Actes Pratiques et Stratégie Patrimoniales

C. - Donation-partage conjonctive au sein des familles recomposées 47 - En 2020, 9 % des familles en France sont des familles recomposées 30. La présence d'enfants issus d'unions successives est une situation à laquelle les notaires sont confrontés de manière habituelle et pour lesquelles ils doivent proposer les meilleurs schémas de transmission. Depuis la loi du 23 juin 200631, validant la solution approuvée par la jurisprudence et les auteurs, il est possible d'organiser une transmission unique au sein d'un même acte au profit des enfants communs du couple et ceux issus de précédentes unions des donateurs. L'article 1076-1 du Code civil le prévoit expressément : « En cas de donation-partage faite conjointement par deux époux, l’enfant non commun peut être alloti du chef de son auteur en biens propres de celui-ci ou en biens communs, sans que le conjoint puisse toutefois être codonateur des biens communs. » La seule condition posée par le texte est celle d'allotir l'enfant non commun qu'au moyen de biens appartenant à son auteur. 1° La formation de la donation-partage conjonctive 48 - La donation-partage conjonctive est celle par laquelle deux parents vont fondre leurs biens en une masse unique afin de la répartir entre les donataires, leurs présomptifs héritiers. En présence d'enfants issus d'unions différentes, la donation-partage présentera certaines particularités. a) Les parties 49 - Du côté des donateurs. – Les donateurs seront ici les parents des donataires. L'article 1076-1 du Code civil parle «d'époux »mais il est admis que la situation maritale des donateurs est sans incidence (mariés, divorcés, pacsés ou simplement concubins). De même le régime matrimonial des donateurs est sans incidence, sauf l'attention particulière à porter aux époux mariés sous un régime de communauté si des biens communs sont attribués aux enfants non communs. 50 - Du côté des donataires. –Les donataires pourront être des enfants communs aux donateurs ou des enfants de l'un des donateurs seulement. Toutefois pour que la donation-partage soit conjonctive (c'està-dire consentie conjointement par les donateurs), il est nécessaire d'être en présence d'au moins deux enfants communs. À défaut, il ne pourrait s'agir que de deux donations-partages simples (respectivement consenties par chaque donateur à ses seuls enfants). Cette exigence n'est pas posée par les textes mais est reconnue par la majorité des auteurs et peut s'appuyer sur une réponse ministérielle32. Les enfants non communs peuvent être indifféremment issus de l'un des donateurs ou de chacun d'eux. Attention : Si l'un des donateurs n'a qu'un seul enfant (commun ou non), la donation ne sera pas une donationpartage. b) Les biens 51 - Les biens transmis pourront être des biens communs, indivis ou propres aux donateurs, mais une vigilance particulière sera de mise en présence de donateurs mariés sous un régime de communauté. L'article 1076-1 du Code civil impose de n'allotir l'enfant non commun qu'avec des biens de son auteur. S'il s'agit d'un bien commun, il ne pourra être donné par un donateur seul qu'avec l'accord de son conjoint (C. civ., art. 1422, al. 1) ce dernier ne se portant pas codonateur. Cette dernière précision est essentielle à la fois sur le plan civil parce que le donataire n'est pas présomptif héritier du conjoint et qu'il ne peut donc être gratifié par lui via une donation-partage, mais aussi sur le plan fiscal car la donation ainsi reçue donnerait lieu à la perception de droits au taux de 60 %. 52 - Les lots revenant à chacun des donataires pourront être librement composés de biens communs et/ou de biens propres. Les enfants non communs ne pourront toutefois recevoir que des biens communs ou des propres de leur auteur, à l'exception de biens propres du conjoint. Attention : Pour des époux mariés sous le régime de la communauté, si la donation-partage ne comprend que des biens propres et aucun bien commun, il est impératif que ceux-ci proviennent des deux donateurs (pas forcément de manière égale, mais au moins à concurrence de la valeur d'un lot) pour permettre l'allotissement des enfants non communs. Si la donation-partage ne porte que sur des biens propres de l'un des donateurs, l'allotissement du ou des enfants non communs du conjoint sera impossible ; la donationpartage serait alors une donation-partage simple, consentie par un seul des époux à l'exclusion de son conjoint. 53 - Comme dans les donations-partages classiques, la masse pourra comprendre des donations incorporées. Comme pour les biens nouvellement donnés, l'origine des biens devra être examinée avec soin s'il est envisagé de changer l'attributaire. Si la donation portait sur des biens propres du donateur (ou des biens communs donnés seul avec l'accord du conjoint), elle ne pourra être attribuée qu'à son bénéficiaire d'origine ou à l'un des enfants du donateur originaire. Si la donation portait sur des biens communs donnés par les deux époux, elle ne pourra être attribuée qu'au donataire originaire ou à un autre enfant commun des donateurs 33. 54 - Que la donation-partage soit consentie de manière égalitaire ou non, les lots attribués à chacun des donataires pourront être compensés par des soultes. En l'absence de commentaire fiscal sur cette question, ou de décision de jurisprudence, il peut être recommandé ici 34 d'éviter tout versement de soulte entre les enfants non communs de l'un des donateurs et les enfants non communs de son conjoint c'est-à-dire des donataires qui n'ont aucun lien entre eux. 2° Le traitement liquidatif civil et fiscal a) Récompenses (biens communs) / Rapport et Imputation / La réduction : article 1077-2 du Code civil 55 - Récompenses. –Lorsqu'un enfant non commun est alloti au moyen de biens communs, ceux-ci sont donnés par le parent de l'attributaire seul avec l'accord du conjoint pour les raisons civiles et fiscales évoquées ci-dessus. L'époux donateur sera alors redevable au profit de la communauté d'une récompense égale à la valeur des biens communs qu'il a donnés seul. Ce chef de récompense pourrait être supprimé dans le cadre d'un aménagement de régime matrimonial. Attention cependant au traitement des avantages matrimoniaux et à l'action en retranchement pouvant être exercée à leur encontre. 56 - Rapport et imputation. – En raison de l'imbrication des donations-partages consenties par les deux donateurs, la ques30. Source : INSEE, enquête annuelle de recensement 2020. 31. L. n° 2006-728, 23 juin 2006, art 23. 32. Rép. min. n° 12920 : JOAN Q 11 mars 2008, p. 2136, Cuq. 33. M. Mathieu et J.-F. Pillebout, JCl. Notarial Formulaire, DONATIONPARTAGE Enfants de différents lits, fasc. 22. 34. M. Mathieu et J.-F. Pillebout, JCl. Notarial Formulaire, préc. 12 © LEXISNEXISSA - ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 Dossier

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