Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniales

Focus La prise en charge des frais et droits d'acte de donation-partage 1. Rappel du principe légal 1 - Conformément aux dispositions de l'article 1712 du CGI (les droits des actes civils et judiciaires emportant translation de propriété ou d’usufruit de meubles ou immeubles, sont supportés par les nouveaux possesseurs, lorsqu’il n’a pas été stipulé de dispositions contraires dans les actes), le paiement des frais et droits d'un acte de donation-partage incombe en principe au donataire. Toutefois, et par faveur, l'administration fiscale admet que par stipulation contraire dans l'acte de donation-partage, le donateur puisse prendre à sa charge ce paiement, sans que cela ne constitue un supplément de donation taxable. 2 - Le droit fiscal fait ainsi sien la distinction civiliste entre obligation et contribution à la dette : ‰ l’obligation au paiement, c’est-à-dire la détermination des personnes tenues d’acquitter l’impôt contre lesquelles le Trésor peut exercer une action en recouvrement. Cette obligation a été largement étendue, notamment par l’obligation faite aux officiers publics de faire l’avance des droits exigibles sur leurs actes et par l’institution de la solidarité des parties ; ‰ la contribution au paiement, c’est-à-dire la quotité pour laquelle chacun des intéressés doit rester définitivement débiteur de l’impôt. Conseil pratique : Dans la mesure où l'article 1712 édicte un principe légal supplétif d'une part, et que les parties souhaitent y déroger d'autre part, le rédacteur de l'acte doit alors insérer une clause expresse adaptée concernant la prise en charge des frais et droits d'acte. Il est également d'usage de mettre à la charge du donateur les éventuels redressements fiscaux dont pourra faire objet la donation, ainsi que leurs conséquences éventuelles (intérêts et pénalités de retard). En effet, en cas de décès du donateur avant le paiement d'un redressement devenu exigible, les droits et pénalités exigibles constitueront un passif fiscal successoral diminuant l'assiette des droits de succession. 2. Incidences civiles et fiscales de la prise en charge des frais et droits 3 - Sur le plan fiscal, la prise en charge des frais et droits par le donateur n'est pas constitutive d'une donation complémentaire assujettie aux droits de mutation à titre gratuit 32, quand bien même cette substitution dans la contribution à la dette confère à son bénéficiaire un véritable avantage en nature 4 - En revanche, sur le plan civil, cette prise en charge est susceptible d'être qualifiée de libéralité indirecte. La jurisprudence actuelle33 recherche dans ce paiement pour autrui l'intention libérale du donateur, l'élément matériel de la donation résultant de l'appauvrissement du donateur lors de l'acquit effectif des frais. Il appartient à celui qui allègue que la prise en charge des frais et droits par le donateur est constitutive d'une donation indirecte de rapporter la preuve de l'intention libérale. Sans intention libérale, la prise en charge n'est pas constitutive d'une donation rapportable, mais d'une créance détenue par la succession contre le donataire. Cette créance devra être déclarée à l'actif de la succession du donateur. À l'inverse, si l'intention libérale est caractérisée, alors la prise en charge est bel et bien constitutive d'une donation indirecte, rapportable à la succession du donateur (Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale). Rappelons qu'à défaut de stipulation contraire, une libéralité consentie à un héritier réservataire est consentie en avance sur part successorale. Conseil pratique : Lorsque les frais et droits sont pris à sa charge par le donateur, il est conseillé de stipuler que ladite prise en charge constitue elle aussi une libéralité et de mentionner, lorsque les donataires sont des héritiers présomptifs réservataires, le secteur d'imputation de cet avantage. Sans cette précision, la libéralité indirecte au titre de la prise en charge est présumée consentie en avance de part successorale et sera imputable sur la réserve héréditaire du donataire. Envisageons une donation-partage consentie en avance d'hoirie par un parent (A) au profit de ses trois enfants, B, C et D. La donation-partage est égalitaire de sorte que chaque enfant reçoit un lot de valeur identique. Le donateur prend à sa charge la totalité des frais et droits d'acte. A est attributaire, par confusion sur lui-même de l'incorporation d'une donation simple à son profit. Son incorporation relève du droit de partage de 2,5 %. B est attributaire d'un bien bénéficiant du dispositif Dutreil, générant l'exigibilité de droits de mutation à titre gratuit, après exonération partielle de 75 % de la valeur du lot et bénéficiant d'une réduction de droit de 50 % considérant l'âge du donateur. C est attributaire d'une somme d'argent relevant des droits de mutation à titre gratuit après application des abattements des articles 790 G et 771-I du CGI. 32. Rép. min. : JO Sénat 8 oct. 1975, p. 2835, n° 17406, Geoffroy, reprise au BOI-ENR-DG-50-10-20, 27 févr. 2014, § 150 : « Lorsque le donateur prend à sa charge les frais de donation normalement à la charge du donataire sur le fondement du 6° de l’article 1705 du CGI, il n’y a pas lieu d’ajouter le montant de ces frais à la valeur des biens donné. » 33. Cass. 1re civ., 18 janv. 2012, n° 11-12.863 : BPAT 2/12, inf. 106 ; AJ famille 2012, p. 235, obs. E. Buat-Ménard ; RTD civ. 2012, p. 353, obs. M. Grimaldi. 48 © LEXISNEXISSA - ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 Dossier

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