mais qu'un seul des donataires a accepté. La donation-partage a conservé ses qualités à l'égard de ce seul donataire, le surplus de l'acte ayant été disqualifié en donation simple. Cette solution a été vivement critiquée10 à la fois parce qu'il opère un dépeçage de l'acte peut opportun comme on l'a vu ci-dessus, mais aussi parce que la Cour de cassation affirme à l'encontre de la doctrine majoritaire qu'une donation-partage ne peut être valablement formée que par l'acceptation d'au moins deux donataires 11. 24 - Les rapports entre les donataires seront-ils bouleversés par la disqualification de l'acte ? Cela va dépendre du schéma de transmission opéré par l'acte et du devenir des biens donnés. 25 - Enjeu liquidatif. – Dans l'hypothèse d'un bien donné unique demeuré dans le patrimoine des donataires, les effets de la revalorisation seront limités puisqu'ils seront subis de manière identique par chacun. En l'absence d'autre donation, on peut même affirmer que l'impact sera inexistant entre les héritiers. Attention cependant, les conséquences sur l'imputation de la donation et l'utilisation possible de la quotité disponible demeurent et pourraient remettre en cause des dispositions testamentaires prises par le donateur au profit de son conjoint notamment. Toutefois et concernant le conjoint, rendre rapportable une libéralité qui ne l'était pas peut lui être profitable puisqu'elle vient accroître la masse de calcul de ses droits théoriques. Cela suppose toutefois d'admettre que les donations-partages ne font pas partie de cette masse de calcul 12(en tant que donation non rapportable et en application de l'article 758-5, alinéa 1 du Code civil), et la doctrine est divisée sur ce point 13. 26 - Si les biens donnés et initialement indivis entre les donataires ont été vendus la question est tout autre surtout si le prix a été réparti. En fonction de l'emploi que chaque donataire aura fait de la somme ainsi perçue, le rapport dû sera différent. En application des règles de droit commun du rapport des donations de sommes d'argent, le bénéfice des investissements réalisés par le donataire prudent profiteront indirectement à ses codonataires plus dépensiers ! Des conflits peuvent survenir à l'ouverture de la succession que la fixité des valeurs attachée à une donationpartage aurait pu éviter. b) Conséquences fiscales 27 - Le traitement fiscal de la donation-partage sera abordé de manière détaillée dans une autre étude de la présente revue. On peut cependant rappeler les principes généraux suivants. En ce qui concerne les droits de mutation à titre gratuit, la disqualification paraît sans incidence car la transmission à titre gratuit persiste, seuls les attributs civils prévus à l'article 1078 du Code civil étant remis en cause. La liquidation des droits de mutation à titre gratuit pourrait-elle être différente dans une donation-partage ou une donation simple portant sur les mêmes biens ? Cela est possible si la liquidation comprise dans la donation-partage avait été effectuée en fonction des droits théoriques car une donation simple implique nécessairement une liquidation sur la base des attributions. Toutefois, l'administration fiscale s'en tient à la qualification retenue par les parties et ne saurait la remettre en cause même en cas de donation-partage« sans division matérielle des biens »entre les donataires 14. En ce qui concerne le droit de partage et la taxation des plusvalues, on sait que ce droit n'est pas dû à l'occasion des attributions constatées d'une donation-partage, le partage étant une disposition dépendante de la donation qui ne peut donner lieu à la perception de deux droits d'enregistrement. En l'absence d'attributions divises et si le partage intervient par acte ultérieur, le droit de partage sera dû15. En cas de disqualification de l'acte en donation simple, la licitation ultérieure entre les donataires relèverait du régime des ventes et ne saurait bénéficier du droit de partage au taux de 2,50 %. La plus-value de cession serait également taxable. 2° Solutions 28 - Malgré les incertitudes issues de la jurisprudence de 2013, la donation-partage laissant tout ou partie des biens en indivision entre les donataires reste très présente dans les études. Les notaires seraient-ils ignorants du Droit positif ? Peut-être le pragmatisme préside-t-il parfois aux choix rédactionnels pour autant que les clients soient parfaitement avertis des risques (mesurés ?) qu'ils encourent. Peu de donateurs disposent d'un patrimoine composé de suffisamment de biens pour allotir divisément tous leurs enfants, ou de biens de valeurs sensiblement équivalentes, ou encore de liquidités suffisantes pour former un lot égal à celui comportant un bien immobilier. Doit-on les priver pour autant des vertus de la donation-partage ? Quelles solutions leur proposer ? a) Des solutions imparfaites 29 - Clause de rapport forfaitaire. –L'inconvénient liquidatif résidant dans le rapport de la donation et la revalorisation des biens, on pourrait songer aux clauses stipulant un rapport forfaitaire (par hypothèse à la valeur déclarée dans l'acte de donation), assortie le cas échéant d'une stipulation de préciput sur l'excédent de lot. Il n'est pas certain que le but recherché soit atteint : la donation reste rapportable (sauf pour la partie éventuellement hors part), et le travail de revalorisation n'est pas évité puisqu'il sera nécessaire d'apprécier si la différence entre la valeur forfaitaire à rapporter et la valeur du rapport tel qu'il aurait dû être fait (de la valeur des biens à la date du décès tenant compte de leur état au jour de la donation), qui constitue un avantage hors part, ne porte pas atteinte à la réserve. Cette différence va s'imputer sur la quotité disponible et limiter la liberté testamentaire du donateur, voire rendre réductible des donations ultérieures. 30 - Scinder la donation-partage en deux actes. –On pense ici par exemple à une donation-partage qui porterait à la fois sur des sommes d'argent réparties entre les donataires, et sur un bien immobilier (ou plusieurs) attribué en indivision. Pour limiter les risques liés à la disqualification possible de l'acte, on pourrait établir deux donations-partages séparées : l'une portant uniquement sur les sommes d'argent et l'autre 10. Cass.1re civ., 13 févr. 2019, n° 18-11.642 : JCP G 2019, 479, note C. Brenner ; Dr. famille 2019, comm. 108, note M. Nicod ; RTD civ. 2019, p. 386, note M. Grimaldi. 11. V. J. Patarin, Rép. civ. Dalloz, v° Partage d’ascendant, 1975, n° 97. – G. Marty et P. Raynaud, Les successions et les libéralités : Sirey, 1983, n° 89. – H., L., et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, t. 4, 2e vol. : Montchrestien, 1999, n° 1811 à 1812. – Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit des successions et des libéralités : LGDJ, coll. Droit civil, 8e éd., 2018, par Ph. Malaurie et Cl. Brenner, n° 1053 et 1069. 12. Donation-Partage et indivision : JCP N n° 49, p. 34. 13. Contre : P. Catala, JCl. Civil Code, Art. 756 à 767, fasc. 10, actualisé par L. Leveneur, n° 77. – C. Vernières, in Droit patrimonial de la famille (dir.) M. Grimaldi, 2021/2022, n° 232.85. – Pour : M. Grimaldi, Droits du conjoint survivant : brève analyse d'une loi transactionnelle : AJ fam. 2002, p. 48, note 20. – A. Delfosse et J.-F. Peniguel, La réforme des successions et des libéralités : Litec, 2006. – M.-C. Forgeard, R. Crône et B. Gelot, La réforme des successions, Loi du 3 décembre 2001, Commentaire et formules : Defrénois 2002, n° 17. – N. Levillain et M.-C. Forgeard, Liquidation des successions : Dalloz référence 2021/2022, n° 132.46. 14. BOI-ENR-DMTG-20-20-10, 12 sept. 2012, § 80. 15. BOI-ENR-DMTG-20-20-10, 12 sept. 2012, § 80. 9 ACTES PRATIQUES & STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 3 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXISSA Dossier
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