3 Parts de SCI françaises et résidents fiscaux suisses : gare à l'imposition à l'impôt sur la fortune suisse ! Pauline Radovitch, Senior Tax consultant, Mazars SA (Suisse) Dans une décision du 13 décembre 2022 (Tribunal fédéral suisse, 13 déc. 2022, arrêt 2C_365/2021), le Tribunal fédéral, la plus haute juridiction du système judiciaire suisse, a fragilisé un peu plus la situation des résidents fiscaux suisses détenant des biens immobiliers par l'intermédiaire d'une société civile immobilière (SCI) de droit français, en décidant que les parts de SCI françaises sont des valeurs mobilières susceptibles d'être soumises à l'impôt sur la fortune suisse (IF). La nature translucide de la SCI, forme juridique inconnue du droit suisse, est à l'origine de ce contentieux où les juges suisses ont dû se positionner pour qualifier les parts de SCI, soit de bien immobilier au sens de la convention de double imposition signée entre la France et la Suisse (CDI FR-CH) en regardant le bien immobilier par transparence, soit de valeur mobilière du fait de la personnalité juridique des SCI distincte de celle de ses associés. L'enjeu de la qualification était, dans l'hypothèse de la vision des SCI par transparence, de la prise en compte de la valeur des immeubles uniquement pour déterminer le taux d'imposition des autres actifs imposables à l'impôt sur la fortune suisse, soit de la prise en compte des parts de la SCI pour leur valeur vénale, dans la fortune mobilière du contribuable imposable en Suisse. En effet, selon le droit interne suisse (art. 2, al. 1 let. a et 13, al. 1 de la Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, ci-après LHID, et articles 1 let. a et 50 de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux, ci-après LI/VD), l'ensemble de la fortune nette des contribuables assujettis d'une manière illimitée en Suisse est soumis à l'impôt sur la fortune, à l'exception des entreprises, établissements stables et immeubles situés en dehors du canton, et a fortiori, à l'étranger (art. 6 LI/VD). Dans cette affaire, la contribuable, résidente du canton de Vaud, détenait 99 % des parts d'une SCI française, soumise à l'impôt sur le revenu, et propriétaire de deux immeubles situés en France, qui étaient évaluées à environ 1 million de francs suisses, et soutenait que l'article 6 LI/VD, qui exclut de l'assujettissement les immeubles situés hors du canton, devait être appliqué au cas d'espèce pour ne pas comprendre les parts de SCI dans sa fortune imposable. L'administration fiscale vaudoise avait relevé que les SCI étaient assimilables en droit suisse, comme en droit français, à des personnes morales dotées de la personnalité juridique et des sujets fiscaux, de sorte que les parts de SCI constituaient des valeurs mobilières imposables à l'IF. Sur cette base, elle avait ajouté la part détenue par la contribuable dans les actifs nets de la SCI à sa fortune imposable. Le Tribunal cantonal vaudois, dans un arrêt du 1er avril 2021 (CDAP - Vaud: FI.2020.0109 (vd.ch)), a estimé que, même si le droit français assimilait les parts de SCI à des immeubles, le droit interne suisse permettait également d'imposer les parts de SCI en tant que valeurs mobilières, et a examiné la CDI FR-CH afin de déterminer si la convention pouvait limiter l'imposition. Après avoir rappelé que les parts de SCI étaient traitées fiscalement comme des biens immobiliers par la législation interne française au sens de l'article 6 CDI FR-CH, le Tribunal cantonal vaudois a mené une analyse intéressante des articles 24 (qui pose les règles de principe en matière d'impôt sur la fortune) et 25 (qui pose les règles d'élimination des doubles impositions) de la CDI FR-CH en relevant que l'exemption prévue par la Suisse, en ce qui concerne les actifs immobiliers imposables en France, ne s'applique, dans les hypothèses de détention indirecte d'actifs immobiliers, qu' « après justification de ces revenus, gains en capital ou éléments de fortune en France » (art. 25 B, 1 CDI FR-CH). Ainsi, le Tribunal cantonal vaudois a souligné le fait que cette précision, introduite dans la CDI FR-CH par un avenant entré en vigueur la 1er août 1998, a vocation à clarifier le dispositif d'élimination de la double imposition dans les hypothèses, comme au cas d'espèce, de la détention indirecte d'immobilier ayant pour effet une caractérisation différente par la France, en tant qu'actif immobilier, et de la Suisse, comme actif mobilier, selon que l'on regarde ou non par transparence le bien immobilier, et doit se comprendre comme une dérogation au Modèle OCDE. Étant donné qu'au cas d'espèce, la valeur des parts était inférieure à 1,3 million d'euros, la contribuable n'avait pas été effectivement soumise à l'ISF en France. ➔Suite page 2 ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXISSA 1 Idée nouvelle « Les SCI sont à manier avec précaution dans les situations transfrontalières »
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