initiales avec réattribution immédiate de leur objet dans le cadre d'une donation-partage qui les absorbe et les aménage éventuellement de manière différente à la faveur de conventions annexes 6. 3 - En somme, l'efficacité caractéristique de l'incorporation est double : elle consiste en une remise en cause volontaire des donations concernées et une retransmission de leur objet par l'effet de la donation-partage dans laquelle elles sont intégrées ; un anéantissement rétroactif doublé d'une redistribution. Ce pourquoi, précisément, les figures juridiques élémentaires ne parviennent pas à en rendre pleinement compte. Fort heureusement, l'autonomie du droit fiscal à l'égard du droit civil s'exprime en l'espèce avec bienveillance7,cemutuus dissensus dégradé ne constituant pas le fait générateur de taxation de multiples mutations 8. 2. L'objet de l'incorporation 4 - La lecture des formules introduites dans les actes authentiques pour décrire et régir l'incorporation permet de constater que la sémantique employée confond souvent la donation incorporée et les biens objet de cette libéralité, eux-mêmes incorporés pour être réattribués. Les clauses font ainsi état de« donations antérieures incorporées » (A) ou de « biens antérieurement donnés et incorporés »(B). A. - Propos relatifs aux« donations antérieures incorporées » 5 - Les dispositions des articles 1078-1 à 1078-3 du Code civil montrent que l'objet de l'incorporation est protéiforme. Il n'est aucune raison de limiter cette faculté d'incorporation aux seules donations ordinaires précédemment faites par le disposant à ses descendants. Il faut admettre qu'elle vaut tout autant pour les dispositions à titre gratuit antérieurement consenties au moyen de donations-partages. La forme des donations antérieures importe donc peu, l'incorporation accueille sans distinction dons manuels, donations déguisées ou indirectes. Certes, l'article 1078-1 du Code civil n'envisage littéralement que l'incorporation « en totalité ou en partie des donations, soit rapportables, soit faites hors part, déjà reçues par eux du disposant », ce qui ne couvre pas expressément les attributions faites en avancement de part successorale par voie de partage anticipé, puisque ces dispositions ne sont ni rapportables 9, ni faites hors part 10. Mais il est bien évident qu'il faut raisonner par analogie pour donner là encore sa pleine portée à la loi, conformément à l'esprit de faveur qui l'anime. Dans son commentaire très autorisé de la loi du 3 juillet 1971, Pierre Catala y insistait déjà et cette opinion a été unanimement reprise par la doctrine11. Elle n'a jamais été démentie par la jurisprudence et elle est suivie par la pratique sans la moindre hésitation, parce qu'elle est dans la logique de l'institution. B. - Propos relatifs aux « biens antérieurement donnés et incorporés » 6 - Littéralement, l'article 1078-1 autorise seulement l'incorporation dans la donation-partage des biens donnés ou de la valeur acquise par les biens acquis en emploi ou remploi des biens initialement donnés dans le cas de leur aliénation. Il transpose ainsi à l'incorporation d'une disposition à titre gratuit à une donation-partage les règles liquidatives qui ont cours en matière de rapport ou de réduction. Mais il a été admis très tôt que le texte admet plus radicalement l'incorporation en nature des biens acquis en emploi ou remploi 12. Cette interprétation, qui doit naturellement être élargie à toutes les hypothèses desubrogation au bien donné d'un autre bien, d'une créance ou d'une somme d'argent, qu'elle soit volontaire (vente du bien donné suivi de l'acquisition d'un nouveau bien au moyen du prix) ou involontaire (indemnité de responsabilité civile, d'assurance ou d'expropriation substituée au bien donné), puisque telle est la règle en matière de rapport à succession, s'est rapidement imposée. La doctrine enseigne aujourd'hui la solution de manière apparemment unanime, sans jamais avoir été démentie là non plus par la jurisprudence13. 7 - Simple à établir lorsqu'elle porte uniquement sur des biens corporels, meubles ou immeubles, la chaîne des subrogations se révèle parfois plus délicate à retracer à l'aune d'une économie dématérialisée et de l'avènement des res mobilis. Les exemples pratiques développés infra14 l'illustrent, sans exhaustivité. La rigueur avec laquelle seront retracés les divers emplois et réemplois des biens originairement donnés puis mutés consolidera l'incorporation, laquelle, en tant qu'acte juridique, obéit au droit commun des obligations et ne saurait en conséquence se soustraire au respect des dispositions de l'article 1170 du Code civil aux termes duquel « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». Le donataire incorporant est en effet tenu d'une obligation de délivrer, à l'égard d'un donateur qui devient lui-même débiteur de cette obligation à l'égard du récipiendaire final, par ricochet. L'acte authentique apportera donc avec soin la preuve irréfragable des diverses subrogations intervenues depuis que la donation initiale a été consentie, d'autant plus que l'administration fiscale veille15.ê 6. Malaurie et Aynès, Droit des successions et des libéralités, par C. Brenner : LGDJ-Lextenso, 10e éd., 2022, n° 833. 7. V. infra Partie 4 : La fiscalité de la donation-partage. 8. BOI-ENR-DMTG-20-20-10, 12 sept. 2012, § 250 : « L’article 776 A du CGI prend en compte les dispositions civiles exposées ci-dessus et dispose que, conformément à l’article 1078-3 du code civil, les conventions prévues par les articles 1078-1 du code civil et 1078-2 du code civil ne sont pas soumises aux droits de mutation à titre gratuit. » 9. Par définition, les donations-partages ne sont jamais rapportables : V. Cass. 1re civ., 16 juill. 1997, n° 95-13.316, B. : D. 1997, somm., p. 370, obs. M. Grimaldi. 10. On rappelle que « les biens reçus à titre de partage anticipé par un héritier réservataire présomptif s'imputent sur sa part de réserve, à moins qu'ils n'aient été donnés expressément hors part » (C. civ., art. 1007) et que les biens reçus dans une donation-partage transgénérationnelle par les descendants qui n'ont pas la qualité de réservataire présomptif, du fait de l'existence de leur auteur, leur étant attribués, avec l'accord de celui-ci, en ses « lieu et place » (C. civ., art. 1078-4), il en résulte qu'ils ont normalement vocation, dans la succession du disposant, à s'imputer « sur la part de réserve revenant à leur souche et subsidiairement sur la quotité disponible » (C. civ., art. 1078-8, al. 1er) : en d'autres termes, ils constituent, là encore, sauf stipulation contraire, une avance de part successorale. 11. P. Catala, préc., n° 125, c, p. 302. – V. par ex. Terré, Lequette et Gaudemet, préc., n° 1262. – Grimaldi, Libéralités. Partage d'ascendants : Litec, 2000, n° 1773. – Malaurie et Brenner, préc., n° 833. 12. G. Morin, La loi du 3 juillet 1971 sur les rapports à succession, la réduction des libéralités et les partages d'ascendants : éd. Defrénois, 5e éd., 1984, n° 1 13. Terré, Lequette et Gaudemet, préc., n° 1262, p. 1123-1124. – M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, 2021-2022, n° 411-184. 14. V. infra Les utilités du mécanisme : Actes prat. strat. patrimoniale 2023, n° 3, dossier 22, n° 6 et s. concernant le périmètre de l'incorporation. 15. En témoigne la doctrine publiée au BOFIP sous les références BOI-ENRDMTG-20-20-10. Bien que circonstanciée aux subrogations constatées dans des donations-partages transgénérationnelles, elle est transposable aux donations-partages ordinaires. 24 © LEXISNEXISSA - ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 Dossier
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