Pour le cas de la donation-partage de quote-part indivises. Nous renvoyons à la partie spécialement dédiée à cette question31. 44 - Les conséquences liquidatives sont importantes : la donation simple sera en principe rapportable à la succession du donateur pour la valeur qu'auront les biens donnés à cette date. L'équilibre des attributions pourra s'en trouver bouleversé et l'égalité qui avait pu être constatée pourra avoir disparu. La transmission aura perdu l'effet pacificateur qui était attendu et des discussions pourront s'élever entre les donataires. Si la donation-partage était conjonctive, l'action en réduction pourra s'exercer dès le premier décès sans être reportée au décès du survivant des donateurs comme le prévoit l'article 1077-2, alinéa 2 du Code civil. En cas de disqualification en donation simple, le partage contenu dans l'acte devient un partage ordinaire auquel les dispositions dérogatoires de l'article 1075-3 du Code civil ne sont plus applicables et pourra être attaqué pour cause de lésion. En présence d'un donataire copartagé mineur ou soumis à un régime de protection, les autorisations du juge ou du conseil de famille redeviennent nécessaires. 1° Cas de la contestation de l'évaluation des biens 45 - Il convient d'être particulièrement vigilant sur la valorisation des biens déclarée dans la donation-partage, tant au regard du droit civil attentif à l'équilibre des lots que celui du droit fiscal au titre de la liquidation des droits de mutation soumise au contrôle de l'administration. Si les valeurs déclarées ne correspondent pas à la valeur vénale réelle des biens donnés et partagés, les parties s'exposent à des risques de redressement fiscal mais aussi de contestation ultérieure de la donation-partage. En effet, un donataire qui s'estimerait lésé par la sousévaluation du lot échu à l'un de ses codonataires pourrait contester l'acte soit du vivant du donateur, soit après l'ouverture de sa succession. Que l'erreur de valorisation soit volontaire ou non, elle devra être rétablie. Si la contestation est élevée du vivant du donateur, il sera possible de rétablir l'inégalité par exemple en incorporant la donation-partage « litigieuse » à une nouvelle donationpartage en retenant des évaluations actualisées. Si la contestation est portée devant les tribunaux (généralement après l'ouverture de la succession), alors la donation-partage devra être prise en compte lors de la réunion fictive et l'imputation des libéralités, pour la valeur réelle des biens 32. Si l'écart de valorisation est trop important il pourrait aussi en résulter une atteinte à la réserve. La fixité des valeurs est toutefois conservée et la donationpartage conserve ses attributs : les valeurs litigieuses sont simplement revues. Conseil pratique : La prudence commande de pas constater une égalité artificielle, même si elle semble être le reflet d'un consensus entre les parties. Cet accord pourrait ultérieurement être remis en cause par la contestation des valeurs retenues dans l'acte. 2° Cas particulier de l'enfant non conçu – reconstitution de sa part de l'enfant 46 - Il s'agit d'une hypothèse d'action en réduction spéciale. Elle est fondée sur l'alinéa 3 de l'article 1077-2 du Code civil. Cette action permet au présomptif héritier non conçu au moment de la donation-partage de mettre en œuvre une action en réduction aux fins d'obtention de sa part de réserve héréditaire, d'une part, et de sa part héréditaire, d'autre part (part de réserve complétée du reliquat de quotité disponible partagée, abintestat, par parts égales entre les héritiers dudecujus). 47 - Titulaires. – ‰ l'héritier présomptif non encore conçu au moment de la donation-partage, cette hypothèse n'est pas qu'un cas d'école en raison du nombre croissant d'enfants issus d'unions successives ; ‰l'héritier qui a été évincé de la donation-partage en l'absence de volonté du disposant (ex : lien de filiation méconnue du donateur 33. Attention : La doctrine a pu envisager d'étendre l'action au conjoint survivant lors d'un partage entre frères et sœurs antérieur à l'union. C'est le cas également de l'héritier dont l'acceptation a été annulée34. 48 - Délai de l'action. – En vertu de l'article 1077 du Code civil, l'action de l'enfant non conçu s'assimile à l'action en réduction« classique »des autres héritiers, l’héritier non conçu doit agir dans un délai de 5 ans à compter du décès dudecujus pour obtenir reconstitution de sa part héréditaire. 49 - Modalités de calcul de l'indemnité en reconstitution de part. –Afin de déterminer les droits de l'héritier non conçu au moment de la donation-partage, il convient de procéder aux opérations comptables permettant de définir le montant de la réserve héréditaire et de la quotité disponible définies à l'article 922 du Code civil afin d'identifier sa part de réserve. Lors de la réalisation des opérations de liquidation, le non-respect des conditions cumulatives fixées à l'article 1078 du Codecivil 35aura pour conséquence d'écarter l'application du principe de fixité des valeurs. Ainsi, les biens donnés seront évalués en valeur décès d’après leur état au jour de la donation (pour les besoins de cette liquidation singulière, la donation en question sera considérée comme étant sujette à rapport alors même qu'elle demeurera non rapportable). Si la quotité disponible n'a pas été intégralement absorbée par d'autres libéralités, l'enfant non conçu pourra envisager de percevoir sa part héréditaire en complément de sa part réservataire. C. - L'inopposabilité – l'action paulienne 50 - Il s'agit ici d'envisager rapidement l'éventualité d'une donation-partage consentie en fraude des droits des créanciers du donateur. Par exemple, la donation-partage intervient très peu de temps avant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire d'une société alors que le donateur s'était porté caution de ladite société36, ou encore la donation est consentie après que le donateur a été informé par l'administration fiscale de l'ouverture 31. Cass.1re civ., 4 nov. 2015, n° 14-23.662. – Cass. 1re civ., 25 mai 2016, n° 1516.160 : JurisData n° 2016-009853 ; RJPF 2016-1/28, note F. Sauvage. « Pour le calcul de la réserve, les biens donnés doivent être estimés à leur valeur réelle, quelles qu'aient pu être celles énoncées à l'acte. » : Cass. 1re civ., 25 mai 2016 : Dr. famille 2016, comm. 184, obs. M. Nicod. 32. V. M. Grimaldi, Libéralités. Partages d’ascendants : Litec, 2000. 33. V. not. F. Terré et Y. Lequette, Les successions. Les libéralités : Précis Dalloz, 3e éd., 1997. 34. Pour rappel : 1) tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l’ascendant doivent avoir reçu un lot dans le partage anticipé ; 2) Ils doivent l'avoir expressément accepté ; 3) Absence de réserve d'usufruit sur une somme d'argent ; 4) Absence d'une stipulation écartant le régime dérogatoire d'évaluation pour le régime de droit commun de l'article 922 du Code civil. 35. CA Nancy, 5 mars 1986 : JurisData n° 1986-041811. 36. CAParis, 1re ch., sect. B, 22 avr. 2005 : JurisData n° 2005-277164. 21 ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXISSA Dossier
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