portant uniquement sur les biens immobiliers. La donationpartage de sommes d'argent n'encourt aucune critique et bénéficierait du gel des valeurs et de l'absence de rapport, évitant ainsi toute discussion sur l'emploi ultérieur des sommes. Cet acte portant uniquement sur des « sommes, créances ou valeurs mobilières cotées »bénéficie en outre de l'émolument réduit du tarif. 16 Seule la « donation-partage » portant sur des biens immobiliers pourrait être remise en cause, pour autant que l'un des donataires y ait intérêt (ce qui n'est pas certain surtout si les biens sont toujours dans le patrimoine des donataires et que les lots étaient rigoureusement identiques). 31 - Cette manière de faire n'est évidemment pas sans risque. À tout le moins, une« donation-partage »laissant des biens en indivision entre les donataires devra comprendre une clause d'avertissement des parties leur rappelant l'existence de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, ses conséquences liquidatives et la possibilité d'un partage ultérieur des biens donnés sous la médiation du donateur. Conseil pratique : Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du 6 mars 2013, l'acte renfermait une clause dans laquelle le donateur imposait aux donataires de rester dans l'indivision et semblait interdire tout partage de son vivant. Or, selon une doctrine particulièrement éminente17, seul le donateur pourrait être à l'origine du partage des biens donnés puisqu'il doit nécessairement intervenir sous sa médiation sauf à être en contravention avec les dispositions de l'article 1076, alinéa 2 du Code civil 18. Prohiber cette possibilité interdirait irrémédiablement la qualification de donation-partage. Les clauses éventuellement restrictives de l'acte devront donc être rédigées avec soin pour éviter cet impair. b) Des solutions efficaces, mais onéreuses 32 - Procéder au partage dans un acte ultérieur. –Cette possibilité est expressément prévue par l'article 1076 du Code civil qui impose simplement que le donateur intervienne aux deux actes. Tant que le donateur est vivant, le partage peut intervenir et la donation-partage être« sauvée ». Cette solution techniquement possible présente cependant l'inconvénient de son coût : alors que le droit de partage n'est par principe pas dû lorsque le partage est opéré dans l'acte de donation (car il est alors une disposition dépendant de celle-ci et seuls les droits de mutation à titre gratuit doivent être liquidés), il le devient lorsqu'il intervient par acte séparé ainsi que nous l'avons dit ci-dessus. Le surcoût peut être important et dissuasif. Sur le plan liquidatif, la donation prendra rang à la date du partage (date à laquelle elle est « consolidée ») et les biens devront être évalués à cette date pour l'imputation et le calcul de la quotité disponible. 33 - Incorporation à une donation-partage ultérieure. – L'incorporation pouvant porter indifféremment sur des donations simples ou des donations-partages, il peut être envisagé de procéder ultérieurement à une nouvelle donation comprenant aussi des nouveaux biens permettant d'équilibrer les lots. Les incorporations étant soumises au droit de partage, le coût de l'acte sera très fortement majoré. 34 - Apport à société et donation des parts. –La propriété étant détenue par la société, les donataires sont propriétaires divis de parts sociales et non pas en indivision sur le bien immobilier. Le coût, notamment fiscal, de ce schéma peut être dissuasif : taxation de la plus-value latente (alors qu'elle est « gommée » par une donation), coût de la rédaction des statuts... Les éventuelles contraintes de gestion de la société sont également à considérer (tenue d'assemblées, de registres...), sans oublier les probables comptes-courants d'associés dès lors que la société n'aura aucun revenu (bien apporté non frugifère) et que les donateurs assumeront l'ensemble des dépenses (charges, impôts, travaux) voire du prêt qui peut toujours être en cours. 35 - En attendant une éventuelle réécriture des textes fiscaux, ou la création de nouveaux pactes de famille permettant l'application du gel des valeurs aux biens donnés par donations simples19, chaque praticien appréciera avec ses clients le risque potentiel des solutions ci-dessus. B. - Donation-partage cumulative 36 - La donation-partage cumulative est une donation-partage consentie par un donateur à ses descendants, aux termes de laquelle il leur impose également de partager tout ou partie des biens provenant de la succession de leur parent prédécédé. Cette formule a pour but de reconstituer une masse globale afin de pouvoir allotir les enfants et procéder à des attributions portant sur le patrimoine initial des deux parents. À ce sujet, même si c'est le cas le plus courant, il n'est pas nécessaire que les parents aient été mariés. La donation-partage cumulative peut donc intervenir entre le parent survivant et les enfants après une situation de divorce, de rupture de pacs ou concubinage. 37 - Comme dans une donation-partage conjonctive, ce type de donation-partage permet donc de partager un patrimoine entre les descendants et de constituer des lots sans considération de l'origine des biens. La donation-partage cumulative proprement dite ne figure pas dans le Code civil, mais sa validité a été confirmée par la Cour de cassation20 et est issue de la pratique notariale. 1° La dualité de la donation-partage cumulative 38 - La vocation de la donation-partage cumulative est double : ‰ d'une part, une libéralité consentie par un parent à ses enfants ; ‰d'autre part, un partage classique de succession sur les biens qui appartenaient à l'autre parent. Ces deux conventions sont indivisibles et déterminantes de la volonté et du consentement des parties : le parent survivant donne à la condition que ses enfants réunissent à la masse des biens donnés ceux précédemment reçus dans la succession du parent prédécédé. 39 - Par extension on entend par biens provenant de la succession du parent prédécédé, non seulement les biens existants au jour de son décès, mais également les biens qu'il avait donnés de son vivant en avancement de part successorale et portant sur des parts indivises, c'est-à-dire que la donation-partage cumulative peut contenir la réintégration à la masse des biens ne dépendant pas stricto sensu de la succession du conjoint. Toutefois, le point essentiel pour pouvoir effectuer cette réintégration est que la donation initiale consentie par le parent prédécédé n'ait pas procédé à une répartition divise entre les donataires, car il n'est pas possible pour cette partie de modifier les attributaires 16. Tarif des notaires, C. com., art. A. 444-67, 4°. 17. M. Grimaldi, obs. préc. sous les arrêts des 6 mars et 20 novembre 2013. 18. Cette règle vient d'être rappelée récemment par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 12 juillet 2023 (Cass. 1re civ., 12 juillet 2023, pourvois 21-20.361 et 21-23.425) 19. 116e Congrès des notaires, Vers un assouplissement de la réserve héréditaire : JCP G 2020, 1197. 20. Cass. 1re civ., 29 mai 1980, n° 79-12.762. 10 © LEXISNEXISSA - ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 Dossier
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