simple une somme d'argent, se verra imposer le partage de l'investissement réalisé au jour du décès : la plus-value éventuellement créée via l'utilisation de ces fonds sera répartie entre les héritiers (C. civ., art. 860) 11. À l'inverse, l'enfant ayant préféré dépenser l'intégralité de la somme, ne sera redevable que du montant nominal envers sa fratrie(C. civ., art. 860-1)etpourra assez injustement se prévaloir de l'enrichissement créé par un autre. De manière indéniable, le gel des valeurs combiné à l'absence de rapport de la donation-partage permet ainsi d'éluder une source de conflit familial considérable lors du règlement de la succession. Les enfants auront été gratifiés et la donation portant partage anticipé ne leur donnera pas la possibilité de faire les comptes sur les investissements éventuellement réalisés. 11 - D'ailleurs, même si les conditions mentionnées l'article 1078 du Code civil et évoquées précédemment ne sont pas réunies, la donation-partage n'en devient pas pour autant rapportable12. L'absence de rapport est totalement autonome du respect des conditions de l’article 1078 du Code civil, lequel a pour unique objet de connaître la date d’évaluation des lots, aux fins de déterminer une éventuelle atteinte à la réserve. Dès lors, si les conditions prévues à l'article précité ne sont pas respectées, les lots concernés seront certes réévalués au jour du décès, mais ils ne dégénèreront pas en donations simples rapportables. Par suite, les enfants allotis ne seront pas tenus de rapporter ce qui leur a été donné afin de rétablir une égalité avec les enfants n'ayant rien reçu. L'unique restitution qui pourrait s'opérer se matérialisera par le comblement de la réserve héréditaire de l'enfant lésé13. 12 - Cas de l'enfant omis et de l'enfant non conçu. – En revanche, il convient de préciser que l'enfant omis ou simplement non conçu lors de la donation-partage, pourra bénéficier d'une protection. Une distinction est à opérer : l'enfant omis pourra exercer une action en réduction aux fins de voir reconstituer sa réserve héréditaire14 tandis que l'enfant non conçu pourra réclamer l'intégralité de sa part héréditaire via cette même action(C. civ., art. 1077-2, al. 3). Par son résultat, cette dernière hypothèse tend à un effet analogue à celui d'un rapport, sans en avoir pour autant la nature juridique, puisque la donationpartage demeure non rapportable. Qu'en est-il de l'enfant qui aurait fait l'objet d'une adoption après la conclusion d'une donation-partage ? D'abord, sa qualité d'héritier réservataire exclut que la donation-partage puisse, au décès de l'adoptant, bénéficier de la fixité des valeurs. Quant à la reconstitution de sa part réservataire ou héréditaire, la doctrine majoritaire considère que l'adopté devrait être assimilé à un enfant non conçu au jour de l'acte ; il pourrait donc reconstituer sa part héréditaire, et non pas simplement réservataire15. Exemple : Donation d'une somme d'argent pour E1, jouée et perdue au casino par le donataire (valeur au jour de la donation 100 K€, valorisation au jour du décès 0 €), donation d'une société pour E2 (valorisation au jour de la donation 100 K€, valorisation au jour du décès 1 200 K€). Biens existants au décès (200 K€), le passif sera porté pour mémoire. En présence de deux enfants, la réserve héréditaire de chacun est d'un tiers (500 K€), de même que la quotité disponible (500 K€). Procédez à la réunion fictive et au rapport des libéralités consenties. ‰En présence de donations simples : E1 opère la réunion fictive de sa libéralité pour 100 k € alors qu'E2 réunit pour 1 200 K€: la donation simple ayant bénéficié à E2 est réductible à hauteur de 200 K€, soit1/6e. Au titre de la masse à partager : E1 rapporte 100 K€; E2 rapporte 1 000 K€16 ; on retrouve l'indemnité de réduction (200 K€) et les biens existants (200 K€) soit un total de 1 500 K€. Chacun des enfants bénéficie de la moitié (750 K€) ; E1 impute sa donation en moins prenant, il a droit aux biens existants 200 K€ et au versement d'une soulte de 450 K€; E2 supporte en moins prenant l'indemnité de réduction et sa donation, il versera in fine une soulte de 450 K€ à E1, alors même que les donations étaient initialement égalitaires. ‰ En présence d'une donation-partage : E1 et E2 opèrent la réunion fictive pour la valeur attribuée à chacun au jour de l'acte (les conditions de l'article 1078 du Code civil ayant été respectées), soit un montant de 100 K€chacun venant s'imputer sur leur part de réserve individuelle. La donation-partage ne fera pas l'objet d'un rapport, la masse à partager se composant uniquement des biens existants revenant pour moitié à chacun d'eux. In fine, la donation-partage permet de faire perdurer l'égalité souhaitée par le donateur. 2. Donation-partage et méthodes liquidatives dérogatoires 13 - L'outil que constitue la donation-partage est source de créativité pour le praticien, pouvant donner lieu à une transmission sur-mesure ; qu'il s'agisse de créer une inégalité dans les attributions, de transmettre à une génération ultérieure ou encore de réviser une transmission antérieure par la voie de l'incorporation. Ces spécificités induisent toutefois la nécessité de substituer aux règles liquidatives traditionnelles, des mécanismes particuliers ; du sur-mesure certes, mais de la haute couture surtout ! A. - De l'inégalité en donation-partage 14 - Un mécanisme liquidatif dérogatoire. – La donationpartage n'étant pas rapportée à la masse à partager, un nouveau partage aux fins d'égalité ne pourra pas être opéré. Or, une difficulté survient en présence d'une donation-partage inégalitaire ; les héritiers désavantagés ne pourront pas voir l'égalité rétablie mais surtout, leurs droits réservataires pourraient être touchés, sans avoir pour autant la possibilité d'agir en réduction. La donation-partage étant par principe consentie en avance de part successorale, aucune imputation subsidiaire sur la quotité disponible n'est généralement effectuée. Aucune possibilité de réduction n'existe puisque la quotité disponible n'est bien souvent pas dépassée. Or, il est tout à fait possible que certains héritiers ne soient pas remplis de leur réserve, sans avoir la possibilité ni d'agir en réduction, ni d'obtenir compensation via une répartition de la masse à partager, expliquant donc l'application d'un 11. Excepté en cas de stipulation hors part successorale. 12. Le premier alinéa de l'article 1077-2 du Code civil ne faisant allusion qu'à « l'imputation, le calcul de la réserve et la réduction ». 13. Excepté l'hypothèse de l'enfant non conçu au jour de la donation-partage pouvant se prévaloir de sa part héréditaire et non pas seulement de sa part réservataire. 14. Par renvoi de l'article 1077-2, alinéa 1 du Code civil ; la méthode liquidative à adopter pour le cas d'une omission d'héritier est celle relative à la liquidation d'une donation-partage inégalitaire ; V. n° 14 et s. 15. D. Epailly, I. Cap et C. Durassier, 70 Questions de donation-partage : Cridon Sud-Ouest, févr. 2017. 16. En cas de réduction d'une donation rapportable, l'héritier tenu au rapport ne doit rapporter que ce qui subsiste de la libéralité après sa réduction. La donation demeure donc rapportable à concurrence de la portion non réduite. 33 ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXISSA Dossier
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