16 - Relation triangulaire clarifiée. – Si l’objectif poursuivi, s’agissant de l’article 12 du projet modifiant le Code civil « prévoyant, d’une part, l’information du fiduciaire par le constituant en cas de désignation d’un tiers en application de l’article 2017 et, d’autre part, l’enregistrement de cette désignation »29, tend uniquement à« rationaliser et renforcer la cohérence de notre dispositif national de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) »30, il n’en demeure pas moins que l’obligation nouvelle ainsi créée vient préciser et régir avec davantage encore de clarté les relations triangulaires unissant constituant, fiduciaire et tiers-protecteur 31. C. - L’intervention à l’acte du tiers-protecteur lors de la signature de la convention de fiducie 17 - Agrément facultatif du fiduciaire. – Pour autant, et en premier lieu, le constituant pourra assurément librement consentir à soumettre à l’agrément du fiduciaire le choix du tiersprotecteur normalement désigné par lui seul en vertu de la loi et renoncer à la prérogative qu’il tire des dispositions précitées du premier alinéa de l’article 2017 du Code civil. Par ailleurs, et sans même entendre soumettre le choix du tiers-protecteur à l’agrément du fiduciaire, le constituant pourra vouloir en mentionner l’existence au contrat, cette mention écartant de façon définitive tout contentieux possible relatif à l’opposabilité au fiduciaire de la désignation de ce tiers-protecteur. Dans cette hypothèse, l’obligation de notification prévue au troisième alinéa de l’article 2017 du Code civil 32devient sans objet, étant d’elle-même satisfaite par l’intervention au contrat du tiers-protecteur. 18 - Notification du contrat. –En second lieu, et alors même que la possibilité d’une désignation unilatérale distincte du contrat de fiducie, ainsi qu’il a été dit, découle des dispositions légales susvisées, le contenu de la mission du tiers-protecteur paraît non seulement pouvoir, mais aussi devoir malgré tout être clairement précisé au contrat, alors même que le tiers-protecteur n’est pas partie au contrat, mais intervenant à l’acte. Une totale transparence et un risque minimal de contentieux en résulteront ainsi s’agissant du rôle du tiers-protecteur et de l’étendue de ses pouvoirs à l’égard du fiduciaire, les pouvoirs du tiers-protecteur pouvant être très étendus. 19 - Opposabilité de ses larges prérogatives. –La doctrine opte en effet de façon pertinente et argumentée en faveur de l’interprétation de« très larges pouvoirs »33résultant des dispositions de l’article 2017 du Code civil. La jurisprudence, plus que maigre enmatière de contrat de fiducie, souligne bien l’existence de ces larges pouvoirs, rappelant que « le trustee dispose de larges pouvoirs de gestion des biens qui lui ont été confiés »34. À juste titre : le tiers-protecteur ayant pour charge de« s’assurer de la préservation des intérêts du constituant dans le cadre de l’exécution du contrat »et pouvant « disposer des pouvoirs que la loi accorde au constituant », la rédaction de ces dispositions du premier alinéa de l’article 2017 du Code civil peut être regardée, en elle-même et à elle seule, compte tenu de son caractère très général, comme rendant possibles tous actes (bien sûr conformes au droit positif et non contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs !) et toutes actions (y compris contentieuses), de nature à garantir la préservation des intérêts du constituant, et cela, sans même qu’il soit besoin de décrire et de déterminer a priori au contrat la nature exacte de ces actes et actions. 20 - Préservation des intérêts du constituant. –Le seul fait que le tiers-protecteur agisse afin de préserver les intérêts du constituant lui conférerait ainsi un intérêt lui donnant nécessairement qualité pour agir, notamment devant les tribunaux, et pour accomplir tous actes de contrôle requis par sa fonction sans nécessité d’une énumération préalable au contrat des moyens par lesquels il exerce ce contrôle. Une telle interprétation pourrait d’autant plus prospérer que le même article 2017 du Code civil, après avoir défini le but de la mission assignée au tiersprotecteur (« s’assurer de la préservation des intérêts du constituant dans le cadre de l’exécution du contrat »), lui en reconnaît la plénitude desmoyenspropres à la mener à bien, en prévoyant qu’il « peut disposer des pouvoirs que la loi accorde au constituant ». Ces pouvoirs allant jusqu’à la révocation du contrat de fiducie tant qu’il n’a pas été accepté par le bénéficiaire(C. civ., art. 2028), c’est dès lors à bon droit que la doctrine, après avoir relevé les « très larges pouvoirs »sus-évoqués dont bénéficie le tiers-protecteur, a souligné la « quasi absolue liberté contractuelle »35 des parties en la matière pour délimiter le périmètre des fonctions du tiers-protecteur. 21 - Un contrôle à définir contractuellement. –Une incertitude peut cependant être relevée s’agissant de la portée exacte à donner à la rédaction de l’article 2017 du Code civil, non pas quant à l’étendue des pouvoirs du tiers-protecteur, mais quant à la nécessité, voire à l’obligation faite aux parties de définir au contrat les moyens de contrôle dont dispose le tiers-protecteur. En d’autres termes, si la rédaction de l’article 2017 peut être regardée comme donnant au tiers-protecteur, dès lors qu’il agirait dans le seul but de« s’assurer de la préservation des intérêts du constituant dans le cadre de l’exécution du contrat », un véritable blanc-seing l’autorisant à tous actes et toutes actions possibles pourvu qu’ils n’encourent pas la sanction de l’illégalité, cette même rédaction ne peut-elle être regardée inversement, compte tenu de la généralité du but poursuivi, comme imposant de délimiter contractuellement et précisément l’exacte nature et l’exacte étendue des pouvoirs du tiers-protecteur, celui-ci ne pouvant être regardé comme susceptible, par le seul effet de la loi, de recourir à tous les moyens possibles dans l’exercice de son contrôle. 22 - Objectif-cible. –Ainsi, la rédaction de la mission du tiersprotecteur définie au premier alinéa de l’article 2017 du Code civil (« s’assurer de la préservation »des intérêts du constituant « dans le cadre de l’exécution du contrat ») peut en effet s’analyser comme la définition d’un unique objectif-cible nécessitant la définition contractualisée entre le constituant et le fiduciaire des moyens par lesquels ce contrôle devra s’exercer. bénéficiaires effectifs des personnes morales, introduction d’un mécanisme de signalement des informations incohérentes contenues dans les registres par les entités assujetties) [...]. » 29. Rapp. au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : JO 13 févr. 2020, texte n° 11. 30. Rapp. au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : JO 13 févr. 2020, texte n° 11. 31. À noter qu’en vertu du dernier alinéa de l’article 2019 du Code civil issu de l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020, « la désignation d’un tiers en application de l’article 2017 et l’information sur l’identité du ou des bénéficiaires effectifs de la fiducie mentionnés à l’article L. 561-2-2 du code monétaire et financier doivent également, à peine de nullité, donner lieu à un acte écrit établi par le fiduciaire et enregistré dans les mêmes conditions ». 32. Dispositions issues de l’article 12 deOrd. n° 2020-115, 12 févr. 2020, renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : JO 13 févr. 2020, texte n° 12. 33. M. Clermon et H. Brothier, Le tiers protecteur : Actes prat. strat. patimoniale 2018, n° 1, dossier 7, p. 38. 34. Cass. com., 6 nov. 2019, n° 17-26.985 : JurisData n° 2019-020707 ; Dr. famille 2020, comm. 29, note M. Nicod. 35. M. Clermon et H. Brothier, Le tiers protecteur : Actes prat. strat. patimoniale 2018, n° 1, dossier 7, p. 38. 26 ©LEXISNEXISSA - ACTESPRATIQUES&STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 2 - AVRIL-MAI-JUIN 2022 Dossier
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