Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniales

27 - Tout d'abord, la donation-partage transgénérationnelle donne lieu au paiement du droit de partage sur les actifs incorporés, son assiette correspondant à celle qui aurait été retenue pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit. Dans la mesure où l'article 776 A du CGI prévoit que doit être prise en compte« la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation », il pourrait être considéré que le droit de partage s'assimilerait à un « droit de mutation » pour les besoins de l'application de ce texte. Le droit de partage est en effet assis sur la valeur vénale des biens au jour de la donation-partage, de sorte que la plus-value latente incluse dans l'actif partagé est taxée au droit d'enregistrement. Conformément au principe habituel selon lequel le paiement préalable des droits d'enregistrement « chasse » l'imposition des plus-values, il paraîtrait logique d'admettre, dans le respect de l'adage « non bis in idem», que l'incorporation consolide la plus-value afin que le contribuable ne soit pas taxé deux fois pour un même gain. La revalorisation du prix de revient entre les mains de l'attributairecédant semble justifiée lorsqu'il n'était pas propriétaire du bien avant la donation-partage, qu'elle soit transgénérationnelle ou non. En effet, admettre l'inverse reviendrait à faire supporter au cédant l'impôt sur une plus-value latente qui s'est constituée alors qu'il n'était pas encore propriétaire des titres. 28 - Dans le domaine des plus-values immobilières, l'administration fiscale précise la date d'acquisition à retenir pour la durée de détention au titre du calcul de l'impôt en cas d'incorporation d'une donation antérieure dans une donation-partage. Ainsi, elle distingue deux hypothèses 21 : ‰ l'incorporation s'exprime par un rapport en nature de la donation antérieure, deux alternatives se présentant alors : - ou le bien est attribué au donataire initial et la date d'acquisition est celle de la donation antérieure ; - ou le bien ne retombe pas dans l'escarcelle du donataire initial, et la date d'acquisition est celle de la donationpartage ; ‰ si l'incorporation est effectuée par un rapport en moins prenant (en conséquence sans changement d'attributaire), la date d'acquisition est celle de la donation initiale. 29 - Bien que la doctrine civiliste majoritaire n'assimile pas l'incorporation à un rapport, le droit fiscal applique en l'espèce un raisonnement apari inspiré de sa doctrine publiée au titre des rapports successoraux22. Lorsque le bien immobilier reçu en avancement de part successorale est ultérieurement cédé, la doctrine administrative estime que : ‰au titre d'un rapport en nature, l'acceptation de la succession par le donataire vaut en principe résolution de la donation (à moins que le partage de la succession ne fasse tomber l’immeuble dans le lot du donataire). Dans ce cas, le bien rapporté à la succession doit être retenu pour sa valeur à la date d'ouverture de la succession ; ‰au titre d'un rapport en valeur, lorsque le bien rapporté reste le lot du donataire à la suite du partage de la succession, le bien doit être retenu pour sa valeur à la date d'acquisition originelle, à savoir celle de la donation. 30 - À titre de synthèse, quelle que soit la nature mobilière ou immobilière des biens, l'incorporation d'une donation antérieure à une donation-partage ordinaire ou transgénérationnelle, pourvu qu'il y ait changement d'attributaire, opérerait au regard de l'administration fiscale une résolution conventionnelle de la donation antérieure. Le prix de revient à prendre en compte pour le calcul de la plus-value de cession du bien incorporé serait alors égal à la valeur du bien retenue lors de la nouvelle donation-partage pour le calcul du droit de partage. À défaut de position expresse de l'administration fiscale, il convient d'être prudent et de mesurer le risque fiscal au cas par cas, tout en avertissant les clients des incidences d'un éventuel redressement. C. - L'articulation du report d'imposition et de la donation-partage 1° Rappel des principes 31 - L'anticipation d'une cession d'entreprise repose souvent sur l'apport préalable des titres à une société holding. Afin de favoriser la restructuration d'activités, le législateur a mis en place des différés d'imposition. Pour mémoire, le régime du sursis d’imposition s’applique de plein droit aux plus-values et moins-values résultant de certaines opérations d’échange, réalisées depuis le 1er janvier 2000, portant sur des valeurs mobilières ou des droits sociaux visés à l’article 150-0 A du CGI. La plusvalue en sursis est définitivement exonérée d’impôt sur le revenu en cas de transmission à titre gratuit des titres reçus en échange. Un régime différencié s'applique aux plus-values d’apport de titres réalisées depuis le 14 novembre 2012 par une personne physique, soit directement, soit par l’intermédiaire de sociétés ou groupements soumis au régime des sociétés de personnes visées à l’article 8 du CGI, au profit d’une société imposée à l’impôt sur les sociétés et contrôlée par l’apporteur. Ces plusvalues sont placées de plein droit sous un régime de report d’imposition(CGI, art. 150-0 B ter). La plus-value doit être déterminée et déclarée sur la déclaration n° 2074-I annexée à la déclaration n° 2074 souscrite au titre de l’année au cours de laquelle l’opération d’apport est intervenue, puis chaque année dans le cadre du suivi. 32 - En cas de donation des titres de la société bénéficiaire de l’apport au profit d’un donataire qui contrôle la société, la plusvalue sera imposée à son nom : ‰en cas de cession, apport, remboursement ou annulation des titres qu’il a reçus, dans un délai de 5 ans (18 mois pour les transmissions réalisées jusqu'au 31 décembre 2019) à compter de leur transmission(CGI, art. 150-0 B ter, II, 1). Ce nouveau délai de conservation applicable aux titres reçus par donation et don manuel réalisés à compter du 1er janvier 2020 est porté à 10 ans en cas de réinvestissement dans une structure de capital-risque ; ‰ en cas de cession par la société bénéficiaire de l’apport, de rachat, de remboursement ou d’annulation des titres apportés si cet événement intervient dans les 3 ans de l’apport (sauf réinvestissement, sous conditions) ; ‰ ou s’il transfère son domicile fiscal hors de France. 33 - En contrepartie, la donation exonère définitivement le donateur de l'impôt, au titre de la plus-value placée en report mais ne la consolide pas de plein droit, cette dernière étant transférée sur la tête du donataire. La plus-value imposable du chef du donataire doit être recalculée afin de tenir compte des frais afférents à l’acquisition à titre gratuit (droits de mutation, émoluments notariés, frais d’actes et de déclaration, etc.), étant précisé que ces frais sont imputés sur le montant de la plus-value en report. La seule perspective de cet impôt en germe ne saurait enfin constituer une source de minoration des droits de mutation à titre gratuit. D'une part, la plus-value en report d'imposition n'impacte pas au jour de la donation la valeur vénale des titres transmis et ne constitue pas plus une charge admise en déduction au titre des droits de mutation à titre gratuit (CGI, art. 776). D'autre part, le CGI définit restrictivement les hypothèses de restitution des droits de mutation à titre gratuit indûment acquit21. BOI-RFPI-PVI-20-20, 18 juill. 2023, § 40. 22. BOI-RFPI-PVI-20-10-20-10, 12 sept. 2012. 54 © LEXISNEXISSA - ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 Dossier

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