qui n’a pas été le cas. Les modalités d’information du bénéficiaire et du tiersprotecteur diffèrent [cependant] sensiblement de celles du constituant. L’information ne peut ainsi être réalisée qu’à leur demande, selon une périodicité fixée cette fois-ci par le contrat. La motivation avancée par la commission des lois du Sénat pour l’adoption de cette disposition réside dans les coûts et la lourdeur procédurale, pour le fiduciaire, d’un alignement sur le régime du constituant dans l’hypothèse d’un très grand nombre de bénéficiaires. Aucun plafond n’est en effet fixé par la loi, de sorte qu’on pourrait tout à fait concevoir une fiducie dont le constituant serait une société et les bénéficiaires l’ensemble de ses associés, soit un nombre potentiel de personnes pouvant dépasser plusieurs milliers d’individus. Dans un tel cas de figure, en effet, une information par trop systématique de chacun des bénéficiaires pourrait pénaliser le fiduciaire [...]. Il semble quelque peu surprenant que l’information du tiers-protecteur relève des mêmes modalités que celle des bénéficiaires. L’argument du nombre et de la charge que cela représenterait pour le fiduciaire est, en l’occurrence, irrecevable, puisque ce tiers est une seule personne. De surcroît, dans la mesure où il est chargé de veiller au respect des intérêts du constituant et qu’il 39. C. civ., art. 2022 : « Le contrat de fiducie définit les conditions dans lesquelles le fiduciaire rend compte de sa mission au constituant. Toutefois, lorsque pendant l’exécution du contrat le constituant fait l’objet d’une mesure de tutelle, le fiduciaire rend compte de sa mission au tuteur à la demande de ce dernier au moins une fois par an, sans préjudice de la périodicité fixée par le contrat. Lorsque pendant l’exécution du contrat le constituant fait l’objet d’une mesure de curatelle, le fiduciaire rend compte de sa mission, dans les mêmes conditions, au constituant et à son curateur. Le fiduciaire rend compte de sa mission au bénéficiaire et au tiers désigné en application de l’article 2017, à leur demande, selon la périodicité fixée par le contrat. » 40. Rapp. Sénat n° 11, 11 oct. 2006, au nomde la commission des lois du Sénat, par M. Henri de Richemont, Examen des articles, article 2021 nouveau du Code civil. 41. Rapp. Sénat n° 11, 11 oct. 2006, au nomde la commission des lois du Sénat, par M. Henri de Richemont, Examen des articles, article 2021 nouveau du Code civil : « Votre commission juge que les modalités d’application d’une telle obligation doivent pouvoir être définies librement par les parties. Aussi vous propose-t-elle que le contrat de fiducie détermine lui-même les conditions dans lesquelles le fiduciaire doit rendre compte de sa mission au constituant. En outre, dès lors que le contrat de fiducie peut comporter, le cas échéant, un grand nombre de bénéficiaires, votre commission vous propose que cette information ne soit fournie par le fiduciaire au bénéficiaire qu’à la demande de ce dernier, et selon la périodicité qui serait fixée par le contrat. Dans la mesure où certains contrats de fiducie pourraient désigner plusieurs centaines ou plusieurs milliers de personnes comme bénéficiaires, il serait contraignant et coûteux d’imposer au fiduciaire un compte rendu périodique alors même que le bénéficiaire ne le requiert pas expressément. Tirant les conséquences de la possibilité expressément donnée d’instituer un « protecteur de la fiducie », votre commission vous propose également de permettre à ce dernier d’être rendu directement destinataire, dans les mêmes conditions que le bénéficiaire, des comptes-rendus d’exercice de la mission du fiduciaire. » 42. M. Clermon et H. Brothier, Le tiers protecteur : Actes prat. strat. patimoniale 2018, n° 1, dossier 7, p. 39. 43. Sur la question du remplacement du tiers-protecteur en cas de contradiction d’intérêts et d’opinion entre le tiers-protecteur et le constituant, V. ci-après. 28 ©LEXISNEXISSA - ACTESPRATIQUES&STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 2 - AVRIL-MAI-JUIN 2022 Dossier
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