Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniales

garanti en droit interne par l'article 815 du Code civil 10 ou encore de celui d'ester en justice, en violation de l’article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales 11. À défaut de respecter ces conditions, la clause sera réputée non écrite. 22 - Conventions sur les incorporations. – À l'occasion de l'incorporation de donations antérieures, les parties peuvent être tentées de déroger conventionnellement aux règles applicables à l'évaluation des donations antérieures ainsi qu'à leurs modalités d'imputation12. Ces dérogations sont multiples, notamment lorsque les donateurs et donataires conviennent ce qui suit : ‰l'incorporation portera sur le montant nominal du don antérieur alors que des subrogations sont intervenues depuis ou la valeur des biens a varié dans l'intervalle. La fragilité de cette disposition est d'autant plus évidente dans le cas d'une incorporation en nature ; ‰les donations incorporées seront imputées à leur date initiale et non à la date à laquelle elles ont été incorporées. Ces conventions sont critiquables et seraient vraisemblablement annulées ou réputées non écrites en cas d'action judiciaire. 23 - Convention sur la méthode liquidative. – En présence d'une donation-partage inégalitaire, la prise en compte liquidative de celle-ci lors du règlement de la succession du disposant est controversée. Deux méthodes s'opposent : la méthode dite « Paris » et la méthode dite « Carpentras ». Bien que la méthode de « Paris » ait la faveur d'une partie non négligeable de la doctrine, le droit positif n'est pas fixé sur la question, ce qui laisse planer une incertitude sur le traitement des donations-partages concernées. Outre la clause d'avertissement d'usage qu'il est recommandé de faire figurer dans l'acte, les parties pourraientelles par avance arbitrer la méthode liquidative à retenir ? Nous émettons les plus grandes réserves à ce titre, les règles gouvernant la détermination de la réserve étant d'ordre public. Conseil pratique : Il est conseillé de circonstancier particulièrement le contexte de la donation en indiquant dans un exposé par exemple la motivation du donateur dans les attributions inégales qui seront constatées, préciser qu'il s'agit d'une condition essentielle et déterminante, et indiquer s'il entend que le déséquilibre soit maintenu (dans les limites de ce que la loi permet) ou corrigé. Le donateur indiquerait ainsi indirectement le choix de la méthode liquidative qui aurait sa faveur... sans réelle possibilité de contrainte néanmoins. Le donateur pourrait utilement et concomitamment confirmer son intention dans un testament dont les termes seraient plus explicites sans encourir la sanction de la nullité des pactes sur succession future. Il conviendrait, par exemple, pour le de cujus de léguer ses biens (existants) à égalité entre ses enfants (ou souches), ce qui aboutirait à imposer la méthode parisienne. B. - Les effets 1° Nullité 24 - Les causes de nullité ci-dessus anéantissent totalement la donation-partage qui perdra par principe tous ses effets. Les stipulations illicites affectent également l'ensemble de l'acte si elles s'analysent en une condition impulsive et déterminante. Attention : La nullité pour vice de forme (défaut d'acte authentique) ou pour défaut d'état liquidatif des meubles est une nullité absolue. 2° Révocation et droit de retour 25 - La révocation et le droit de retour ont un effet résolutoire et font perdre à la donation-partage ses effets à l'égard du donataire concerné uniquement. Les biens reviennent entre les mains du donateur, libres de toutes charges. 26 - La donation-partage conserve tous ses effets à l'égard des autres donataires et ne remet pas en cause l'efficacité du partage. La question pourrait se poser notamment si l'un des donataires se voit ainsi priver de l'intégralité de son lot ou si ce lot est composé de la totalité des biens donnés par l'un des donateurs dans une donation-partage conjonctive. La question est nettement tranchée depuis un arrêt de la Cour de cassation du 4 juillet 200613 : la donation-partage conserve tous ses effets à l'égard des autres donataires. 27 - Cas des donations-partages comportant des soultes. –La présence de soultes ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de la révocation ou du droit de retour. D'ailleurs, dans l'espèce de l'arrêt du 4 juillet 2006 précité, la donation-partage contenait une soulte (mise à la charge du donataire visé par la révocation) : la soulte est demeurée acquise aux bénéficiaires. Dans l'hypothèse d'une donation-partage conjonctive dans laquelle le lot du donataire visé par la révocation ne serait composé que d'une soulte, il y aurait lieu de calculer la fraction de la soulte correspondant à la proportion des biens donnés par le donateur concerné dans la masse totale, sauf si les deux donateurs ont agi en révocation (dans ce cas c'est la totalité de la soulte qui serait restituée). Il en va de même pour une donationpartage cumulative ou le donateur est unique mais aux termes de laquelle les biens donnés proviennent tant du donateur que de la succession de son conjoint précédé. Si la soulte est reçue par le donataire frappé de révocation, elle devrait pareillement être restituée. Pour la mise en œuvre du droit de retour, les mêmes principes devraient s'appliquer au lot composé de soulte. Toutefois sa finalité étant de maintenir les biens dans la famille, on peut s'interroger sur la pertinence de la clause appliquée à une soulte, à moins que sa rédaction n'ait étendu le droit de retour aux biens subrogés. Il est recommandé dans ce cas de bien peser les conséquences liquidatives dans la succession du donataire prédécédé : le donateur qui sollicite la restitution de la soulte (ou du prix de vente subrogé) devient créancier de la succession du donataire, ce qui engendre un passif susceptible d'obérer l'actif de manière importante, voire l'excéder. 28 - Cas des donations incorporées. –En principe, la donation simplement incorporée en valeur sera épargnée par le droit de retour, sauf l'effet d'une clause de subrogation reportant le droit de retour sur la valeur incorporée. En cas d'incorporation en nature, la donation incorporée sera résolue et les biens repris par le donateur (et non le donataire originaire incorporant). Que ce soit pour les causes de révocation ou pour l'exercice du droit de retour, il est admis qu'on puisse conventionnellement déroger au mécanisme légal de restitution en considération de l'origine des biens en faveur d'une méthode dite« proportionnelle », validée par la jurisprudence14. Cette dernière permet une restitution considérée plus juste, a fortiori lorsque le donataire fautif (dans l'hypothèse d'une révocation) ne serait alloti 10. Cass.1re civ., 16 déc. 2015, n° 14-29.285. – Cass. 1re civ., 3 avr. 2016, n° 1513.312. 11. Cass. 1re civ., 16 déc. 2015, préc. 12. Ces sujets seront plus amplement développés ultérieurement. V. infra partie 2 : Le mécanisme de l'incorporation et partie 3 : Le traitement liquidatif des donations-partages. 13. Cass.1re civ., 4 juill. 2006 : JCP N 2009, n° 5, 1063-9, chron. R. Le Guidec ; RTD civ. 2007, p. 614, obs. M. Grimaldi. 14. Cass.1re civ., 29 mai 1980 : DEF 1981, art. 32648, n° 22 et 23, note Y. Flour et M. Grimaldi. 17 ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXISSA Dossier

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