Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniales

déduction de la dette qui en découle. À défaut, l'administration fiscale pourrait considérer la dette comme fictive puisque la donation l'est elle-même, l'usufruitier s'étant réapproprié les biens donnés sans déroger à l'article 621 du Code civil. Afin de purger cette difficultéabinitio, il pourrait être envisagé de prévoir directement dans l'acte de donation-partage, l'hypothèse d'une cession, laquelle emporterait automatiquement constitution d'un quasi-usufruit ultérieur. Exemple : « Dans l’hypothèse où les biens objet des présentes viendraient à faire l’objet d’une cession totale ou partielle, les donataires consentent à titre de condition déterminante de la présente donation, à ce que l’usufruitier puisse, sur sa seule demande, bénéficier d’un quasiusufruit sur le produit de cette opération, conformément à l’article 587 du Code civil, à peine de révocation des présentes. » B. - Optimisation juridique 8 - Au-delà d'une optimisation fiscale, le démembrement constitué aux termes d'une donation-partage pourra permettre d'adoucir la transmission en prévoyant une certaine rétention des prérogatives au bénéfice des donateurs. Donner la nue-propriété avec réserve d'usufruit permet au donateur d'anticiper la transmission de ses biens tout en conservant le pouvoir de décision, aux fins d'assurer la pérennité d'un patrimoine ou d'une entreprise familiale. 9 - La cession du bien démembré. –La règle est la suivante : l’usufruitier et le nu-propriétaire devront nécessairement donner leur accord conjoint afin que le bien soit cédé en pleine propriété. Bien souvent, les parents donateurs souhaiteront se réserver le choix de décider d'une éventuelle cession du bien immobilier donné, particulièrement en présence d'un enfant mineur. La désignation d'un tiers administrateur dans l’acte de donation-partage peut être la solution adéquate, permettant d'éluder le recours au juge dans l'éventualité d'un projet de vente du bien donné. En outre, l'intervention du tiers administrateur au-delà de la majorité de l'enfant concerné (jusqu’au 25e anniversaire par exemple) peut être envisagée par la stipulation d'une charge d'administration à l'acte17. En cas de vente du bien, le nu-propriétaire sera représenté par le tiers administrateur et ne sera pas consulté. Cette solution permet d’anticiper un potentiel refus de vente par le nu-propriétaire, sous réserve que le tiers administrateur agisse de concert avec le donateur. Étant précisé qu'il paraît difficile de désigner comme tiers administrateur, le détenteur de la qualité d'administrateur légal, même si certains auteurs le conçoivent 18. 10 - Hormis le cas spécifique de l'enfant mineur, le recours à une société civile immobilière pourra être conseillé, dans le cadre d'un projet de cession du bien donné, celle-ci permettant aux donateurs de conserver leur libre arbitre. En premier lieu, une obligation d’apport à société à première demande du donateur pourra être stipulée au sein de la donation-partage ; cela permettra, en cas de refus du donataire de céder sa nue-propriété conjointement avec l’usufruitier, d’imposer l’apport à société. Le donataire sera tenu de respecter son obligation d’apport sous peine de se voir révoquer la donation. Une fois en société, les pouvoirs les plus étendus pour le mandataire social ayant été prévus au sein des statuts, l'usufruitier donateur, en sa qualité de gérant pourra décider seul de la vente de l’actif social, sans requérir l’accord des nus-propriétaires. 11 - L'usufruit constitué sur des titres sociaux, qui allie à la fois démembrement et mise en société constitue ainsi l'une des techniques les plus utilisées par les professionnels en matière de gestion du patrimoine. Au-delà d'un aménagement des pouvoirs du gérant en cas de vente, la question de la répartition des prérogatives financières et politiques ne doit pas être négligée. Les techniques de rétention du pouvoir qui sont propres au droit des sociétés se conjuguent aux mécanismes issus du droit civil. Il devient ainsi envisageable de prévoir la rétention de certaines prérogatives au profit de l'usufruitier donateur ; qu'il s'agisse de s'assurer des moyens de subsistances pour l'avenir 19 oude la conservation d'un certain contrôle au sein de la société20.Plus qu'une dissociation, le démembrement de droits sociaux offre un véritable pouvoir de modulation pour les parties, l'aménagement des statuts devra donc recevoir une attention particulière. À ce sujet, les praticiens devront veiller à préciser l'étendue des pouvoirs de l'usufruitier notamment eu égard à la jurisprudence récente, lui déniant toute qualité d'associé21. 12 - Le devenir du prix de cession. –Une fois la question des modalités de cession résolue, se pose celle du devenir du prix qui en est issu. Si le principe est celui de la répartition entre usufruitier et nu-propriétaire, deux autres possibilités restent envisageables : la subrogation réelle du démembrement originellement créé ou encore la constitution d'un quasi-usufruit sur le prix de vente perçu. Même si l'usufruitier donateur n'a pas souhaité outrepasser l'accord du nu-propriétaire pour vendre (via les mécanismes précédemment évoqués), la question du devenir du démembrement peut subsister entre ses mains. À cet effet, une dérogation aux règles prévues à l’article 621 du Code civil peutêtre directement stipulée dans l'acte de donation-partage. Conseil pratique : Les parties peuvent convenir qu'en cas de cession conjointe de l'usufruit et de la nue-propriété, l'usufruit réservé se reportera en vertu des règles de la subrogation réelle conventionnelle sur le prix de vente des biens donnés. Les nus-propriétaires s'interdisant alors, sauf accord exprès de l'usufruitier, à demander la répartition du prix représentatif des biens donnés. La constitution d'un quasi-usufruit pourrait également être le principe dans l'éventualité d'une cession, si telle est la volonté des parties à l'acte22. 2. La liquidation civile de la donationpartage démembrée 13 - Si la donation-partage permet de limiter le risque de réduction des libéralités antérieurement consenties, eu égard au principe de fixité des valeurs 23, le praticien se doit de maîtriser les particularités liquidatives engendrées par un démembrement de propriété. Compte tenu de la nature des biens donnés, comprenant des droits démembrés, des problématiques de valorisation vont surgir lors de la réunion fictive des libéralités et plus précisément, au stade de leur imputation. A. - L'imputation en assiette 14 - La mise en lumière d'une règle traditionnelle. –Dans la configuration la plus fréquente, le défunt aura consenti une 17. Cette charge pourra être justifiée notamment par les difficultés de gestion résultant du patrimoine transmis (ex : titres sociaux). 18. C. Farge et S. Guillaud-Bataille, La désignation d’un tiers administrateur aux biens donnés ou légués à un mineur. État des lieux et perspectives d’évolution : JCP N 2019, n° 16, 1167, p. 33, n° 19. 19. Il s'agira par exemple d'aménager les modalités de distribution des réserves selon la volonté des parties (quasi-usufruit / démembrement ordinaire / distribution en toute propriété au nu-propriétaire). 20. Vianotamment l'aménagement du droit de vote qui bénéficiera en majeure partie, à l'usufruitier (à l'exception des transmissions intervenant dans le cadre du dispositif Dutreil). 21. Cass.3e civ., 16 févr. 2022, n° 20-15.164 : D. 2022, p. 440, note N. Julian ; JCP G 2022, 288, note J. Laurent. 22. V. n° 7. 23. V. supra L'hétérogénéité des méthodes liquidatives : Actes prat. strat. patrimoniale 2023, n° 3, dossier 23. 39 ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXISSA Dossier

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