Actes pratiques et strategie patrimoniale

duelles. –Dans le cadre de libéralités graduelles, l’obligation de constituer une fiducie garantit au donateur un transfert de propriété des biens ou droits vers un patrimoine fiduciaire, ayant une triple finalité : ‰garantir la consistance des actifs transmis : comme évoqué précédemment, si la propriété d’actifs immobiliers ne pose pas de difficulté, il en va tout autrement en présence de biens incorporels ou meubles tels que des tableaux. Le fiduciaire aura pour mission de conserver ces actifs, et ce faisant remplira une fonction d’inventaire et de gardien du patrimoine fiduciaire ; ‰garantir la valorisation des actifs transmis : la mission du fiduciaire ne se bornera pas à veiller au non-périssement des actifs ou à leur sauvegardea minima(telle que la souscription d’une assurance, outre, pour l’avocat fiduciaire, une garantie de représentation au profit de qui il appartiendra) ; bien au contraire, il pourra veiller à leur mise en valeur au travers d’expositions, par exemple s’agissant de toiles ou de statues. Même en présence d’actifs immobiliers, le fiduciaire pourra avoir pour mission de les administrer au mieux des intérêts du premier gratifié constituant et, in fine, des donataires successifs ; ‰garantir la délivrance des actifs au profit du gratifié en second : au décès du premier donataire, la mission du fiduciaire prendra fin par l’accomplissement des formalités de transfert de propriété au profit du bénéficiaire de la fiducie, donataire de second rang, lequel pourrait lui-même avoir la charge d’apporter en fiducie, voire de voir le fiduciaire exécuter lui-même cette nouvelle charge en conservant le bien en fiducie par la novation de constituant. Il pourra ainsi régulariser les attestations de propriété pour assurer la mutation des biens immobiliers, procéder aux notifications auprès des établissements financiers, signer tout ordre de mouvement ou faire procéder à la mise à jour des statuts, et effectuer une remise matérielle des meubles. La fiducie-sûreté constitue ainsi le parfait support pour une transmission d’actifs sensibles, tout en assurant l’exécution de la charge de conservation et de délivrance des biens au donataire de second rang. De même, dans les libéralités résiduelles, l’obligation de restitution du simple reliquat n’implique pas nécessairement une consommation intégrale des biens reçus, encore moins si conventionnellement, les parties sont convenues d’une subrogation. La fiducie-sûreté apparaît alors comme le support dédié pour assurer la traçabilité des actifs subrogés et la restitution au gratifié de second rang. La gestion des biens donnés permettra de déterminer le périmètre d’exécution de la seconde donation avec suivi des flux et exécution de la seconde donation. Comme pour les libéralités graduelles, lors du décès du premier gratifié, le fiduciaire s’assurera de l’exécution de la donation et du transfert de propriété des biens au profit du donatairede residuo. 21 - Garantir une charge d’adhésion : la fiducie au service des pactes d’actionnaires. –Dans le cadre de transmissions patrimoniales portant sur des titres sociaux, tant le donateur que ses associés/actionnaires doivent avoir l’assurance de la stricte observation des engagements souscrits ; le recours à la fiducie permet alors de garantir la parfaite efficacité des pactes d’actionnaires. Prenons l’exemple d’un dirigeant de société engagé dans un processus de cession à plus ou moins court terme et souhaitant transmettre préalablement une partie de sa participation à ses enfants. La libéralité consentie à charge de mise en fiducie par les donataires permettra d’assurer au dirigeant qu’aucun de ses enfants ne viendra perturber le processus de cession envisagé. La mission confiée au fiduciaire consistera à exécuter purement et simplement les dispositions du pacte d’actionnaires, conformément aux accords convenus entre les signataires, sans marge d’appréciation, évitant ainsi toute immixtion de donataires qui, pour quelques raisons, s’opposeraient lemoment venu à la mise en œuvre d’une clause dedrag along. Les obligations de payer sont susceptibles de bénéficier d’une protection identique grâce à la fiducie. 2° Fiducie et obligation de payer 22 - Dans le cas où l’exécution de la charge constitue une obligation de payer, par exemple le versement d’une rente, le recours à la fiducie permet d’adjoindre les avantages de la fiducie à l’efficacité d’une sûreté classique. L’objectif sera ici d’anticiper un éventuel manque de diligence des donataires et de rassurer le donateur. Si la charge est correctement exécutée, les biens seront, à terme, restitués au constituant. À l’inverse, en cas de défaillance du constituant, débiteur de l’obligation d’exécuter la charge, la sûreté se réalisera et le bénéficiaire de la fiducie conservera la propriété des biens 20. In fine, la propriété fiduciaire se transformera en propriété ordinaire21. 23 - Garantir une obligation de paiement : la fiducie au service du paiement d’une rente. –Face à des parents désireux de transmettre leur patrimoine tout en veillant à ne pas se retrouver complètement démunis, la donation22à charge de rente et d’apport des biens en fiducie présente certains intérêts. En l’espèce, la libéralité est assortie de l’engagement des enfants de servir une rente sur la tête des deux parents, à compter par exemple de leur soixante-dixième année, sanctionnée par l’action révocatoire de la donation. Le service de la rente sera garanti par le transfert immédiat des actifs en fiducie-sûreté par les enfants constituants, au profit des parents bénéficiaires. En cas de défaut (non-paiement de la rente), la fiducie sera réalisée par remise desdits biens aux parents bénéficiaires. Par ailleurs, les donateurs s’assurent ainsi une inaliénabilité et une insaisissabilité des biens donnés leur vie durant. La fiducie présente en plus l’avantage de permettre une occupation des biens donnés : par les parents au moyen d’une location octroyée par le fiduciaire (et dont les revenus reviendront aux enfants constituants à terme), ou à titre gratuit par les enfants constituants. La question pourrait se poser de la proportionnalité de la sûreté par rapport à l’enjeu de la rente, encore que la sûreté puisse avoir ici pour principal effet la crainte que suscite l’éventualité d’une révocation par le donateur : il n’aurait pas gratifié si le donataire ne s’était pas engagé sur le principe même de cette rente en quasi alimentaire. 24 - Garantir une obligation de paiement : la fiducie au service de la créance de restitution en présence d’un quasi-usufruit. – Le schéma patrimonial est le suivant : un ascendant réalise une donation de l’usufruit sous la forme d’un quasiusufruit au profit de son enfant, et de la nue-propriété au profit de son petit-fils. Compte tenu des tranches de vie respectives des parties, le donateur souhaite anticiper le règlement de sa succession, l’enfant usufruitier souhaite pouvoir jouir et disposer de tout ou partie des biens 23et de leurs revenus en toute autonomie, le petit-enfant n’est pas en âge d’appréhender immédiatement et pleinement des biens de cette nature. Pour autant, il convient dès à présent de protéger le nu-propriétaire et de lui garantir le paiement de cette créance à terme. Mais encore faut-il être enmesure de déterminer l’assiette de l’obligation de restitution en valeur ou en nature pesant sur le quasi-usufruitier. 20. Articles 2372-3 du Code civil pour les fiducies portant sur des meubles et 2488-3 pour les fiducies portant sur des immeubles. 21. J.-B. Seube, Droit des sûretés : Dalloz, 10e éd., 2020, n° 750, p. 521. 22. La donation pouvant porter sur du numéraire, des parts sociales ou des immeubles. 23. Le recours à la fiducie permet de renforcer la sincérité de l’opération sur le plan fiscal, évitant ainsi le risque de requalification en donation fictive par l’administration fiscale. 17 ACTESPRATIQUES&STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 2 - AVRIL-MAI-JUIN 2022 - ©LEXISNEXISSA Dossier

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