Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniales

PARTIE 3 : LE TRAITEMENT LIQUIDATIF DES DONATIONSPARTAGES 23 L'hétérogénéité des méthodes liquidatives en donation-partage Emilie PROUTEAU, notaire assistant - Rochelois Paris et Julien LAUTER, notaire associé - Rochelois Paris, chargé d'enseignements auprès des universités Jean Moulin Lyon 3 et Paris 1 Panthéon-Sorbonne 1. - LES PARTICULARITÉS LIQUIDATIVES DE LA DONATIONPARTAGE A. - Le principe de fixité des valeurs au jour de la donation B. - L'absence de rapport à une masse à partager entre les héritiers 2. - DONATION-PARTAGE ET MÉTHODES LIQUIDATIVES DÉROGATOIRES A. - De l'inégalité en donation-partage B. - La donation-partage transgénérationnelle C. - Donation-partage et incorporations Considérée comme l'instrument privilégié aux fins d'assurer la transmission anticipée d'un patrimoine, la donation-partage révèle particulièrement ses atouts lorsqu'il s'agit d'envisager la succession du donateur. Outil au service de la paix des familles, elle permet de soustraire les héritiers aux différends pouvant résulter de la liquidation des donations simples. Pour autant, ce n'est qu'en maîtrisant les impacts liquidatifs de la donation-partage, que certains écueils pourront être évités et anticipés lors de la rédaction de l'acte. L'exercice n'est pas aisé ; perçue comme un genre de libéralité, la donation-partage se décline sous différentes espèces, donnant naissance pour chacune, à une méthode liquidative bien spécifique. 1. Les particularités liquidatives de la donation-partage 1 - Lors du règlement d'une succession, deux étapes apparaissent comme essentielles au stade de la liquidation civile ; il s'agit de la réunion fictive des libéralités et du rapport des donations à proprement parler. La première opération est nécessaire pour vérifier une éventuelle atteinte à la réserve tandis que la seconde permet d'opérer la répartition de la masse à partager entre les ayants droit. Cette distinction a d'autant plus d'importance qu'en matière de donation-partage, une subtilité existe : celle-ci doit être réunie mais elle n'est pas rapportable... A. - Le principe de fixité des valeurs au jour de la donation 2 - En premier lieu, aux fins de procéder au calcul d'une éventuelle atteinte à la réserve héréditaire, la reconstitution du patrimoine du défunt pour sa valeur au jour du décès est nécessaire. Ainsi, l'actif est réévalué, le passif existant en est soustrait et surtout, les libéralités consenties par le défunt sont « réunies fictivement »à cette masse de calcul (C. civ., art. 922). Ainsi, en cas de cession du bien donné et de réinvestissement, il sera nécessaire de rétablir la chaine des subrogations ayant eu lieu. Or, retracer cet historique se révèle être en pratique un travail épineux pour le praticien et éprouvant pour les donataires ; ces derniers devant rapporter la preuve des investissements successivement réalisés à l'aide des biens donnés. 3 - Gel des valeurs au jour de l'acte. –L'une des particularités de la donation-partage, même inégalitaire, est de déroger à cette réévaluation ; on parle d'un« principe de fixité des valeurs »au jour de l'acte (C. civ., art. 1078). Les atouts de la donationpartage se révèlent particulièrement lors de son traitement liquidatif, contrastant avec celui d'une donation ordinaire. En figeant les valeurs au jour de la donation, il n'est plus nécessaire pour les héritiers d'accomplir des comptes entre eux au sujet d'éventuels réinvestissements. La plus-value réalisée par certains leur reste acquise, ceux ayant dépensé frivolement leur attribution en font personnellement les frais. Surtout, ce gel des valeurs permet de limiter un risque important ; celui de la réduction. Bien qu'étant souvent le support souhaité pour la distribution de biens immobiliers, la donation-partage est également privilégiée pour la transmission de biens à fort potentiel de plus-value ; tels que les sociétés. La justification se trouve notamment dans ce principe de fixité des valeurs, l'enfant choisi en tant que repreneur et ayant bien souvent la charge de faire fonctionner l'entreprise familiale, ne sera pas exposé à un risque de réduction de la donation lui ayant bénéficié1. 1. Dans l'hypothèse bien entendu où la transmission a eu lieu de manière égalitaire entre les gratifiés. Malgré le gel des valeurs, la donation-partage qui 31 ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXISSA Dossier

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