Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniales

parfois à l'incorporation de donations antérieures non révélées à l'administration fiscale. Il peut s'agir de dons manuels non enregistrés, de donations indirectes ou déguisées. Lorsque la donation-partage contient révélation d'une libéralité incorporée, le droit de partage s'efface pour laisser place à la taxation des biens incorporés aux droits de mutation à titre gratuits(CGI,art. 757) 23. Conseil pratique : Envisageons une donation-partage ayant pour objet l'incorporation d'un bien acquis par un enfant au moyen d'un don de somme d'argent non révélé. D'un point de vue fiscal, les droits de mutation à titre gratuit sont exigibles sur la valeur nominale de la somme d'argent donnée (CGI, art. 787). D'un point de vue civil, l'incorporation a pour objet le bien acquis au moyen des fonds initialement donnés, par l'effet de la subrogation réelle, selon sa valeur au jour de l'incorporation. Il existe alors une dichotomie de valeurs fiscale et civile. 2° Incorporation à une donation-partage transgénérationnelle 27 - Le législateur tire les conséquences fiscales des donationspartages transgénérationnelles aux termes de l'article 776 A du CGI 24. Il en résulte un principe de soumission au droit de partage et à titre d'exception, l'application des droits de mutation à titre gratuit 25. a) Principe : assujettissement au droit de partage 28 - Lorsque la donation-partage transgénérationnelle constate l'incorporation d'un bien initialement donné26 (ou d'un bien subrogé à la donation d'origine27) il y a plus de 15 ans et sa réattribution à un descendant du premier donataire, seul le droit de partage de 2,5 % est exigible sur la valeur des biens incorporés, appréciée à la date de ladite réincorporation28. b) Exception : assujettissement aux droits de mutation à titre gratuit 29 - Première exception : incorporation en ligne directe d'une donation consentie il y a moins de 15 ans. –Lorsque la donationpartage initiale au profit des présomptifs héritiers de même degré a été effectuée depuis moins de 15 ans avant la donation-partage transgénérationnelle, la réattribution du bien initialement donné à un descendant du premier donataire est soumise aux droits de mutation à titre gratuit, aux conditions applicables entre l'ascendant donateur et le descendant alloti. Dans cette hypothèse, les droits acquittés lors de la première donation sont imputables sur les droits dus à raison du même bien, dans le cadre de la donation-partage transgénérationnelle. Dans l'hypothèse où la donation-partage initiale portait également sur d'autres biens conservés par le premier donataire, le calcul des droits à imputer s'effectuera en considérant les biens objets de l'incorporation comme ayant été, lors de la première donation, inclus dans les tranches les plus élevées de l'actif imposable29. Cette disposition est favorable aux administrés en ce qu'elle permet de maximiser l'imputation des droits de mutation précédemment acquittés. 30 - Seconde exception : incorporation et réattribution à une autre souche. – La donation-partage transgénérationnelle comportant une incorporation puis sa réattribution en ligne collatérale ne semblerait pas pouvoir bénéficier du droit de partage. En effet, s'agissant d'un régime d'exception, les dispositions de l'article 776 A du CGI devraient être d'interprétation stricte, mais la doctrine émet toutefois quelques doutes à cet égard30. Cet article ouvre le régime de faveur exclusivement en cas d'attribution du bien incorporé aux descendants du donataire originaire incorporant. L'incorporation suivie d'une attribution aux descendants d'une autre souche que celle du donataire incorporant est alors assujettie aux droits de mutation à titre gratuit. 31 - À ce titre, la doctrine majoritaire31considère que la réattribution du bien donné à un descendant issu d'une autre souche se trouverait soumise aux droits de mutation à titre gratuit entre grands-parents et petits-enfants en application des dispositions de l'article 784 B du CGI, et non à une taxation en ligne collatérale à 55 % des transmissions entre oncles ou tantes incorporant et neveux ou nièces attributaires. 32 - Une incertitude demeure s'agissant de l'imputation des droits acquittés en ligne descendante qui, au regard des dispositions dudit article 776 A, ne semble pas admise dans cette configuration. Selon l'adage « non bis in idem », l'imputation devrait être permise. Mais l'administration fiscale pourrait la contester. Il y a fort à croire que le droit de partage serait dû sur la totalité des biens incorporés par tous les donataires de la donationpartage transgénérationnelle initiale. Seul un rescrit fiscal permettrait de sécuriser l'opération.ê 23. Au sujet de l'exigibilité des droits de mutation à titre gratuit des dons manuels révélés au sein d'un acte ultérieur. 24. CGI, art. 776 A : conformément à l’article 1078-3 du Code civil, les conventions prévues par les articles 1078-1 et 1078-2 du même code ne sont pas soumises aux droits de mutation à titre gratuit. Le premier alinéa s’applique au bien réincorporé dans une donation-partage faite à des descendants de degrés différents conformément à une convention conclue en application de l’article 1078-7 du même code, y compris lorsque ce bien est réattribué à un descendant du premier donataire lors de la donation-partage. Cette opération est soumise au droit de partage.Par exception au deuxième alinéa, lorsque le bien réincorporé a été transmis par l’ascendant donateur à son enfant par une donation intervenue moins de quinze ans avant la donationpartage et qu’il est réattribué à un descendant du donataire initial, les droits de mutation à titre gratuit sont dus en fonction du lien de parenté entre l’ascendant donateur et son petit-enfant alloti. Dans ce cas, les droits acquittés lors de la première donation à raison du bien réincorporé sont imputés sur les droits dus à raison du même bien lors de la donation-partage. 25. Ces dispositions s’appliquent s’agissant du principe de l’application du droit de partage aux donations-partages transgénérationnelles avec changement d’attributaire des biens initialement donnés, à celles consenties depuis le 1er janvier 2007 ; et s’agissant de l’exception tenant à l’application aux biens réincorporés issus de donations de moins de quinze ans à la date de la donation transgénérationnelle des droits de mutation à titre gratuit avec imputation des droits de mutation à titre gratuit initialement payés, aux donationspartages transgénérationnelles consenties depuis le 15 décembre 2010. 26. V. supra Partie 2 : Mécanisme de l'incorporation. 27. BOI-ENR-DMTG-20-20-10, 12 sept. 2012, § 180. 28. BOI-ENR-DMTG-20-20-10, 12 sept. 2012, § 180. 29. BOI-ENR-DMTG-20-20-10, 12 sept. 2012, § 180. En cas d'excédent de perception, les droits non imputables ne sont pas remboursés, dès lors qu'ils ont été régulièrement perçus. Le BOFIP énonce que seules les donationspartages régulièrement soumises aux droits de mutation à titre gratuit peuvent bénéficier de cette disposition. Il en irait autrement dans l'hypothèse d'une donation antérieure qui aurait été déguisée ou indirecte, ou encore dans l'hypothèse d'un don manuel. 30. V. F. Sauvage, Aperçu du nouveau régime fiscal de l’incorporation à une donation-partage : Bull. Cridon Paris, 1er déc. 2010, n° 23, p. 6. – F. Fruleux, art. préc. n° 87, et 34. – R. Gentilhomme : Vive la réincorporation à la masse d’une donation-partage transgénérationnelle : Defrénois 2001, art. 39192. – A. Chappert, Exploration fiscale de la transmission de biens entre collatéraux lors d’une donation-partage transgénérationnelle : Defrénois 2011, art. 39232. 31. JCl. Ingénierie du patrimoine, fasc.1170, Libéralités – Donation-partage transgénérationnelle, 1er août 2021, par Fr. Fruleux. 47 ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXISSA Dossier

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=