aient été financés par le nu-propriétaire ou l'usufruitier ? Par un arrêt du 11 mai 2017, le Conseil d'État a jugé, dans l'hypothèse d'un remploi, que l'ensemble des frais et taxes ayant grevé l'acquisition, exposés tant par le nu-propriétaire que par l'usufruitier, peuvent être retenus par le nu-propriétaire8. 10 - La question est plus délicate s'agissant de la cession conjointe de l'usufruit et de la nue-propriété assortie d'un quasiusufruit sur le prix de cession. Tout d'abord, cette dérogation aux dispositions de l'article 621 du Code civil suppose nécessairement une convention entre le nu-propriétaire et l'usufruitier 9. Par précaution, il est conseillé que cette convention soit expresse et ait date certaine avant la cession. À notre connaissance, cette question n'a été tranchée ni par la jurisprudence ni par la doctrine administrative. Les auteurs semblent cependant unanimes pour considérer que la solution rendue en 2017 devrait, par analogie, être retenue en présence d'un quasiusufruit, permettant alors au quasi-usufruitier de majorer le prix de revient des frais supportés par le nu-propriétaire lors de l'acquisition. En effet, un traitement différencié dans la détermination du prix d'acquisition ne se justifierait par aucun élément objectif. En raisonnant ainsi le montant de la plus ou moins-value serait toujours le même, seule la personne du redevable varierait en fonction du sort du prix de cession10. 11 - La solution contraire contreviendrait au principe d’égalité devant l’impôt retenu à l’origine par le Conseil d’État 11etdepuis consacré constitutionnellement. Dans une telle perspective, l’égalité devant l’imposition découle en effet de l’application identique de la norme fiscale à deux contribuables placés dans la même situation. 2° La détermination de la dette successorale de restitution du quasi-usufruitier à la suite de son imposition au titre de la plus-value sur cession de droits sociaux et valeurs mobilières 12 - Le quasi-usufruit, qu'il soit d'origine légale ou conventionnelle, mute le droit réel du nu-propriétaire en un droit personnel qualifié de créance de restitution. Lorsque l'objet du démembrement est une part sociale ou une valeur mobilière, sa cession entre par principe dans le champ d'application de l'impôt de plus-values mobilières, lequel incombe au quasi-usufruitier. En pratique, quel montant de créance de restitution doit-il être retenu pour le nu-propriétaire en cas de cession des titres démembrés par le quasi-usufruitier ? Si nul ne doute que le recouvrement successoral de cette créance de restitution est exempt de droits de succession, son assiette d'origine est-elle déterminée brute ou nette de taxation de plus-value ? 13 - Si la réponse peut paraître délicate, ses incidences pratiques sont indéniables. L'analyse civiliste vient compléter utilement les dispositions du droit fiscal. D'une part, le quasiusufruit de droits sociaux ou de valeurs mobilières est d'origine conventionnelle, de sorte que son assiette est préalablement définie avant toute cession constitutive du fait générateur de la plusvalue taxable. D'autre part, la distinction civile traditionnelle entre obligation et contribution à la dette est inspirante. 14 - L'exégèse de l'instruction du 13 juin 2000 met en exergue des règles de contribution à la dette. Le BOFIP12désigne en effet expressément le quasi-usufruitier comme redevable de l'impôt de plus-value. Acceptons alors que la sémantique fiscale épouse celle civiliste ! Puisque le redevable de l'impôt est aussi qualifié de contribuable, il contribuera à titre définitif à cette imposition, sans recours contre le nu-propriétaire. Si les deniers soumis à son quasi-usufruit ont été employés au paiement de cette dette personnelle, alors le nu-propriétaire pourra exciper à son endroit d'une créance de restitution. Cette règle de détermination du contribuable est source d'ingénierie patrimoniale dédiée à l'optimisation des droits de mutation à titre gratuit : de l'appauvrissement du quasi-usufruitier naît la richesse du nu-propriétaire, exempte de fiscalité successorale ! 3° La plus-value de cession de titres de holding récipiendaire d'apports bénéficiant du report d'imposition de l'article 150-0 B ter 15 - Le régime favorable du dispositif de l'apport-cession(CGI, art. 150-0 B ter) est rappeléinfra13. À titre de synthèse, en cas de contrôle de laholdingpar l'apporteur, l’impôt correspondant au montant de la plus-value constatée sur les titres apportés fait l'objet d'un report jusqu'à la survenance de certains événements ultérieurs. Dans la majeure partie des cas : ‰ intervient en suite de cet apport une donation-partage aux termes de laquelle la plus-value en report est transférée sur la tête du donataire14, à concurrence de la valeur des droits mutés, le tout sous réserve des conditions de contrôle imposées par l'article 150-0 B ter II ; ‰ les titres apportés sont cédés sans attendre l'expiration d'un délai de 3 ans, le prix étant réinvesti dans les 2 ans de la cession a minima à concurrence de 60 %vialaholdingdans le respect des dispositions de l'article 150-0 B ter I d favorisant le maintien du report d'imposition. Si le délai de 3 ans est en revanche respecté, le maintien du report d'imposition est acquis. 16 - Plus rarement les négociations aboutissent à ce que le dirigeant arbitre directement les droits sociaux de sa holding, le report s'achevant alors et la plus-value étant exigée. Si le dirigeant a préalablement transmis la nue-propriété des titres de sa holdingavec reconnaissance d'un quasi-usufruit sur le prix de cession, ce dernier sera redevable de l'impôt de plus-value sur les titres sociaux cédés. Qu'advient-il toutefois de la plus-value initialement en report, dans la mesure où les donataires nus-propriétaires n'appréhendent pas les liquidités de l'opération pour faire face à la déchéance du report d'imposition ? Le quasi-usufruitier peut-il être tenu d'acquitter cette plus-value en report d'imposition ? 17 - Le transfert de cet impôt sur la tête du quasi-usufruitier serait économiquement logique, dans la mesure où seul ce dernier dispose des sommes pour couvrir cette dette fiscale. L'idée est par ailleurs séduisante dans une perspective d'ingénierie patrimoniale. Non seulement cette substitution de contribuable constitue pour les donataires originaires débiteurs un avantage en nature, exempt de droits de mutation à titre gratuit 15, mais cause également un passif dans la future succession du dirigeant qui aurait payé l'imposition au moyen de deniers soumis à son quasi-usufruit. 18 - Si cette question n'est officiellement résolue ni par la doctrine administrative ni par la jurisprudence, un rescrit récent nous permet de faire état de ce que pourrait être la position de 8. CE, 11 mai 2017, n° 402479 : Dr. fisc. 2017, n° 38, comm. 450. 9. Par hypothèse, les droits sociaux n'étant ni fongibles, ni consomptibles, le quasi-usufruit légal de l'article 587 du Code civil n'a pas vocation à s'appliquer, de sorte que la convention des parties est nécessaire. 10. R. Mortier et N. Jullian, Plus-value sur cession de titres : le nu-propriétaire admis à déduire les frais et taxes supportés par l'usufruitier : RFP 2017. 11. CE, sect., 4 févr. 1944, n° 62.929, Guieysse : Lebon, p. 45. 12. BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60, 20 déc. 2019, § 140 : « Dans cette situation, il convient de distinguer selon que le prix de vente des titres est remployé en démembrement auquel cas la plus-value est imposable au nom du nu-propriétaire ou est attribué au seul usufruitier dans le cadre d'un quasiusufruit auquel cas la plus-value est imposable au nom de l'usufruitier. » 13. V. § 31, 32 et 33 de la présente étude. 14. En contrepartie, le donateur en est exonéré. 15. Le paiement de la dette d'autrui constitue en effet une donation indirecte, susceptible d'être imposée aux droits de mutation à titre gratuit. 52 © LEXISNEXISSA - ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 Dossier
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