mécanisme liquidatif dérogatoire17. La première étape de la liquidation consiste tout simplement à vérifier si la donationpartage inégalitaire permet de compléter la part de réserve de chacun des héritiers ; le cas échéant, aucune atteinte ne sera à déclarer. 15 - En l'absence d'atteinte à la réserve héréditaire. – Il n'y aura pas lieu à réduction, les legs éventuels seront délivrés et les biens existants seront partagés par tête entre les héritiers. Dans ces circonstances, il convient de préciser qu'aucune égalité ne sera rétablie : chacun des héritiers ayant été rempli de sa réserve. Les parties à l'acte doivent donc avoir conscience que l'inégalité créée par la donation-partage est susceptible de perdurer au décès, sans contestation possible de la part des héritiers. Des solutions peuvent toutefois être envisagées mais il faut, pour ce faire, avoir anticipé la difficulté. Conseil pratique : Il peut être recommandé d'envisager un legs d'attribution au bénéfice de l'héritier lésé (legs net de frais et droits) ou de rétablir l'égalité au sein d'une unique donation-partage incorporative (via une redistribution des anciennes attributions ou de nouveaux allotissements). 16 - En présence d'une atteinte à la réserve héréditaire. –Dans cette hypothèse, le raisonnement diffère. Tout d'abord, il convient de comptabiliser l'intégralité des avances de part ayant pu être consenties par le défunt aux héritiers. Si ces dernières suffisent à compléter la réserve individuelle du concerné, le risque de réduction est évincé. À défaut, il faut vérifier si les biens existants non légués suffisent à remplir la réserve, conformément aux prescriptions de l'article 1077-1 du Code civil. Deux méthodes ont pu être dégagées de ces dispositions ; la première (dite méthode« de Carpentras »), opère un prélèvement sur les biens existants permettant de combler l'inégalité, pour ensuite procéder sur le solde à une répartition par tête. L'autre option (dite méthode«deParis »), conduit à procéder en sens inverse : une répartition par tête des biens existants est privilégiée, un éventuel prélèvement aura lieu uniquement si la réserve l'héritier lésé n'est toujours pas complétée. La méthode issue du TGI de Carpentras permettra de corriger au mieux l'inégalité créée, l'héritier lésé se servant par priorité sur les biens existants. A contrario, la méthode préconisée par le TGI de Paris fait perdurer l'inégalité puisqu'elle profite d'abord à chacun des héritiers réservataires, le prélèvement ne s'opérant qu'éventuellement, à terme. Le droit de prélèvement de l'héritier concerné ne naît en effet qu'à hauteur de son déficit en réserve, après répartition des biens existants. 17 - Volonté des parties. –De manière indéniable, le notaire en charge du règlement de la succession devra faire part aux clients de ces deux options. Si la volonté initiale était d'assurer une transmission inégalitaire pour un bien particulier mais que cette inégalité soit corrigée à terme, la méthode de Carpentras sera à privilégier. A contrario, la volonté du donateur pouvait être celle de faire perdurer au maximum l'inégalité au profit de certains enfants ou de certaines souches 18. Ainsi, l'un des enfants n'ayant pas de descendance peut profiter de l'opération pour transférer un maximum de patrimoine au bénéfice de ses neveux et nièces. Dans ces circonstances, la méthode du TGI de Paris devra être préférée aux fins de protéger l'inégalité ainsi créée et d'éviter de nouvelles transmissions en application d'une fiscalité prohibitive19. La question de la méthode liquidative à adopter n'est donc pas à négliger, son importance est démontrée tant d'un point de vue civil que fiscal. Surtout, afin de déterminer la méthode à appliquer, le notaire devra tenter de sonder la volonté initiale du donateur et c'est d'ailleurs la position qui a été adoptée par la cour d'appel de Versailles 20, préconisant de rechercher si ledecujussouhaitait ou non que l'inégalité créée par la donation-partage soit maintenue. 18 - Contractualisation ?. – S'il est parfois aisé de deviner la volonté du disposant, bien souvent, le notaire en charge de la succession ne connaîtra pas l'état d'esprit dans lequel se trouvait ledecujus, au moment de la régularisation de l'acte. Par conséquent, la question se pose de savoir s'il serait d'ores et déjà envisageable de faire opter les parties, pour l'une ou l'autre de ces deux méthodes, au sein même de l'acte. Le Congrès des notaires note à ce sujet qu'une indication dans l'acte serait « la bienvenue »21. Conseil pratique : Sans transiger précisément sur les conditions dans lesquelles les réservataires sous-allotis pourront prélever les biens existants non légués pour compléter leur réserve22, rien n'interdit aux parties d'indiquer dans l'acte si l'inégalité ainsi constituée aura vocation à perdurer entre les donataires ou au contraire, si le règlement de la succession constituera l'occasion d'y remédier. 19 - Réduction effective. –En dernier lieu, si après application de l'une ou l'autre de ces méthodes, les biens existants ne s'avèrent pas suffisants pour composer la réserve de l'héritier lésé, les libéralités consenties seront réductibles suivant les règles établies en matière de réduction. Toutefois, la donation-partage inégalitaire aura bien souvent pour objectif d'assurer la transmission d'une société, à forte valorisation, au profit de l'un des enfants. Dans ces circonstances, le repreneur se retrouve exposé au risque de devoir verser, à terme, une indemnité de réduction à ses cohéritiers réservataires. En effet, bien que la donationpartage inégalitaire bénéficie du gel des valeurs, réduisant fortement le risque de réduction, l'inégalité créée initialement reste susceptible d'engendrer à terme une réduction. Conseil pratique : La signature d'actes portant renonciation anticipée à agir en réduction (RAAR) par les réservataires, anticipant cette difficulté, permettra de supprimer tout aléa relatif à la réduction, si tel est le souhait des parties 23. B. - La donation-partage transgénérationnelle 20 - Mécanisme de la DPTG. –La donation-partage transgénérationnelle (DPTG) est un acte par lequel un ascendant va transmettre et partager des biens qui auraient dû revenir à ses descendants immédiats, au bénéfice de la génération suivante24. La condition de fond essentielle reste le consentement de la génération intermédiaire ; celle-ci renonçant à sa part au bénéfice de ses propres enfants, cristallisant infineune seconde volonté libérale au sein de la transmission. L'originalité de la DPTG est donc d'organiser une transmission sur deux générations ; celle des grands-parents (dénommée « G1 ») ainsi que celle des enfants « pivots » de la génération intermédiaire (dénommée « G2 »), au bénéfice de la dernière génération (dite « G3 »). Le traitement 17. P. Caignault, La donation-partage inégalitaire : mythe ou réalité ? : JCP N 2014, 1185. 18. V. n° 20 et s. 19. Les transmissions aux neveux et nièces sont taxées à 55 % conformément à l'article 777 du CGI. 20. CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 15 juin 2018, n° 15/08419. 21. « Protéger, les vulnérables, les proches, le logement, les droits », 116e Congrès des notaires, Paris, 2020, p. 534. 22. Aux fins de veiller à respecter le principe de prohibition des pactes sur succession future. 23. V. supra La remise en cause de la donation-partage : Actes prat. strat. patrimoniale 2023, n° 3, dossier 20. 24. P. Malaurie et C. Brenner, Droit des successions et des libéralités : LGDJ, n° 1061. 34 © LEXISNEXISSA - ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 Dossier
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