Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniales

Focus 1. Exposé des interrogations ‰ Certains petits-enfants étant mineurs, l'acceptation de la donation-partage transgénérationnelle peut-elle être effectuée par un ascendant en application de l'article 935, alinéa 2, du Code civil ? Qui de G1 et/ou de G2 est le plus habile à accepter la donation pour le compte de G3 ? N'existe-t-il pas un conflit d'intérêts potentiel entre G2 et G3 puisque G2 se réserve un droit d'usufruit per retentionen sur les biens dont il consent à l'incorporation en nue-propriété ? ‰ Le vœu est également de limiter les droits de G3, nus-propriétaires, tant pendant leur minorité que leur majorité. Il est notamment envisagé de désigner à l'acte un tiers administrateur, personne physique ou un collège de sages, au visa de l'article 384 du Code civil. La résolution des questions suivantes a permis de bâtir les clauses de l'acte : - étendue des pouvoirs du tiers administrateur : les pouvoirs du tiers administrateur peuvent-ils être étendus de manière à ce qu'il puisse agir seul, en évitant la saisine du juge des contentieux de la protection ? Cette extension peut-elle inclure la faculté pour le tiers administrateur d'accepter la libéralité pour le compte de G3, malgré les dispositions de l'article 935 du Code civil ? ; - durée des pouvoirs du tiers administrateur : peut-on prévoir la désignation d'un tiers administrateur au-delà de la minorité des enfants ? Dans l'hypothèse où pareille clause serait qualifiée de charge (a priori réductible à concurrence de la réserve héréditaire), cette dernière risque-t-elle d'être levée judiciairement ? Quelles sont les autres voies de contestation de la nomination d'un tiers administrateur ? 2. Propositions de solutions A. - Modalités de représentation des petits-enfants L'acceptation de la donation-partage pour le compte des mineurs de G3 ne saurait être donnée par l'un ou l'autre des ascendants de G1 ou par eux de manière croisée (chacun pour ce que donne l'autre), car, la donation-partage préconisée étant conjonctive, ils auront indivisiblement qualité de donateur, de sorte que les dispositions de l'article 935 du Code civil n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce. En revanche, dans la mesure où la donation-partage ne comporte pas de charge positive imposée aux donataires, les parents des enfants mineurs ne sauraient être regardés comme étant en conflit d'intérêts avec eux, parce qu'ils seraient eux-mêmes gratifiés en usufruit, et donc se voir interdire d'accepter la donation-partage pour leur compte en même temps qu'en leur nom propre. On ne voit donc pas que l'article 1161 du Code civil, qui fait du conflit d'intérêts une limite à la représentation, puisse avoir vocation à régir la présente hypothèse. Par conséquent, chaque parent des mineurs gratifiés doit pouvoir accepter la donation-partage envisagée pour le compte de l'enfant en application de l'article 382-1 du Code civil, sans avoir besoin d'obtenir le consentement du conjoint, s'agissant d'un simple acte d'administration. Et si cela devait s'avérer nécessaire ou bien apparaîtrait souhaitable, il serait naturellement possible de solliciter l'autorisation du juge des juges des contentieux de la protection(C. civ., art. 383, al. 2) voire la désignation d'un administrateur ad hoc (C. civ., art. 383, al. 1). B. - Champ d'intervention du tiers administrateur A priori, la désignation d'un tiers administrateur ou d'un collège d'administrateurs conventionnels en application de l'article 384 du Code civil, pour les biens donnés (en nue-propriété) aux petits-enfants (G3), ne pose pas de difficulté : elle peut être faite pour la quotité disponible comme pour la réserve héréditaire. Aussi paradoxale que soit la solution, il est admis que les pouvoirs ainsi confiés à l'administrateur conventionnel soient plus étendus que ceux d'un administrateur légal, y compris pour ce qui concerne la réserve héréditaire, la loi prévoyant que ces pouvoirs sont ceux que confère la donation ou le legs 22. Pour autant, quoi que le contraire soit parfois suggéré23, ces pouvoirs ne sauraient sans risque inclure l'acceptation de la libéralité pour le compte du ou des mineurs gratifiés, le dispositif de l'article 384 du Code civil présupposant l'existence de la libéralité et donc son acceptation dans les conditions envisagées ci-dessus. Quant à la durée des pouvoirs de ce ou ces administrateurs conventionnels des biens donnés, elle ne saurait par hypothèse se prolonger au-delà de la majorité des petits-enfants gratifiés, celle-ci mettant fin à l'administration légale des père et mère et donc aussi à l'administration conventionnelle qui n'en est qu'un substitut. Pour obtenir le résultat souhaité, il pourrait être stipulé dans la donation-partage une charge d'administration au-delà de la majorité, suivant le régime ordinaire des charges grevant les libéralités. La charge serait donc susceptible de révision judiciaire dans les conditions (difficiles à remplir) de l'article 900-2 du Code civil et ne pourrait porter sur la part de réserve du gratifié, qui doit être attribuée libre et franche de toute charge constituée volontairement par le disposant. Quoi qu'il en soit, si cette charge devait être remise en cause dans la mesure où elle porterait atteinte à la réserve héréditaire des petits-enfants, il n'y aurait pas lieu a priori de la valoriser, la réduction devant avoir lieu en ce cas par cantonnement : dans la mesure où ils composeraient la réserve héréditaire, les titres (comptabilisés dans la masse du calcul de la réserve abstraction faite de cette restriction aux pouvoirs d'administration) seraient purement et simplement exemptés de cette charge. Pour ce qui est des autres possibilités de contestation de la désignation d'un administrateur conventionnel (en application de l'article 384 du Code civil ou à titre de charge ordinaire de la donation), elles procéderaient du droit commun du mandat et de la représentation (inexécution de la mission, conflit d'intérêts...) et ne présenteraient pas de spécificité particulière. 22. V. JCl. Civil Code, Art. 382 à 386, fasc. 10, V° Minorité, par P. Salvage-Gerest et I. Maria, 2016, n° 48 et s. 23. V. Ph. Delmas Saint-Hilaire, À propos de la clause d'exclusion de l'administration légale, Mél. R. Le Guidec : LexisNexis, 2014, p. 333, spéc. p. 337 et 342. – Cl. Farge et S. Guillaud-Bataille, La désignation d'un tiers administrateur aux biens donnés ou légués à un mineur : JCP N 2019, n° 16, 1167, spéc. n° 24. – H. Leyrat, La désignation d'un tiers administrateur des capitaux décès versés lors du dénouement d'un contrat d'assurance-vie : JCP N 2021, n° 10, 1343. 30 © LEXISNEXISSA - ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 Dossier

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