Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniales

22 Les intérêts multiples de l'incorporation Julien LAUTER, notaire associé - Rochelois Paris, chargé d'enseignements auprès des universités Jean Moulin Lyon 3 et Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Flore BERNARD, notaire salarié - Rochelois Paris 1. - LA RÉVISION DES DONATIONS ANTÉRIEURES INCORPORÉES 2. - LE PÉRIMÈTRE DE L'INCORPORATION A. - Les incorporations partielles B. - L'incorporation à l'épreuve de l'évolution du bien originairement donné L'incorporation autorise les parties à réviser l'écriture des libéralités antérieurement consenties en poursuivant de multiples desseins, alternatifs ou cumulatifs, qui s'égraineront au gré des clauses des actes authentiques. La réussite de l'exercice de l'incorporation repose sur l'identification précise de son périmètre. 1. La révision des donations antérieures incorporées 1 - La donation-partage transgénérationnelle a offert à l'incorporation un nouvel essor, porté par un régime fiscal de faveur. L'incorporation dans une donation-partage transgénérationnelle d'une donation de plus de 15 ans ne rend en effet exigible que le droit de partage, y compris en cas de changement d'attributaire, au sein du moins de la même souche1. Les charmes d'une imposition moindre ne doivent toutefois pas faire perdre de vue la pertinence civile du recours à l'incorporation, les solutions qui s'en inspirent devant être nourries de solides réflexions. Parfois, l'intention libérale s'est manifestée prématurément alors que les situations personnelle et patrimoniale du disposant n'étaient pas suffisamment établies pour concrétiser les premières donations simples. La vie du gratifiant le conduit parfois à exprimer un regret à l'égard des premières libéralités consenties, sa volonté répartitrice étant mise à l'épreuve grâce à un recul salvateur que seul le temps peut offrir. 2 - La pratique de l'incorporation d'une donation passée débute par l'audit préalable des caractéristiques de cette dernière. La donation consacre en effet la loi des parties : en tant que contrat, elle est source de droits et obligations dont l'analyse a posteriori conduit parfois la famille à reconsidérer l'organisation juridique préalablement établie. Fort de ces considérations, il est conseillé de nourrir l'exposé préalable de l'acte de donation-partage de prolégomènes dédiés à l'explication du contexte qui préside à l'établissement de l'acte. Le juriste est alors témoin de l'histoire des familles et de leur patrimoine ; il scellera dans l'écrit qu'il rédigera le fruit de l'introspection de ses clients. 3 - Les combinaisons sont variées car l'incorporation dans une donation-partage peut profondément transformer la donation originaire. Les modifications peuvent ainsi avoir pour objets alternatifs ou cumulatifs : ‰ le bénéficiaire de la donation, le donataire initial étant remplacé par un autre copartagé, à la faveur d'une nouvelle attribution du bien2, ce qui en fait l'un des très grands attraits dans les donations-partages transgénérationnelles 3 ; ‰le périmètre de la donation originaire4 : l'incorporation peut être totale ou partielle, porter sur des droits en pleine propriété, indivis et/ou démembrés ; ‰les caractères juridiques de la donation incorporée : sa valeur à réunir à la masse de calcul (en application des règles de fixité des valeurs et d'unité d'évaluation : C. civ., art. 1078 et 10781), son secteur d'imputation(transformation d'une donation hors part en donation en avancement de part successorale : C. civ., art. 1078-2), son rang d'imputation (la libéralité incorporée sera imputée à la date de la donation-partage incorporative), ses modalités (ex. disparition d'une clause d'inaliénabilité ou, au contraire, ajout d'une charge nouvelle). 1. Le régime fiscal de l'incorporation, issu principalement des dispositions de l'article 776 A du CGI, sera plus amplement exposé postérieurement. V. infra partie 4 : La fiscalité de la donation-partage. 2. La solution, qui n'est plus discutée, s'est imposée par la force des analyses de Pierre Catala (La réforme des liquidations successorales : Defrénois, 3e éd., 1982, n° 127) : V. Cass. 1re civ., 15 janv. 2014, n° 12-29.267 : JCP N 2014, 1230, note R. Le Guidec et J.-P. Garçon ; JCP N 2015, n° 12, 1089, obs. R. Le Guidec : « l’article 1078-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 et applicable en la cause, n’interdit pas qu’un bien antérieurement donné indivisément à des enfants soit attribué à l’un d’eux dans un acte de donation-partage ». 3. Le changement de bénéficiaire dans les donations-partages transgénérationnelles fera l'objet d'un développement spécifique, ci-après. 4. V. infra, 6 et s. concernant le périmètre de l'incorporation. 25 ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXISSA Dossier

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