Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniales

d'aucun bien donné par le donateur agissant en révocation. Il serait dans ce cas inique d'admettre qu'il puisse conserver l'intégralité de son lot sans subir de sanction. En pareille hypothèse, il conviendra alors de déterminer la proportion des biens donnés par le donateur concerné dans la masse totale puis d'appliquer cette proportion au lot du donataire fautif. Le mode de restitution proportionnel doit être expressément prévu dans l'acte ; à défaut, le mécanisme légal s'appliquera. 3° Conséquences fiscales de la révocation amiable et judiciaire 29 - Sur le plan fiscal, il y a lieu de distinguer selon que la révocation est amiable ou judiciaire. 30 - Révocation judiciaire. –La cause de la révocation détermine les modalités de restitution des droits de mutation à titre gratuit : ‰ aucune restitution n'est possible en cas de révocation pour cause d’inexécution des charges ou pour cause d’ingratitude(C. civ., art. 954 à 958) en application de l'article 1961, alinéa 1er du CGI qui énumère les cas dans lesquels la restitution est prohibée ; ‰il est cependant admis que les résolutions légales autorisent la restitution sans qu’il soit nécessaire qu’elle soit judiciairement constatée. S'agissant particulièrement de la révocation pour survenance d'enfant et en raison de son effet rétroactif (C. civ., art. 963), la restitution des droits paraît pouvoir être obtenue, l'article 1961 du CGI ne visant pas cette cause de révocation15. Dans ces différentes hypothèses, aucun autre droit proportionnel d'enregistrement ne sera perçu(CGI, art. 1961, al. 3). 31 - Révocation amiable. –La résolution (comme l’annulation) amiable d’un acte ne peut en aucun cas donner ouverture à la restitution des droits. Pour motiver le remboursement de l’impôt, l’annulation doit en principe être judiciaire (CGI, art. 1961, al. 2). Lorsque des droits proportionnels ou progressifs sont dus à la suite de la révocation de la donation, ils sont liquidés sur la valeur des biens au jour de cette révocation, telle que déclarée par les parties. Cependant, lorsque les charges imposées au donataire sont supérieures à cette évaluation, le droit sera alors liquidé sur la valeur des charges 16. En termes de publicité foncière, la révocation de la donation doit être publiée et donne lieu à la perception de la contribution de sécurité immobilière sur la valeur estimée des immeubles ou des droits faisant l'objet de la publication17. 2. La contrariété des effets de la donation-partage 32 - Dans certaines situations, la donation-partage n'est pas anéantie mais peut-être réduite dans ses effets et notamment subir la perte de ses avantages liquidatifs régis principalement par l'article 1078 du Code civil, ou encore être frappée d'inopposabilité. A. - L'action en réduction et la renonciation anticipée à l'action en réduction (RAAR) 33 - En préambule, il convient de distinguer l'action en réduction de la donation (ou en reconstitution de part), de l'action en nullité précédemment visée. L'atteinte à la réserve d'un héritier n'est pas une cause de nullité de l'acte mais le fondement de la réduction d'une libéralité excessive qui se matérialise par l’indemnisation des héritiers réservataires « à concurrence de la portion excessive de la libéralité » (C. civ., art. 924, al. 1er). Par conséquent, les donations qui heurtent les droits d’un héritier réservataire ne sont pas nulles mais sont seulement réductibles à concurrence de la quotité disponible, la jurisprudence étant constante en la matière18. L’action en réduction doit également être distinguée de la résolution, le caractère excessif d'une donation ne pouvant être assimilée à l'inexécution d'une obligation. L'action en réduction est donc une action particulière dont les principaux éléments de son régime sont ici rappelés. 1° Action en réduction de la donation-partage excessive 34 - Titulaires de l'action. –En cas de non-respect de la part de réserve d'un ou plusieurs héritiers, la donation-partage, comme toute autre libéralité, pourrait être remise en cause par la mise en œuvre de l'action en réduction, individuellement par un héritier ou encore collectivement par tous ou seulement certains d'entre eux. En effet, l'héritier, ses représentants voire ses créanciers, dont la part se trouve entamée en raison de libéralités excessives peuvent solliciter le versement d'une indemnité de réduction afin de se voir rempli de ses droits réservataires. 35 - Modalités temporelles de la mise en œuvre de l'action en réduction. –Il résulte des dispositions de l’article 920 du Code civil que l’action en réduction ne peut être exercée qu’à compter du décès du disposant : « Les libéralités (...) qui portent atteinte à la réserve d’un ou plusieurs héritiers sont réductibles à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession ». S'agissant de l'introduction d'une telle action, le présomptif héritier réservataire n'a pas la possibilité d'agir tant que le donateur n'est pas décédé, exception faite de la renonciation anticipée à l'action en réduction qui sera étudiée ci-après. En ce qui concerne la prescription, l'action peut, à l'ordinaire, être introduite au plus tard dans le délai de 5 ans à compter du décès du donateur. Ce délai est fixé à 2 ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder 10 ans à compter du décès, ainsi que le prévoit l'article 921 du Code civil, ce nouveau délai ne s'appliquant qu'aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 200719. Ce délai de prescription spécial est naturellement applicable aux donations-partages conjonctives consenties à des enfants communs et non-communs. Toutefois, l’action ne peut être introduite qu’après le décès du survivant des donateurs par les enfants communs, l’enfant non commun pourra quant à lui agir dès le décès de son auteur 2021 15. En ce sens, arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 4 décembre 2007 (Bull. civ. IV, n° 256 : Ind. enr. 2008, n° 19095) qui a admis que les droits perçus sur la donation résolue par l’effet d’un droit de retour conventionnel pouvaient être restitués, dès lors que l’article 1961, alinéa 1er du CGI, qui énumère les cas dans lesquels toute restitution est exclue, ne vise pas les articles 951 et 952 du Code civil. Sur cette décision, V. F. Fruleux, Donations faisant l’objet d’un droit de retour légal ou conventionnel : restitution ou imputation des droits : JCP N 2008, n° 41-1307. – F. Douet, Retour conventionnel et restitution des droits d’enregistrement : Defrénois 2008, art. 38803. 16. Cass., 24 août 1869 : Instr. 2394, sect. 4. 17. Bulté : JCP B 1959, prat. 2747. 18. V. Cass. civ., 1er juin 1932 : DP 1932, p. 169, R. Savatier. – Et Cass. 1re civ., 12 mars 1985 : Bull. civ. I, n° 93. 19. V.Cass. 1re civ., 22 févr. 2017, n° 16-11.961 : JurisData n° 2017-002800. 20. Cette hypothèse fera l'objet d'un développement spécifique. V. infra partie 3 : Le traitement liquidatif des donations-partages. 18 © LEXISNEXISSA - ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 Dossier

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