Cette renonciation doit être faite au profit d’une ou de plusieurs personnes déterminées. La renonciation n’engage le renonçant que du jour où elle a été acceptée par celui dont il a vocation à hériter. La renonciation peut viser une atteinte portant sur la totalité de la réserve ou sur une fraction seulement. Elle peut également ne viser que la réduction d’une libéralité portant sur un bien déterminé. L’acte de renonciation ne peut créer d’obligations à la charge de celui dont on a vocation à hériter ou être conditionné à un acte émanant de ce dernier. Cet acte permet à un héritier réservataire de renoncer, du vivant de son parent, à exercer l’action en réduction pour le cas où le futur decujusaurait réalisé des libéralités excessives ne permettant pas de l'allotir en totalité de sa part de réserve. Autrement dit, l'héritier renonce par anticipation à revendiquer sa part de l'indemnité de réduction éventuellement due. La solennité du formalisme rappelle la gravité de cet acte qui doit rester exceptionnel. Elle pourrait viser indistinctement toutes les libéralités faites aux descendants ou une partie seulement en sélectionnant celles qui en seraient l'objet et en limitant éventuellement la portée de la renonciation donnée à une fraction de ces libéralités (ainsi, par exemple, la fraction des libéralités réincorporées dans une donation-partage correspondant à leur réévaluation rendue nécessaire par le second alinéa de l'article 1078-2 du Code civil). Malgré ses caractères abdicatif et gratuit, la renonciation à agir en réduction n'est pas considérée comme une libéralité compte tenu de son caractère incertain(C. civ., art. 930-1, al. 2). Conseil pratique : La RAAR saurait être pertinente notamment dans les cas suivants : protéger un frère et/ou une sœur plus vulnérable, consolider la transmission de l'entreprise familiale au profit d'un bénéficiaire qui en assurera la pérennité ou la transmission d'une majorité du patrimoine familial sur l'enfant qui a une descendance (planification successorale à enjeux). 41 - Titulaires de l'action. –Tout héritier ayant une vocation réservataire (descendants et conjoint dans certains cas) peut consentir à cet acte abdicatif. S'agissant d'un acte pouvant avoir des conséquences lourdes sur le patrimoine du renonçant, le régime de capacité à l'effet de conclure un tel acte est le même qu'en matière de donation(C. civ., art. 930-1)28. À ceci près que l'incapacité qui peut en résulter est même à certains égards de jouissance et non seulement d'exercice. Ainsi, la renonciation anticipée à l’action en réduction ne pourra être envisagée du chef : ‰d'un enfant mineur, qu'il soit émancipé ou représenté par son administrateur légal ayant reçu une autorisation judiciaire (C. civ., art. 930-1, al. 1er) ; ‰ d'un majeur sous tutelle(C. civ., art. 509, 1°). En présence d'une personne sous curatelle, le curateur doit assister le majeur protégé(rappr. C. civ., art. 467, al. 1er).Lejuge des contentieux de la protection pourrait être saisi afin de confirmer ou lever le veto du curateur. 42 - Modalités formelles. –Outre le régime de nullité, inspiré mutatis mutandisde celui des libéralités, et eu égard à la gravité évoquée de cette renonciation, les dispositions des articles 929 et 930 du Code civil soumettent cet acte à un formalisme renforcé sous peine de nullité, savoir : ‰l'acte doit préciser le périmètre (une ou plusieurs libéralités), le(s) bénéficiaire(s) de la renonciation, car cette dernière« peut viser une atteinte portant sur la totalité de la réserve ou sur une fraction seulement » ainsi toutes les limitations objectivement déterminées sont envisageables 29 ; ‰la renonciation devra être acceptée par le donateur, futur de cujus. Il s'agit d'un pacte de famille qui requiert un véritable consensus ; ‰ l'acte authentique de renonciation doit être reçu par deux notaires en présence de chaque renonçant reçu séparément ; ‰il doit comporter la mention des conséquences juridiques de la renonciation. Il s'agira principalement de délivrer une information claire et précise explicitant les notions essentielles de l'acte (réserve, quotité disponible) et leur fonctionnement (calcul de la quotité disponible, imputation, réduction) et le cas échéant de les illustrer au moyen d'exemples chiffrés ; ‰ en outre, la loi interdisant de créer toute obligation à la charge du donateur ou de conditionner la signature de la renonciation anticipée à l'action en réduction à un acte émanant du donateur, il est impératif de prendre toute précaution rédactionnelle afin de ne créer aucun lien d'indivisibilité entre la libéralité projetée et la renonciation constatée (C. civ., art. 929). La signature de l'acte de renonciation à agir en réduction ne doit pas faire état d'une quelconque contrepartie, il doit être régularisé en toute indépendance. Enfin, le législateur a prévu des causes spéciales de révocation énoncées aux termes de l'article 930-3 du Code civil. Le renonçant pourrait envisager de révoquer sa propre renonciation dans les hypothèses suivantes, si : ‰ « Celui dont il a vocation à hériter ne remplit pas ses obligations alimentaires envers lui ; ‰Au jour de l’ouverture de la succession, il est dans un état de besoin qui disparaîtrait s’il n’avait pas renoncé à ses droits réservataires ; ‰Le bénéficiaire de la renonciation s’est rendu coupable d’un crime ou d’un délit contre sa personne. » B. - La perte des avantages de la donation-partage 43 - Il s'agit ici d'envisager le cas d'une donation ne répondant pas aux exigences d'une donation-partage. Par exemple, les donataires ne sont pas des héritiers présomptifs (hors le cas prévu à l'article 1075-2 du Code civil). Il est à noter que depuis la loi du 23 juin 2006, ces héritiers présomptifs n'ont plus à être impérativement des descendants du donateur. Ou encore tous les descendants du donateur ne reçoivent pas un lot dans le partage. Dans ces hypothèses, la donation-partage perd ses attributs et se trouve disqualifiée en donation simple. Remarque : Les vérifications faites par le notaire lors de la rédaction de l'acte excluent théoriquement toute omission d'un descendant, néanmoins, il ne faut pas oublier l'hypothèse de la survenance d'enfant : soit la donationpartage était consentie à des présomptifs héritiers autres que descendants et elle dégénère en donation simple ou est révoquée si l'acte le prévoit (C. civ., art. 960), soit la donation-partage était consentie à tous les descendants existant au moment de l'acte mais elle perdra l'avantage de la fixité des valeurs pour l'imputation et le calcul de la réserve, une liquidation spécifique étant également à envisager 30. 28. V. JCl. Civil Code, Art. 912 à 930-5, fasc. 50, 2014, par C. Brenner, n° 20. 29. V. n° 46 et s., pour le cas particulier de l'enfant non conçu. 30. V. supra Le caractère protéiforme des donations-partages : Actes prat. strat. patrimoniale 2023, n° 3, dossier 19. 20 © LEXISNEXISSA - ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 Dossier
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