36 - Modalités formelles de la mise en œuvre. –En l'absence de dispositions légales, la demande en réduction peut être expresse ou tacite. La Cour de cassation a donné raison aux juges du fond d’avoir énoncéque« la demande de réduction d’une donation n’était pas, faute d’un texte, soumise à la formalité d’une déclaration expresse »22. Par conséquent, la réduction peut être constatée amiablement ou, faute d'accord, une action devra être introduite devant le tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession. Conseil pratique : Lorsqu’elle intéresse des immeubles, la demande en réduction est à publier au service de publicité foncière du lieu de situation de l'immeuble concerné23. 37 - Modalités de calcul de l'indemnité de réduction. –Lafinalité des opérations comptables de liquidation (établissement de la masse de calcul au moyen de l'inventaire des biens existants et de la réunion fictive des donations puis imputation des libéralités consenties par le défunt) est d'identifier d’éventuelles atteintes à la réserve héréditaire résultant de libéralités consenties par le défunt. S'agissant de la donation-partage, l'article 1077-2 du Code civil énonce que : Les donations-partages suivent les règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne l’imputation, le calcul de la réserve et la réduction. L’action en réduction ne peut être introduite qu’après le décès du disposant qui a fait le partage. En cas de donation-partage faite conjointement par les deux époux, l’action en réduction ne peut être introduite qu’après le décès du survivant des disposants, sauf pour l’enfant non commun qui peut agir dès le décès de son auteur. L’action se prescrit par cinq ans à compter de ce décès. L’héritier présomptif non encore conçu au moment de la donation-partage dispose d’une semblable action pour composer ou compléter sa part héréditaire. Sous réserve d'un aménagement de la méthode liquidative et la possibilité de geler les valeurs données au jour de l'acte aux conditions de l'article 1078 du Code civil, la réduction de la donation-partage obéit pour l'essentiel au régime de droit commun régi par les articles 918 et suivants du Code civil, en particulier en ce qui concerne les modalités de réduction des libéralités excédant la quotité disponible24. Aux termes de ces opérations comptables, lorsqu'une atteinte à la réserve héréditaire a été constatée, la réduction de la donation-partage concernée peut être mise en œuvre. Le donataire trop avantagé doit dès lors indemniser les héritiers lésés. L'indemnisation de l'héritier réservataire défavorisé peut être réalisée selon deux méthodes : ‰le principe consacré par la loi du 23 juin 2006 est celui de la réduction en valeur. L'indemnisation peut avoir lieu au moyen du versement d'une somme d'argent ou par attribution en nature au profit des cohéritiers créanciers d'autres biens, dans le cadre du partage successoral, pour autant que les biens existants au jour du décès soient suffisants. Le donataire consolide alors ses droits de propriété sur le bien donné et prend une part moins importante sur les biens successoraux ; ‰ la réduction en nature (attribution de quote-part indivise du bien donné) sera envisagée lorsque les biens successoraux existants sont insuffisants ou lorsque le donataire n'est pas en capacité de financer de ses deniers personnels l'indemnité fixée. Toutefois, elle demeure l'exception. La mise en œuvre de l'action en réduction dans une fratrie n'est pas de bon augure pour l'harmonie familiale. Il est à craindre que la création d'indivision forcée par le jeu de la réduction en nature ne soit pas propice à la pacification des relations familiales. Conseil pratique : L'article 924-4 du Code civil offre la possibilité aux héritiers réservataires de donner leur consentement à l'aliénation des biens donnés et de renoncer à exercer toute action en nature sur les biens donnés, à l'encontre d'un tiers détenteur. Dans ce cas, la réduction en nature n'est alors plus envisageable, seule la réduction en valeur pourra être mise en œuvre. Attention : La réduction est encore au cœur des débats et connaît une actualité récente puisque la loi du 24 août 2021 vient renforcer l'obligation de conseil du notaire en la matière, en prévoyant aux termes de l'article 921 du Code civil, dont les dispositions sont ci-après rapportées : « ... Lorsque le notaire constate, lors du règlement de la succession, que les droits réservataires d’un héritier sont susceptibles d’être atteints par les libéralités effectuées par le défunt, il informe chaque héritier concerné et connu, individuellement et, le cas échéant, avant tout partage, de son droit de demander la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible. » Conformément au II de l’article 24 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, ces dispositions entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de ladite loi et s’appliquent aux successions ouvertes à compter de son entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt avant ladite entrée en vigueur. 2° Renonciation à l'action en réduction 38 - Par principe, et en application de l'interdiction des pactes sur successions futures, il n'est possible de renoncer à l'action en réduction qu'après l'ouverture de la succession. 39 - Renonciation postérieure à l'ouverture de la succession. – L'exercice de cette action est facultatif et rien n'oblige l'héritier à agir. Ce dernier est libre d’y renoncer, même tacitement, sans formalisme particulier 25. Une renonciation tacite ne peut toutefois être invoquée qu’à condition que l’héritier réservataire ait eu connaissance de son droit à réserve et de l’atteinte qui lui était portée26. Pour des questions évidentes de consentement éclairé du renonçant, la renonciation à invoquer l'action en réduction ne dispense pas des opérations comptables essentielles à l'établissement de la masse de calcul de la quotité disponible et de la réserve héréditaire globale. 40 - Renonciation anticipée à l'action en réduction (RAAR). – Par exception au principe ci-dessus énoncé, l'article 929 du Code civil permet de renoncer de manière anticipée, c'est-à-dire avant l'ouverture de la succession du donateur, à l'action en réduction. Cet acte juridique est un pacte sur succession future introduit par la loi n° 2006-728 du 23 juin 200627. Entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2007, elle peut néanmoins concerner des libéralités consenties antérieurement à cette date. L'article 929 du Code civil énonce : Tout héritier réservataire présomptif peut renoncer à exercer une action en réduction dans une succession non ouverte. 21. V. Cass. req., 16 nov. 1942 : JCP N 1943, II, 2163. 22. V. D. n° 55-22, 4 janv. 1955, art. 28, 4°. 23. V. infra Partie 3 : Le traitement liquidatif des donations-partages. 24. V. Cass. 1re civ., 4 nov. 1975, préc. n° 35. – Cass. 1re civ., 27 janv. 1993 : Dr. & patr. juin 1993, p. 25. 25. V. CA Aix-en-Provence, 1re ch. civ., 2 févr. 1987 : JurisData n° 1987-043853. 26. JO 24 juin 2006. 27. V. supra Le caractère protéiforme des donations-partages : Actes prat. strat. patrimoniale 2023, n° 3, dossier 19. 19 ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXISSA Dossier
RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=